Plus d'une heure de recueillement
11h 40, c'est l'heure du recueillement sur le cercueil du président de l'Assemblée nationale, selon un protocole défini. Le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, et les membres du gouvernement sont les premiers à s'incliner devant la dépouille de Salifou Diallo. Suivent le 1er vice-président de l'hémicycle, Me Bénéwendé Stanislas Sankara et ses pairs, les anciens Premiers ministres, Paramanga Ernest Yonli, Tertius Zongo et Beyon Luc Adolphe Tiao. Les anciens chefs d'Etat, Jean-Baptiste Ouédraogo et Moussa Dadis Camara de la Guinée-Conakry accomplissent le rituel. Les présidents des parlements des pays ci-dessus cités, les présidents d'institutions, les diplomates, les autorités coutumières, religieuses, militaires, paramilitaires, responsables de partis politiques, gouverneurs, le monde scientifique... se présentent devant le cercueil pour dire adieu à Gorba. Le ballet de recueillement prend fin à 13h 09.
13h 13, le président du Faso Roch Marc Christian kaboré et ses homologues du Niger, Mahamadou Issoufou, de la Guinée-Conakry, Alpha Condé, font leur entrée au palais des sports. C'est le début des discours d'hommage à Salifou Diallo qui aura marqué la scène politique burkinabè pendant trois décennies. L'honneur échoit au président/Afrique de l'Internationale socialiste, Emmanuel Goulou, d'énoncer en premier son message d'hommage. Pour lui, le natif de la province du Yatenga était un combattant qui a marqué les cœurs et gagné des batailles. « Un de nos grands camarades, un digne fils du Burkina nous a quittés. Nous sommes étreints par la douleur et la tristesse. Inconsolables, nous sommes depuis sa disparition. Nous ne reverrons plus l'ami, le chef, le citoyen », confie M. Goulou. Toutefois, précise-t-il, le MPP a des ressources et des valeurs qui peuvent assurer la continuité. Prenant la parole au nom des présidents et vice-présidents des parlements de pays présents, le président de l'Assemblée nationale du Bénin, Adrien Houngbédji, déclare que si «vivre et mourir est le destin des hommes», le décès de Salifou Diallo les laisse tout de même «désemparés». «Ceux qui ont eu la chance de le connaître savent combien sa perte est immense. Généreux, attachant, opiniâtre, homme d'Etat, de son temps, de lutte, d'engagement et de combat, Salifou Diallo l'était. Nous avons perdu un frère, un ami et un grand serviteur de l'Etat », souligne Adrien Houngbédji.
Ni opposition ni vengeance dans la mort
Au nom des camarades politiques africains, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur du Niger, Mohamed Bazoum, témoigne que la mort du « baobab politique » a provoqué chez eux « un désastre sentimental » et une consternation. Le défunt, précise-t-il, était pour lui « un ami exceptionnel, généreux, fidèle, un carrefour africain et la sève du réseau d'amis ». Dans l'adversité politique, il laisse entendre que Salifou Diallo était « un homme coriace ». Comme dernière adresse à son ami, il ajoute : « Tu ne mourras jamais en notre mémoire ». Au président du Faso, Mohamed Bazoum assure qu'ils seront toujours à ses côtés pour faire triompher les idéaux de l'homme.
Le Chef de fil de l'Opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, lui, affirme que le peuple burkinabè perd un de ses fils illustres. Son décès, dit-il, est un temps de chagrin pour la nation entière. A l'entendre, Salifou Diallo était « un combattant politique, un baobab » qu'il appréciait pour la finesse de ses analyses. « Nous avons une pensée toute émue pour le MPP et exprimons notre sincère compassion à sa famille. Nous partagions les mêmes valeurs démocratiques au-delà de nos divergences. Tant de fois nous nous sommes reconnus dans tes analyses objectives de certaines situations », indique Zéphirin Diabré. Pour lui, il n'y a ni opposition ni vengeance dans la mort. Les « intrigues » de Gorba, regrette-t-il, vont manquer à l'opposition politique. Le porte-parole de la majorité présidentielle, Philippe Ouédraogo, soutient que Salifou Diallo est un patriote dont les hautes fonctions occupées n'ont jamais étouffé sa volonté d'être au service de sa nation et sa liberté de penser. Le président de la représentation nationale était, selon lui, un homme de conviction qui avait de l'endurance et de la ténacité.
Un travail « titanesque » abattu à la tête de l'hémicycle
Le 1er vice-président de l'Assemblée nationale, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, à son tour, évoque la douleur de la disparition de Salifou Diallo. « ... Le temps s'est arrêté sur la représentation nationale, chacun des 126 députés de tout bord politique a coupé son souffle les agents de l'administration parlementaires avec », relate-t-il le visage fermé. De l'avis de Me Sankara, la classe politique, à l'unanimité, et les observateurs reconnaissent en Salifou Diallo « un homme politique exceptionnel ». Les députés de la 7e législature, affirme-t-il, reconnaissent que pendant les 20 mois passés à la tête de l'Assemblée nationale, l'homme a posé la pierre angulaire pour l'édification d'un parlement moderne et innovant qui devra refléter les ambitions du peuple et ses aspirations à la démocratie et à la justice sociale. « Plus de 120 lois votées en 20 mois de législature, cela illustre parfaitement le travail titanesque abattu par le Dr Salifou Diallo. En effet, la modernisation de l'Assemblée nationale, sa gestion transparente et la communication ont été au cœur des actions de celui que nous pleurons tous aujourd'hui et qui avait placé son mandat sous le signe d'une gestions consensuelle de l'institution parlementaire », détaille Me Bénéwendé Stanislas Sankara.
Prenant la parole au noms de son homologue de la Guinée-Conakry, Alpha Condé et des représentants des autres chefs d'Etat, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, témoigne que le départ de Salifou Diallo les a assommés. « Telle fut la volonté de Dieu, nous dûmes nous résigner difficilement ». A la mère de l'illustre disparu, à son épouse et à ses enfants, il réitère leurs sincères condoléances. Le président Issoufou dit avoir a connu celui qui a été son conseiller, en 1991 et depuis lors les liens sont devenus étroits entre eux. « Il a imprimé un cachet particulier à la qualité de notre relation. Je garde le souvenir d'un homme généreux, fidèle en amitié, engagé, courageux, énergique, travailleur, tacticien, stratège et fin politique. Son engagement dépasse les frontières du Burkina Faso, c'est toute l'Afrique qui pleure ta disparition », souligne Mahamadou Issoufou.
S'inscrire dans la dynamique de son engagement
14h 16 marque la fin des interventions et la fanfare militaire fait son entrée dans la cuvette du palais des sports. Le drapeau national est étalé sur le cercueil de Salifou Diallo. La salle, debout, retient son souffle un instant. 14h 21, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, se présente à la tribune pour son hommage officiel. « Les circonstances qui nous rassemblent ici cet après-midi sont douloureuses et tristes. La disparition brutale de Salifou Daillo (...) arraché à notre affection et à notre combat quotidien pour la démocratie, la justice et le progrès économique et social, est celle d'un frère, d'un camarade, d'un ami, d'un grand commis de l'Etat, d'un compagnon de lutte, d'un collaborateur engagé et déterminé, d'un homme politique averti », affirme-t-il. Dans ces moments difficiles, le président du Faso exhorte ses compatriotes éprouvés, les cadres de l'Etat, la classe politique et tous les acteurs d'une gouvernance démocratique apaisée et porteuse de paix, de stabilité et de prospérité, à renouveler leur engagement au service de la nation. Aux dires du président Kaboré, Salifou Diallo aura donné l'exemple d'un homme de conviction, courageux, tacticien et résolument déterminé à remporter toutes les batailles qu'il engageait. Pour lui, le meilleur hommage à lui rendre est de s'inscrire dans la dynamique de son engagement. «C'est de nous engager individuellement et collectivement à remporter les batailles à venir pour la paix et la prospérité de notre nation », invite-t-il.
14h 32, la cérémonie d'hommage tire à sa fin. Le grand chancelier des ordres burkinabè, André Rock Compaoré se présente devant la dépouille pour élever à titre posthume Salifou Diallo au rang de la dignité de la grand-Croix de l'ordre national. Les députés réagissent par un tonnerre d'applaudissements.
14h 35, la sonnerie aux morts résonne et les chefs d'Etats de la Guinée, du Niger et du Faso et leurs épouses s'inclinent une dernière fois devant le cercueil. L'exécution à l'unisson de l'hymne national par l'assemblée met un terme à l'hommage national. Le cortège funèbre quitte difficilement le palais des sports pour Ouahigouya, la ville natale de Salifou Diallo. Après un ultime hommage parmi les siens, il sera inhumé dans cet après-midi du vendredi 25 août 2017.
Karim BADOLO
(NB : Article publié en partenariat avec '' Sidwaya'' du Burkina Faso, paru dans son édition de ce vendredi 25 Août 2017)
28 août 2017
Source : Le Sahel