La manif proprement dite

S’il est incontestable que la manif du 4 février n’a pas atteint celle du 21 décembre en terme de mobilisation, il est tout autant vrai que les organisateurs peuvent légitimement être fier. Ils doivent même l’être assez parce que les habitants de la capitale ont démontré leur attachement aux revendications posées. Ce sont des milliers d’hommes et de femmes, de jeunes et de moins jeunes qui ont piétiné le bitume de la Place Toumo à celle dite de la Concertation. Leur nombre est important mais ce qui l’est encore plus, c’est le don de soi dont ils ont fait montre. Ils n’ont pas été transportés gratuitement comme ça se voit ailleurs ; ils n’ont pas non plus été payés pour faire le déplacement ; et par-dessus tout, ils sont de Niamey, ils ne se sont pas faits rapatriés manu-monnaierie des villages d’autres régions du Niger. Eux sont venus de leur propre chef et simplement parce qu’ils sont d’accord avec l’exigence d’une bonne gouvernance, la réduction du train de vie de l’État, l’enrichissement illicite, le détournement de biens et deniers publics, l’inégalité des citoyens devant la loi et l’administration publique, bref, ils sont contre la gouvernance cahoteuse de la Renaissance du président Issoufou. Ça, c’est incontestable. Et de ce point de vue, la marche et le meeting des acteurs de la société civile a été une réussite totale. Réussite inattendue dans la mesure où en les contraignant de manifester un week-end et non un jour ouvrable conformément à leur vœu, le gouvernement pensait sans doute pouvoir démobiliser les citoyens qui, les samedis et dimanches, sont, généralement, partagés entre mariage,baptême et repos après 5 jours de boulot harassant. Mais mal lui en a pris car les niameyéns sont partis crié leur colère, la douleur de leur existence alourdie par une mauvaise gestion inégalée,doublée d’une privation de libertés publiques pourtant consacrées par la Constitution. Voilà qui devait faire réfléchir les gouvernants et les pousser non pas à détester les organisateurs de cette manif mais à changer son fusil d’épaule et améliorer la gouvernance décriée. Hélas ! Aucun espoir n’est permis à ce propos puisque cette attitude est propre aux gouvernements responsables, à l’écoute des citoyens.

Bientôt la réplique de la mouvance présidentielle ?

Pas évident ! Les manifestations de rue sont très onéreuses dans les arcanes de la Renaissance étant entendu qu’il faille transporter et nourrir les participants. Imaginez les moyens logistiques nécessaires pour transporter 5 000 personnes. S’il faut utiliser des minibus de 19 places, il en faudra quelques 263. A raison de 50 000 francs la location, pas moins de 13 157 894. Et s’il faut offrir le petit-déjeuner (au moins 1 000 FCFA) à 5 000 personnes ça coûtera 5 autres millions. Cela, sans prendre en compte les affiches et les enveloppes des « courtiers » en la matière qui sont chargés de la mobilisation. C’est plusieurs dizaines, voire centaines, de millions qui sont en jeu. Ce n’est donc pas évident en ces temps de rareté des ressources financières.

Pas seulement ...

Les divergences au sein de la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN) ne sont pas non plus pour faciliter les choses. A l’heure où on parle de la création imminente d’une autre coalition qui viendra s’ajouter à l’APR de Seïni Oumarou au sein de la MRN, il est difficile pour le PNDS-Tarayya de convaincre ses alliés sur la pertinence d’une contremarche en réponse à la société civile. Surtout que l’argent ne coule plus à flot comme antan. Pourtant, la MRN n’a de choix que mobiliser ses troupes. Autrement, elle aura accepté que le 8 janvier dernier le président de la République n’était « pas seul » mais que désormais il n’a plus de personne pour le soutenir. Et ça, c’est inadmissible pour un Bazoum Mohamed, président du parti qui a porté Issoufou Mahamadou au pouvoir. Ça aurait été un échec pour lui. Personne ne lui avait demandé de dépenser pour démontrer que le président Issoufou « n’est pas seul ». C’est de son propre chef et il ne peut pas se dérober dès à présent. Lui, qui a tout, comment peut-il se laisser vaincre et ridiculiser par des acteurs de la société civile qui n’ont que leurs bouches pour parler et leurs popularités auprès des citoyens ? Popularité ! Ah c’est justement ce qui manque quelque part !

Ibrahim A. YERO

07 février 2017
Source : Le Canard En Furie