« L’État et le Trésor public n’a rien à avoir avec ça. La Mairie, c’est une, c’est une … entité …, une collectivité territoriale qui est de droit privé et nous n’avons rien à avoir avec »a affirmé Massaoudou. Puis, il enfonce son allié dans les abîmes de l’opinion publique en ces termes : « Si le Maire ne paie pas ses salariés, c’est à lui. L’argent qu’ils ont au Trésor, chaque fois, il le prend. Il n’a rien du tout au Trésor. La dernière fois, ils venaient d’avoir 200 millions j’ai donné les instructions de leur payer leur 200 millions et chaque fois qu’ils ont de l’argent, ils l’ont pris au Trésor. »
Comme si cela ne suffisait pas, le tonitruant Hassoumi accuse le Maire de pratiques pas du tout orthodoxes.
« Mais seulement il sait lui le Maire les opérations qu’il fait avec d’autres banques, ce n’est pas au Trésor (…) il (ndlr, le Maire) paie ses fournisseurs d’ailleurs, vous savez. Donc je ne vais pas rentrer dans ces affaires-là ! »insinue le ministre Massaoudou
« Ces affaires-là » ! Et tout est là. Il n’y a pas meilleure façon subtile d’accuser, de jeter en pâture. Près de deux semaines plus tard, le jeudi 2 mars 2017, le président du Conseil de ville a balayé les accusations et insinuations du ministre des Finances au cours d’une sortie médiatique. D’abord, à propos du statut juridique même de la Ville de Niamey. Là-dessus, Assane Seydou rappelle à Massaoudou Hassoumi le contenu des textes qui régissent les collectivités territoriales :
« la Ville de Niamey jouit de la personnalité morale de droit public, de l’autonomie financière et dispose d’un budget, du domaine et d’un personnel qui lui sont propres. Elle concoure avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire. De tout ce qui précède, il ressort clairement que la Ville de Niamey, a un statut particulier de par l’ordonnance 2010-56 du 17 septembre 2010 est une collectivité territoriale de droit public et non de droit privé ». Étant entendu qu’en soutenant que la Mairie de Niamey est une entité de « droit privé », le ministre des Finances n’a cité aucune loi de la République ni une quelconque Ordonnance, l’on peut considérer qu’il s’est juste conformé à son verbiage habituel : dire ce qu’il veut et seulement ce qu’il veut, rien que ce qu’il veut.
Concernant les ressources de la Mairie, le Maire Assane éclaire la lanterne du ministre des Finances la nature de ses ressources et d’où elles tirent leur essence : « le budget voté et adopté pour 2017 par le Conseil de ville de Niamey est équilibré en recettes et en dépenses, pour le fonctionnement autour de 25 milliards et les investissements autour de 28 milliards. Les recettes proviennent, essentiellement, de ventes de terrains, des recettes de fiscalités propres à la Ville et la fiscalité d’Etat concédée. La Mairie a toujours ses dossiers de demande de lotissements en souffrance auprès du ministère en charge de l’Urbanisme. Nous osons espérer qu’après l’intervention du chef de l’Etat, qui a arrêté les lotissements privés, ce domaine reviendrait dans le giron de la Mairie qui pourrait enfin commencer à vendre des terrains. Parce que depuis que, moi, je suis là, on a pas eu d’autorisation de lotissement. Les recettes propres de la Ville s’élèvent en moyenne à 75 millions par mois, c'est-à-dire, les taxes que nous prélevons par nous-mêmes. »
Juste après Assane Seydou donne une petite leçon d’économie mais aussi de droit au ministre des Finances : « le livre 5 en son article 277 stipule que : les impôts rétrocédés par l’Etat aux collectivités territoriales sont perçus par les services de la Direction générale des impôts et reversé au compte général des impôts, c'est-à-dire, le Trésor, pour le compte des collectivités territoriales bénéficiaires. Dans ce cas, pour la Ville de Niamey, il s’agit de la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique. Dans le Code général des impôts (CGI) une ressource exceptionnelle est créée par le législateur en vue d’amener les collectivités territoriales à améliorer leur participation au développement économique, social et culturel ainsi qu’à l’amélioration du cadre de vie. Cette ressource découle des dispositions de l’article 5 chapitre 1 du titre 1 du Livre 2 du CGI qui stipule que : toute exonération d’impôts ou de taxes revenant à la commune ou à la région, autre que celle prévue par le Code des investissements, la loi minière, les lois sur les grands projets miniers, le Code pétrolier et les conventions internationales, accordée par l’Etat doit faire l’objet d’une compensation financière intégrale et concomitante à la Ville. »
Puis vient l’histoire des problèmes qui agenouillent actuellement la Ville de Niamey.
« Les difficultés de trésorerie de la Ville de Niamey ont commencé en 2016 de la nouvelle interprétation soudaine et inattendue de cet article. Avant cela, les salaires sont systématiquement payés par le Trésor en attente des provisions des recettes des impôts. A titre indicatif : la lettre n°1084 du 10 octobre 2014 reçue de la DGI nous informait que pour 2013 la DGI a recouvré 30 milliards 83 millions 741 mille 350 francs CFA dont 4 milliards 324 millions 880 mille francs CFA de recettes cash. Pour 2014, à fin août, le cash s’élevait à 5 milliards 134 millions 967 mille 725 francs CFA et pour les exonérations, elle s’élève à 13 milliards 141 millions 233 mille 035 francs CFA, je disais à fin août. Nous ne disposons malheureusement pas des chiffres de 2015 et de 2016 mais sur la base de 2013, il est aisé de comprendre que, bon an mal an, c’est au moins 25 milliards de FCFA qui sont engrangés. Ici, il est bon de préciser que le budget de la Ville de Niamey repose essentiellement sur les recettes fiscales du Trésor à hauteur de 82%, pour 2017 en tout cas. Nous demandons simplement la transparence avec la DGI et le Trésor et l’interprétation correcte de l’article 5 dont je parlais tout à l’heure. »explique le Maire de Niamey.
Et enfin, le PCV répond à l’accusation selon laquelle il privilégie ses fournisseurs et jouerait des jeux troubles avec les banques : « on a parlé de payements des factures. Depuis mon installation, hormis les salaires, je n’ai jamais bénéficié de retrait important du Trésor à deux exceptions près : lors de la visite d’Etat du président français, le Trésor a consenti le retrait de notre compte de 270 millions pour le toilettage de la Ville et dernièrement, dans le cadre de la récupération des domaines publics communément appelé déguerpissent, on a été autorisé également à décaisser 250 millions. Tous les fournisseurs importants ainsi que les salaires sont envoyés au Trésor qui se charge des règlements. Constatant la tendance, nous avons demandé et écrit au Trésor pour privilégier les salaires. En outre, nous n’avons jamais opéré de payement de fournisseurs dans aucune banque de la place ; et d’autre part, nous n’avons jamais non plus emprunté un centime aux banques de la place. »
En conclusion, Assane Seydou dit ceci : « nous estimons, jusqu’à preuve du contraire que la Mairie dispose bel et bien de fonds au Trésor conformément au Code général des impôts. Je n’ai ménagé aucun effort pour rendre le cadre de vie des niaméyens agréable mais j’ai toujours été confronté au manque de ressources. »
Pour notre part, nous constatons trois choses. La première, pour les besoins de l’arrivée du président Hollande à Niamey, on a ponctionné plus de 200 millions dans nos maigres ressources pour son seul accueil ; la deuxième, pour casser les kiosques et fragiliser l’économie en plongeant dans le chômage des chefs (fes) de familles, on nous a encore dépossédés de plusieurs centaines de millions ; et enfin, nous remarquons que nulle part, le Maire-président de Niamey n’a fait allusion direct au ministre Massaoudou en appelant son nom ou encore son titre. Preuve que, contrairement à celui qui l’a balancé à la vindicte populaire, lui, a gardé son sang-froid en faisant preuve de retenu, de respect et de courtoisie envers celui qui reste son allié mais aussi du président de la République et du PNDS. Assane Seydou a juste dit ce qu’il pense être la vérité, rien de plus.
Ibrahim A. YERO
07 mars 2017
Source : Canard en Furie