C'est un truisme de dire que la gouvernance de Mahamadou Issoufou n'a été pour le Niger qu'une succession interminable de mésaventures, de drames et de catastrophes moulées dans un drap d'affaires scabreuses où l'unité de compte est le milliard. Un chapelet de scandales qui ont considérablement enrichi des individus tandis que l'État se meurt, faute d'argent et que les populations sont livrées à elles-mêmes, victimes d'une paupérisation grandissante et d'une sécheresse qui, chaque année, est implacable. Ils découvrent, effarés, que ceux qui nous gouvernent ont pratiquement passé leur temps à se livrer à une course : c'est à qui réussira à se mettre le maximum de magot de côté. Les scandales financiers sont si considérables que bien malin sera celui qui saura combien de centaines de milliards ont été détournés à des fins personnelles. Les Nigériens sont d'autant plus traumatisés que ce sont précisément ceux qui, grands en gueule devant l'Eternel, ont passé leur temps à stigmatiser les uns, à vilipender les autres, qui sont pris en flagrant délit de transfert de centaines de milliards de francs soutirés d'un compte public de l'État. Les responsables de cette forfaiture, toujours en poste, arborent au quotidien les attributs de la République et s'autorisent, comble de scandale, le luxe de s'en prendre à une presse qui n'a fait que son boulot : informer. Ragaillardi par le soutien politique dont il bénéficie au plus haut sommet de l'État - ça se comprend aisément - et au sein de son parti politique qui a tenu à lui manifester sa solidarité à travers une virulente déclaration contre la presse, vilipendée pour avoir révélé cette forfaiture de 200 milliards, Hassoumi Massoudou continue de se rendre, chaque jour, au bureau, comme s'il n'a jamais rien commis. Une situation rocambolesque que dénoncent avec véhémence les Nigériens. Un mérite tout de même : l'affaire a fait taire l'homme qui, récemment encore, traitait les douaniers de tous les noms d'oiseau. Véritable chaîne de désespoir pour Mahamadou Issoufou et ses collaborateurs, l'Uraniumgate a mis à nu les pires pratiques d'une gouvernance que les Nigériens savaient déjà scabreuse. La presse internationale, qui s'est saisie de l'affaire, ne fait que rendre compte de l'ampleur et de la tournure que prend l'uraniumgate. Une véritable tempête se prépare et il sera difficile, extrêmement difficile pour les autorités de Niamey, de se sortir d'une situation créée, de toute évidence, par cupidité.

 

D'abord Tv5 Monde, puis France 24 et Jeune Afrique se sont successivement intéressées à cette scabreuse affaire dans laquelle Hassoumi Massoudou, agissant en qualité de directeur de Cabinet de Mahamadou Issoufou, a ordonné le virement bancaire de 200 milliards de francs CFA d'un compte libellé au nom de la Sopamin à BNP Paribas vers un compte privé, à Dubaï. Un transfert qui a été fait pour payer un obscur achat d'uranium par la Sopamin auprès d'une société offshore, Optima Energy. Ce paiement est non seulement attesté par l'ordre de virement émis par Hassoumi Massoudou, mais également par une lettre de Hamma Hamadou, ancien directeur général de la Sopamin, certifiant que les 200 milliards qui ont été virés dans le compte d'Optima Energy, proviennent bel et bien des activités commerciales de la société nigérienne et non de sources criminelles. Deux preuves qui accablent Hassoumi Massoudou et qui répondent aisément à ceux qui prétendent que le magot n'est pas de l'État nigérien. Ce déni systématique, alors que les preuves sont plus qu'accablantes, complique pourtant la position, inconfortable, de Hassoumi Massoudou et de tous ceux qui sont liés à cette fraude. Car, si Hassoumi prétend que les 200 milliards ne sont pas du Niger alors qu'ils sont soutirés d'un compte public de l'État nigérien, il devra alors, forcément, expliquer d'où vient cet argent. Proviendrait-il d'une activité suspecte qu'il ne pourrait révéler au risque d'avouer des crimes encore plus monstrueux ? Pourquoi, dans ce cas, l'avoir stocké dans un compte appartenant à la Sopamin ?

 

L'intérêt manifesté dans l'hexagone et même outre-Atlantique, notamment par l'oncle Sam et son FBI, traduit tout l'émoi suscité par cette scabreuse affaire à travers le monde. Emoi d'autant plus grand qu'une des sociétés impliquées dans cette transaction frauduleuse, Energo Alyans, n'est rien d'autre qu'une société fantôme qui n'a existé peut-être que pour l'arnaque. Elle aurait disparu, selon Jeune Afrique, dès le lendemain de l'affaire. Les fautes de Hassoumi et de ses complices sont irréfutables. Outre que c'est bien lui qui a ordonné le virement bancaire des 200 milliards vers Dubaï, il est attesté que cet argent est bel et bien tombé dans l'escarcelle d'Optima Energy puisque, selon Jeune Afrique, Jean-Michel Guilheux (Vice-président à la division Uranium sourcing and supply contracts d'Areva) se porte même garant du transfert dès le 17 novembre. Par delà la mainmise sur ces 200 milliards qui pourraient régler bien des problèmes actuels, notamment les questions de l'école publique clochardisée par manque de ressources financières, la question qui dérange les Nigériens est de savoir pourquoi la Sopamin achèterait de l'uranium alors qu'elle éprouve beaucoup de peine à écouler ses parts sur le marché ? Si, comme l'a confié Hassoumi Massoudou à Jeune Afrique, " cette opération n'avait en fait aucune matérialité ", il lui faudra bien expliquer les sources réelles des 200 milliards dont le transfert ne fait l'ombre d'aucun doute. Il y a, d'ailleurs, de fortes raisons de ne pas le croire dans la mesure où les 800 millions dont il a parlés sont un pur produit de son imagination. Jeune Afrique avance la somme de 850 000 dollars empochés par Niamey, soit 425 millions de francs CFA en raison de 500 FCFA le dollar. Alors, d'où est-il allé chercher la différence ? N'est-ce pas la preuve qu'il a avancés des chiffres sans aucun rapport avec la réalité ? La plus grande certitude, c'est que les autorités nigériennes ont trempé dans une affaire scabreuse. Et cela n'est pas sans rappeler une autre affaire : celle des vrais-faux dinars de Bahreïn. Il va, donc, de soi qu'elle continue de faire couler de l'encre et de la salive jusqu'à ce qu'elle révèle toutes ses vérités. Elle est déjà dans les cartons des juges du Parquet financier et de la Brigade financière de Paris tandis qu'elle déborde vers les Etats Unis, la piste russe et ces rétro-commissions que Hassoumi Massoudou évoque avec tant de fierté, inquiétant au plus haut point. Quant à Niamey, elle a mis en place une commission d'enquête parlementaire qui dispose de 45 jours pour déposer son rapport. D'ici à là, la capitale nigérienne continuera de vibrer au rythme des scandales. Dans l'indifférence totale du régime et de ses ténors.

Laboukoye

23 mars 2017
Source : Le Courrier