Mohamed Bazoum, un perdant sûr

Le premier est président du Pnds Tarayya et candidat investi de ce parti au titre de l’élection présidentielle prochaine. Mais il ne compte, selon toute vraisemblance, ni sur sa popularité ni sur le bilan des deux mandats de Mahamadou Issoufou, pour triompher dans les urnes. Il a, dit-on, anticipé, en installant personnellement un comité ad hoc en vue d’élaborer le projet de code électoral qui est, dénonce-t-on, la copie conforme de ses desiderata. Couplée avec une commission électorale qui n’est que le doublon du Pnds dans sa configuration actuelle, aucun candidat ne se ferait d’illusion sur l’issue des élections prochaines. Une véritable tour de Babel dont Mohamed Bazoum a la clé au fond de sa poche. Avec une administration fortement politisée et corrompue, le tour est joué. Le seul challenge pour Bazoum, c’est de se battre pour demeurer le candidat du Pnds jusqu’à la tenue des élections et que ces dernières se tiennent dans le chaos dessiné. Une décrispation de la vie politique nationale ne ferait, donc, pas l’heur d’un Mohamed Bazoum dont les projets s’effondreraient alors comme un château de cartes. Il restera peut-être président du Pnds, mais quel Pnds ?

En cas de décrispation, le général à la retraite se retrouverait sur le carreau

Le second perdant d’une éventualité de décrispation de la vie politique nationale est un soldat. Bienfaiteur de Mahamadou Issoufou dont il attendrait, dit-on, le retour de l’ascenseur, Djibo Salou, le chef de la junte militaire qui a renversé le Président Mamadou Tanja, ne peut imaginer, un instant, une telle éventualité. Tout comme Mohamed Bazoum, il verrait, donc, d’un mauvais ?il, cet appel à la décrispation de la vie politique. Le général, il faut le rappeler, a quitté l’armée pour se lancer en politique, avec en ligne de mire, le fauteuil présidentiel. Il a créé un parti politique dénommé Pjp Génération Doubara qui a bien pris part à la plus récente réunion du Conseil national de dialogue politique (Cndp). Et si son parti n’a pas encore tenu de congrès constitutif, il est en pleine activité et ses cadres sont en train de recruter partout au Niger. Djibo Salou n’a pourtant pas grand-chose à revendiquer pour espérer ravir les suffrages de ses compatriotes. Pour la plupart des observateurs, il s’attend à un coup d’état électoral à son profit. Ses accointances avec le Président Issoufou sont-elles suffisantes pour fonder cet espoir fou qui a conduit le général à se libérer de l’armée ? En cas de décrispation de la vie politique, le soldat se retrouverait sur le carreau. Plus d’armée, plus de Doubara que les opportunistes de tous bords fuiront comme la peste.

La sérénité est pourtant de mise chez Bazoum et Salou

La question principale qui se pose, dans les débats, est de savoir ce que vont devenir ces deux personnages qui ont construit leurs projets respectifs et leur avenir politique dans la perspective du chaos électoral. Pour le moment, le Président Issoufou, qui est interpellé, n’a pas encore officiellement réagi. Mais les spéculations vont bon train, même si l’on note dans les camps de Mohamed Bazoum et de Djibo Salou une certaine sérénité qui intrigue quelque peu. Le premier poursuit sa campagne électorale avant l’heure. On le dit d’ailleurs sur des activités préparatoires d’une tournée qu’il entreprendra bientôt dans la zarmaganda. Quant au second, le général à la retraire, ses partisans s’organisent, recrutent et battent aussi campagne, notamment dans les régions du fleuve. S’ils ne sont les seuls à se morfondre dans la perspective d’une décrispation de la vie politique, Bazoum et Salou sont toutefois les plus grands perdants dans une telle éventualité.

A.Doudou

20 octobre 2019
Source : Le Monde d'Aujourdhui