Mahamadou Issoufou n’a pas uniquement fait taire les troubadours du régime. Il veut aussi montrer aux députés de la majorité, froussards devant l’Eternel, que lui est garçon et que ce ne serait quelques holà et invectives qui vont l’arrêter. Du coup, il assène à Mohamed Bazoum, un uppercut du droit en guise d’avertissement, histoire de lui rappeler qu’il reste un lieutenant dont il est attendu servilité et loyauté, en tous lieux et en toute circonstance. Le coup du K.O n’est pas loin. Car, en revendiquant la paternité du projet de loi, Mahamadou Issoufou affirme sa volonté d’affronter et de briser toute opposition à son dessein, y compris dans son propre camp politique. Je dirais bien, surtout dans son propre camp politique où il ne compte tolérer aucune velléité de contestation ou de remise en cause à la veille d’un si grand rêve : l’instauration d’un pouvoir personnel et total dont il n’est pas loin.
L’heure de vérité est en fait arrivée. D’une part, Bazoum Mohamed, désormais au pied du mur, est obligé, sauf à étaler sa mauvaise foi et sa servitude vis-à-vis de Mahamadou Issoufou, d’afficher son opposition à cette démarche insolite qui n’est rien d’autre qu’une réminiscence du coup de force constitutionnel de Mamadou Tanja. Si, pour endormir les opinions, Mahamadou Issoufou a pris soin, dans sa lettre, de préciser les alinéas concernés au niveau des articles 47, 48 et 59, alors que ça n’était pas le cas dans la lettre de transmission du projet, il y a forcément sujet à conjectures.
Et puis, qu’est-ce que Mahamadou Issoufou veut modifier dans l’alinéa 3 de l’article 47 ? Voici ce que stipule cet alinéa : « Sont éligibles à la présidence de la République, les Nigériens des deux (2) sexes, de nationalité d’origine, âgés de 35 ans au moins au jour du dépôt du dossier, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
Que veut-il modifier dans les articles 99 et 100 qui n’ont rien à voir avec les délais électoraux ? En vérité, ça sent le souffre. Mahamadou Issoufou veut une constitution à lui, et bien entendu, il procède par étape, en neutralisant d’abord toute opposition éventuelle. Avec une assemblée nationale fabriquée en laboratoire et truffée d’hommes à casseroles, prêts à tout pour servir l’homme qui les protège contre la justice, Mahamadou Issoufou, encore une fois, n’en fait qu’à sa tête. Il a réussi tant de coups de force qu’il ne peut s’imaginer échouer dans une telle entreprise. Il confirme ainsi être le véritable mal nigérien, la source et l’explication de toutes les dérives, de tous les travers qui ont ruiné ce pays. Il est, l’Alpha et l’Oméga de tout ce qui est observé de négatif et de nuisible, voire de préjudiciable pour le Niger.
Mais, vérité pour vérité, il faut reconnaître que Mahamadou Issoufou a beau vouloir modifier la constitution, pour quelque dessein que ce soit, il ose parce qu’il bénéficie du soutien et de la complicité de certains citoyens nigériens qui ont fait du Niger le dernier de leur souci. Que gagne un parti comme le Mnsd Nassara dans une telle entreprise ? Sinon, quelques subsides pour Seïni Oumarou et ses affidés qui ont manifestement transformé ce parti légendaire en un vulgaire instrument de survie (dans tous les sens du mot) ?
En attendant l’épilogue de cette histoire folle qui nous replonge dans un Niger sans âme, il est bon que les Nigériens sachent une chose : le Niger est à la croisée des chemins et que, quelle que soit l’issue de cette funeste entreprise, il est à regretter qu’après l’expérience ridicule de Mamadou Tanja, avec tout ce que cela a généré comme conséquences pour le Niger, qu’un autre tente d’utiliser les voies de la force pour tailler le pouvoir à sa mesure.
En s’essayant à cette «sorcellerie», Mahamadou Issoufou administre la preuve qu’il n’est ni un démocrate ni un républicain. Son unique souci, c’est de garder le pouvoir. A n’importe quel prix.
31 mai 2017
Source : Le Canard en Furie