Pour Ahmed ATTEFOK dit ABOUTOU, l’artisanat d’Agadez et même du Niger entier souffre, dit-il, que nous autres artisans nous sommes étouffés, le tourisme n’existe plus, on nous refuse des visas et on ne connaît pas les raisons. Ici on se débrouille avec quelques clients locaux mais cela ne peut pas nourrir l’artisan. ABOUTTOU souligne que les grands marchés de l’artisanat d’Agadez se trouvent en Europe et la France est notre principale destination. Malheureusement cette année le consulat de France semble être dur avec nous précise cet artisan qui a l’habitude d’écouler ces produits en Europe. Face à cette attitude du consul on a même été rencontré le premier ministre son excellence Brigi RAFFINI mais la situation est intacte, le consul rejette tous nos dossiers, plus de voyage pour nous, poursuit ABOUTTOU.

Ibrahima ALLALO, lui, regrette l’absence des touristes, avec l’installation de la base américaine à Agadez on a eu un petit souffle, ils nous invitent chaque deux mois pour amener nos produits et on arrive à faire de bonnes affaires avec eux. Mais ces derniers temps ils ont arrêté, ils nous disent qu’ils vont nous faire signe après le Ramadan, j’espère qu’ils vont penser a nous, car ils apprécient beaucoup la qualité de nos produits. Un d’entre eux m’a dit Ce sont de beaux souvenirs, pour eux, ajoute ALLALO.

Khamid KADRI, un jeune artisan que nous avons trouvé au village artisanal ne cache pas sa déception, assis à l’ombre d’un atelie, câblé au net sur son téléphone, il nous dit : ‘’ vous voyez le village manque d’ambiance, les commandes sont rares, avec la fête du 18 Décembre on a eu un peu d’espoir, les autorités avaient promis la reprise du tourisme mais on attend toujours. Notre jeune artisan lance un appel aux Nigériens de consommer Nigérien, de payer leurs produits qui sont d’une grande valeur, ailleurs ils sont prisés, dit il.

Mohamed CHOUTA est très remonté par la décision du consulat de France, les raisons avancées par ce dernier pour refuser le visa aux pauvres artisans ne tiennent pas la route lance t-il. Le consulat parle d’une carte ambulante, or l’acquisition de cette dernière est soumise à des conditions qui dépassent nos moyens et cela n’a jamais été le cas auparavant. Que veut ce ‘’OUKAFOUR’’ ? (ce blanc) se demande CHOUTA, la France empêche à ses ressortissants de venir chez nous et cela ne suffisait pas le consulat veut nous interdire d’aller chez lui. Mais les artisans d’Agadez ne sont pas de terroristes, lance cet artisan avec une voix pleine de colère.

Un autre à côté, avec finesse, s’occupait de quelques bijoux qu’il va remettre à un ami. Il a eu la chance, ce dur consul lui a accordé deux semaines dit il, c’est très insuffisant pour faire des expositions mais on n’a pas le choix et j’espère qu’il va écouler quelques produits, Ouf ! ajoute l’artisan, c’est mieux que rien. Sans le tourisme on ne peut rien espérer, nous avons passé de bons vieux temps où tout allait bien, je parle des années où feu Mano DAYAK avec son agence TEMET nous amène de nombreux touristes et le Rally Paris-Dakar passait à Agadez, précise notre artisan, tout fier en prononçant le nom de Mano dont l’aéroport international d’Agadez porte le nom grâce à ses efforts sur le plan du tourisme dans les années 83-90. Enfin l’artisan lance un appel aux autorités de leur venir en aide, les artisans d’Agadez souffrent de la mévente de leurs produits.

Certains jeunes artisans se débrouillent en ville. C’est le cas de AHMATA qui est devenu vendeur ambulant des bijoux et couteaux,’’ chaque jour je fais un tour pour aller chez quelques rares clients qui ont l’habitude de payer mes bijoux pour faire cadeau soit à un ami lointain ou des jeunes qui prennent quelques bagues pour leurs petites amies’’. Je trouve de quoi nourrir ma petite famille mais dit-il quand je pense aux années où le tourisme marchait bien j’ai des larmes chaudes qui coulent de mes yeux. Triste, la voix cassée, AHMATA ajoute, ‘’il y’a la paix a Agadez, alors pourquoi on traite notre région de zone à risque ? Avec le grand Marathon du Ténéré organisé par notre frère Agdal et la fête SOKNI, une centaine d’Occidentaux sont venus ici et ont passé un bon séjour’’ dit il, ‘’il faut qu’on arrête de traiter Agadez de zone rouge, orange ou je ne sais quoi, on est en paix et notre région est fréquentable’’,  précise l’artisan en fumant une énième cigarette depuis le début de notre entretien.

La situation est difficile

Pour Mr Habou HAROUNA, directeur régional du tourisme et de l’artisanat, la situation est difficile pour les artisans d’Agadez depuis 2010, avec le classement de la région zone rouge, même si cette année on est revenu à l’orange, rares sont les touristes qui bravent l’interdiction pour venir ici. Ils viennent au compte goutte et pour faire leur circuit, il faut une escorte militaire et cela ne peut pas profiter à nos pauvres artisans, le temps est court et c’est juste une dizaine des touristes. Mr Habou parle des milliers de touristes qui arrivent à Agadez dans les années antérieures et au temps du Rally Paris Dakar où les artisans, les agences de voyages, les hôtels et l’ensemble des populations tirent profit. Chaque jour ajoute le directeur régional du tourisme et l’artisanat, les artisans nous exposent leurs difficultés et c’est surtout la mévente. Nous lançons un appel aux ONG de venir en aide à ces braves artisans tout en espérant une relance rapide du tourisme pour mettre fin au calvaire des artisans d’Agadez, confie Habou au journal la Nation.

Un manque à gagner pour la région

Selon Rhissa FELTOU, maire de la commune urbaine d’Agadez et professionnel du tourisme, l’arrêt des activités touristiques est un manque à gagner important pour la région en général et pour la commune d'Agadez en particulier. Agadez a connu un essor certain aux périodes de pic de cette activité. Le tourisme rapportait directement, aux différentes couches socio-économiques, près de 4 milliards en argent liquide, souligne le maire qui dans le temps est responsable d’une agence de voyage, avant d’ajouter que la ville reste toujours une destination fréquentée, même si le tourisme s'est arrêté. Il y a un tourisme intérieur qui est en train de se développer. Nous sommes conscients des difficultés que rencontrent nos artisans déclare le maire. C’est pour cette raison que nous voulons développer ce tourisme intérieur qui peut donner un nouveau souffle au village artisanal en attendant des jours meilleurs poursuit le maire. Le premier responsable de la commune qui connaît bien la qualité et la richesse de l’artisanat demande à ces artisans de garder espoir car les autorités de la 7eme République se débattent pour relancer cette activité qui manque à la région et au pays en général, nous dit le maire FELTOU

Ramener le tourisme, une priorité du gouvernement

Selon Ahmed BOTTO ministre du tourisme et l’artisanat, le ministère se déploie d’arrache pied pour ramener l’activité touristique au Niger en général et dans la région d’Agadez en particulier. Mr BOTTO souligne que les conditions sécuritaires ne permettent pas de faire venir les touristes comme on le souhaite, mais un grand pas est fait pendant Agadez SOKNI avec l’organisation d’un vol charter à Agadez. Le ministre précise que cette démonstration rassure et montre aux partenaires du Niger que les conditions de sécurité sont en train d’être réunies pour que le tourisme puisse reprendre sa place dans l’économie. Ahmed BOTTO reconnaît l’impact du manque du tourisme sur l’économie et surtout chez les artisans d’Agadez.

A l’occasion de la fête du 18 Décembre ou Agadez SOKNI le premier ministre Brigi RAFFINI a promis à la population d’Agadez une reprise du tourisme, qui fait partie des priorités du gouvernement, a-t-il dit ; une promesse confirmée aussi par le président de la république dans son discours.

Mais force est de constater que la situation n’a connu aucune évolution, en attendant la reprise de cette activité importante et même vitale pour la région, des milliers des ménages dont la vie dépend de l’artisanat sont dans une triste désolation, surtout avec ces dures décisions du consulat de France au Niger à l’égard des braves artisans Nigériens toujours respectueux des lois du pays d’accueil.

Vivement le retour du tourisme pour soulager les ‘’INAMAJALANS’’ (artisans) dont la richesse de leurs produits a fait et continue de faire la fierté de notre cher Niger dans les salons internationales de l’artisanat.

ISSOUF HADAN

11 juin 2017
Source : La Nation