A partir du 1er septembre 2021, les populations de la région de Tillabéri seront autorisées à utiliser leurs motos pour leurs déplacements sur l’ensemble du territoire de la région, sous état d’urgence depuis 2017. En raison de l’insécurité, du fait des attaques terroristes quotidiennes dans la région depuis bientôt 6 ans, la circulation des motos a été interdite par les autorités. Prise en décembre 2019, la mesure est entrée en vigueur le 13 janvier 2020. Aujourd’hui, cette interdiction est levée par le premier responsable de la région, le gouverneur Ibrahim Tidjani Katiala, dans un arrêté en date du 23 août 2021. « La mesure d’interdiction de circulation des motos est levée sur toute l’étendue du territoire de la région de Tillabéri, à compter du 1er septembre 2021 ». Néanmoins « l’interdiction reste et demeure en vigueur la nuit », ajoute la première disposition de l’arrêté.

Pour le moins que l’on puisse, c’est une mesure globalement heureuse, attendue par les populations meurtries de Tillabéri. L’espoir renait pour ainsi dire. Même si les terroristes et autres bandits armés écument de plus en plus la région avec un sentiment d’absence totale de l’Etat sur le terrain, les activités économiques et professionnelles reprendront. Car, cette interdiction de la circulation des motos sur le territoire régional a contribué à affaiblir davantage les citoyens de cette partie du Niger, en limitant drastiquement leurs déplacements, anéantissant du coup les activités économiques d’où ils tirent leur subsistance. Comme ça a été le cas à Diffa, et dans certaines localités des régions de Tahoua et Maradi. L’interdiction des motos, moyen courant et pratique de déplacement des populations, pour aller au champ, dans les marchés, sur le terrain pour certains cadres techniques, a été douloureusement ressentie, et toujours décriée comme une mesure inefficace. Ressentie comme une injuste sanction contre les populations contraintes de respecter scrupuleusement la mesure, elle n’a pas freiné les terroristes dans leurs activités macabres. Car de 2019 à aujourd’hui les attaques contre les populations civiles et militaires n’ont pas diminué. Au contraire, elles ont augmenté de plusieurs crans. Des camps et positions militaires, Chinagodar et Inates, ont été littéralement détruits avec chacun des centaines de valeureux militaires massacrés par des terroristes qui se déplacent pourtant sur des motos.

Malgré la mesure qui est censée permettre d’identifier ceux qui se déplacent sur des motos comme des terroristes en vue de les neutraliser à temps, « personne » ne les a vus venir. Les localités de Ouallam, Banibangou, Téra, Torodi, entre autres, sont fréquemment visées par les attaques meurtrières de bandits armés sur des motos. Rien que ce mois d’août, au moins 100 personnes ont été froidement abattues par ces criminels. Certaines dans leurs champs, d’autres dans des mosquées. A quoi cette interdiction de la circulation des motos a servi en fin de compte ? Si tant est que la justesse d’une telle décision se mesure à l’aune de son efficacité et la défense de l’intérêt général, on peut dire que ses conséquences ont été catastrophiques pour ceux au nom desquels elle a été prise. Beaucoup de nigériens ont l’impression que cette mesure a contribué à affaiblir les populations en réduisant leurs activités économiques et professionnelles, à casser le moral des populations comme si l’Etat ne peut rien faire d’autres pour elles que de leur interdire d’utiliser leurs outils de travail ou en les invitant/forçant à quitter leurs terres ancestrales. Un Etat, de surcroit démocratique, dans des circonstances pareilles, fixe les populations chez elles en leur garantissant liberté et sécurité. L’Etat n’abandonne pas des parties de son territoire aux envahisseurs et aux terroristes.

En somme, ce sont les populations civiles qui ont pâti de cette mesure. C’est pourquoi d’ailleurs, beaucoup de voix, y compris les députés ressortissants de la Région tous partis politiques confondus, ont demandé la levée de cette interdiction qui, sur le terrain, s’est avérée inefficace et contreproductive. Le moral des populations est au talon, l’économie à terre. Car, si la mesure a été prise pour mieux lutter contre les terroristes en 2019, pour bien d’observateurs, elle a été un véritable fiasco, un échec total. Puisqu’elle n’a jamais permis de détecter à temps les mouvements des terroristes, pourtant sur leurs motos, une centaine des fois, et les neutraliser avant leurs forfaits. Pourtant tel était l’objectif, faciliter l’identification des bandits qui utilisent des motos pour attaquer et tuer. La guerre, même conventionnelle, ce sont des moyens et les renseignements militaires. Où sont passés les milliards votés en faveur de l’armée, en particulier le renseignement militaire qui aurait pu prévenir beaucoup de ces attaques et sauvé beaucoup de vies humaines ? Pourquoi personne n’est sanctionné à ce jour pour défaillances et fautes graves ? En fait, au Niger de la renaissance, il est plus facile de prendre des mesures qui briment davantage les citoyens que de prendre les mesures courageuses de défense de l’intérêt général et du bien public. Pour l’heure, c’est un ouf de soulagement. Chacun peut aller plus aisément sur sa moto au marché, au champ, d’un village à un autre, là où l’Etat est encore présent. Comme on le dit, on ne meurt qu’une fois. Quand ce responsable d’un département de la région de Tillabéri dit « Nous, on a vraiment constaté le bienfait de cette mesure (l’interdiction de la circulation des motos). Ça nous a permis de maitriser la situation », on a envie de lui demander de quel bienfait et de quelle maîtrise de quelle situation il parle. En s’exprimant ainsi, il montre son ignorance des aspirations de ses administrés et qu’il ne leur a jamais donné la parole. Un tel responsable est un danger public investi d’une fonction publique.

Cette mesure de levée d’interdiction des motos doit être étendue à toutes les régions pour montrer aux terroristes et autres trafiquants que le peuple nigérien est un peuple qui résiste.

M.D.