La saisie, le 2 janvier 2021, de 200 kilos de cocaïne sur la personne du maire en fonction et un autre élu local de la commune rurale de Fachi a quelque chose de répugnant. Non pas qu’il s’agit d’un fait insolite, loin de là, mais qu’à l’instar de tous les autres coups opérés par l’Office central de lutte contre le trafic des …(Octris), celui réussi à la barrière route Dirkou est le fait d’une autorité de l’État. Un fait récurrent depuis une décennie qui traduit l’ampleur du trafic de drogue, devenu l’apanage d’une certaine classe dirigeante. Charou Ramadan, le maire de Fachi, n’est pas seul. Il fait partie d’un vaste réseau criminel qui a pris l’économie nigérienne en otage. S’il utilise pour son ignoble commerce les biens et attributs de l’État, d’autres l’ont fait avant lui, sans conséquence notable, ni pour leur liberté, ni pour leurs activités. Juste une cérémonie pour louer les qualités et les performances de la police nationale qui constate, l’amertume au coeur, que les choses s’arrêtent là. Les trafiquants sont retenus, le temps de faire oublier l’affaire, puis relâchés en liberté. Et les affaires s’accumulent, le trafic s’amplifie et le Niger, perçu par les réseaux internationaux comme un passage facile et tranquille.
Une volonté de protéger peut-être les mis en cause et les barons locaux ?
Le 2 mars, ce sont 17 tonnes de résine de cannabis pour une valeur de 20 milliards de francs CFA qui ont été saisis à Niamey. Les porteurs ? 11 Nigériens et deux Algériens. La drogue saisie, en provenance du Liban, a été entreposée dans un entrepôt construit à cet effet au quartier Kalley plateau. A ce jour, l’opinion nationale n’a pas souvenance d’un procès public des mis en cause, à plus forte raison des leurs condamnations. Pas plus, d’ailleurs, que les mis en cause de l’affaire d’avril 2018. Au bout de l’opération, sur fond d’échanges de coups de feu entre les trafiquants et les policiers de l’Octris, qui a permis de mettre la main sur 12 personnes, ce sont 12 180 plaquettes de résine de cannabis, soit deux tonnes et demi, qui ont été saisies. La valeur marchande de la drogue est estimée à plus de trois milliards de francs CFA. Le président actuel était ministre de l’Intérieur à l’époque. Et à la grande surprise de l’opinion, une cérémonie a été rapidement organisée pour incinérer la drogue saisie. Des photos, de trafiquants sous les verrous depuis 2013, ont même été vulgarisées par le biais des réseaux sociaux pour faire croire qu’il s’agit là des individus arrêtés dans l’opération. Une volonté de protéger peut-être les mis en cause et les barons.
D’autres affaires de drogue, et non des moindres, ont jalonné particulièrement les 10 années de pouvoir de l’ancien président, Issoufou Mahamadou.
En mars 2019, c’est un conseiller du président de l’Assemblée nationale, un certain Mohamed Sidi Mohamed, qui a été arrêté en Guinée Bissau avec 800 kilos de cocaïne. Une affaire qui a éclaboussé Niamey. Son sésame, c’est le passeport diplomatique délivré par les services compétents qui lui sert de couverture. Il n’est pas d’ailleurs le premier. Un autre, du nom de Sidi Lamine, député de son état sous la première législature de la 7e République, a été cité dans une affaire de trafic de drogue. Son nom figurait d’ailleurs parmi les noms des députés proposés à une levée de l’immunité en vue de les présenter au juge. Un complot orchestré au sommet de l’État n’a pas permis cela. D’autres affaires de drogue, et non des moindres, ont jalonné particulièrement les 10 années de pouvoir de l’ancien président, Issoufou qui n’a jamais fait de la lutte contre le fléau, une réelle préoccupation. À Niamey, à Dosso, à Zinder, à Guidimouni, un peu partout sur le territoire national, la police démantèle des réseaux de trafic de drogue et arrête les porteurs. Mais elle n’a jamais pu aller au-delà pour mettre la main sur les commanditaires. Quelque part, on lui met des bâtons dans les roues et l’oblige à mettre un terme à ses enquêtes.
À Niamey, on se contente de saisir et d’incinérer, sans grande conséquence pour les trafiquants.
L’ampleur du fléau a atteint des sommets extrêmement inquiétants pour l’existence de l’État. Selon toute vraisemblance, les barons de la drogue drogue disposent au Niger de pouvoirs immenses pour favoriser une expansion du trafic et garantir un sauf-conduit, sinon une impunité à ses adeptes. Dans les pays où la lutte contre le trafic de drogue est prise au sérieux, des lois draconiennes ont été adoptées et la police a été dotée des moyens, aussi bien du point de vue légal que technique, pour contrer les trafiquants qui font preuve continuellement d’imagination pour contourner les barrières policières À Niamey, on continue de saisir et d’incinérer, sans grande conséquence pour les trafiquants qui s’enrichissent grâce à leurs activités criminelles et investissent le champ politique afin de contrôler les arcanes du pouvoir et être de ceux qui décident au sommet de l’État. Au besoin, ils n’hésitent à faire tuer, comme cela est advenu dans le département de Gouré où un baron local a mis en chasse un passeur qui a été finalement rattrapé et tué.
YAOU