L’affaire de 1531 tonnes d’engrais sorties des entrepôts de la Caima et vendues à 6.750 francs le sac de 50kg sur le marché continue encore de défrayer la chronique plusieurs semaines sa révélation à l’opinion. Comment pourrait-il en être autrement quand on apprend que les recettes de la vente du produit, soit la somme de 206.685.000 de francs n’a pas été reversée à la Caima ? Par comment est-ce possible seraiton tenté de se demander, la Caima étant une structure publique ? Et pourtant, c’est bien ce qui s’est passé, provoquant une brouille ouverte entre le Directeur de l’Observatoire du marché des engrais au Niger (OMEN), par ailleurs directeur de cabinet du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture et de l’Elevage, et le Directeur général de la Caima. Pour éclairer la lanterne de nos lecteurs, il convient de rappeler que cette affaire remonte à 2019- 2020, sous le deuxième mandat du président Issoufou, à s’en tenir aux échanges de correspondances entre le président de l’OMEN et le DG de la Caima. Le premier tir est parti de ce dernier, qui a écrit le 27 juillet 2020, au président de l’OMEN pour réclamer le reversement de la somme en cause. La correspondance est ainsi libellée : ‘’Il vous souviendra que, lors d’une réunion tenue le 26 juin 2020 à la primature sous la présidence du Premier ministre et en présence du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture et de l’Elevage ainsi que le ministre Délégué au Budget, le Premier ministre vous a instruit de rembourser à la Caima les recettes de vente des engrais mis à la disposition de votre structure et qui ont été vendus à 6.750 francs le sac de 50kg’’. Et le DG de la Caima de préciser : ‘’Les bons de livraison dont nous disposons indiquent que les distributeurs que vous avez désignés ont enlevé au niveau de nos magasins de : Madaoua, Tahoua, Gaya et Niamey, une quantité de 1.531 tonnes qui est vendue à 6.750 francs deviennent en des recettes de 206.685.000 francs’’. Aussi, demanda-t-il au président de l’OMEN de ‘’bien vouloir nous verser dans notre compte engrais logé à la BAGRI le montant’’ en cause ‘’conformément aux instructions du PM’’. La réaction du président de l’OMEN est tombée trois semaines plus tard, précisément le 27 juillet.
Dans sa réponse, il commence par s’étonner de la requête du DG de la Caima lui réclamant le versement des recettes de la vente des 1.531 tonnes d’engrais, avant d’étaler ses arguments de défense. Pour président de l’OMEN, la sortie de ce tonnage des magasins de la Caima s’inscrit dans le cadre d’une opération pilote de subvention ciblée. ‘’Je voudrai tout d’abord vous rappeler que dans le cadre de ladite opération pilote de la subvention ciblée, le mandatement d’un montant de 405.000.000 de francs a été autorisé par le ministre des Finances au profit de la Caima en vue de mettre à la disposition de l’OMEN l’engrais’’, rappelle- t-il. Avant d’indiquer que ‘’la question de remboursement des engrais de la Caima a été évoquée régulièrement dans toutes les rencontres auxquelles ont participé le président de l’OMEN, vous-même ou un de vos représentants’’, énumérant les différentes réunions qui se sont tenues autour de la question.
Lors de ces différentes rencontres, selon lui, les rappels des conditions de la mise à disposition des engrais pour le programme pilote de subvention ciblée ont été donnés. ‘’Il y a lieu donc de considérer, au vu des personnalités présentes et la qualité des participants à ces réunions, que le dessein de publicité que vous recherchez est largement accompli et qu’il convient maintenant de replacer sur un plan plus réel et juste’’, a préconisé le président de l’OMEN, qui semble nier l’instruction du Premier ministre évoquée par le DG de la Caima dans sa correspondance. Selon lui en effet, le PM a plutôt évoqué, lors de la réunion du 26 juin 2020, ‘’l’éventualité d’un versement avant qu’il ne soit éclairé sur les conditions de la mise à disposition des engrais pour le programme pilote de subvention ciblée’’. Sur la base de ces éclaircissements, le président de l’OMEN a qualifié ‘’la démarche’’ du DG de la Caima ‘’de logique extraprofessionnelle, qui n’a pas lieu d’être, si l’on s’en tient à la déontologie administrative et à la simple éthique’. Et de faire cette mise au point selon laquelle ‘’la dépense liée aux engrais mis à la disposition de l’OMEN par la Caima a fait l’objet d’une lettre du ministre d’Etat, en charge de l’Agriculture par laquelle il est mentionné que cette dépense est à la charge de l’Etat et imputable, conformément à l’accord du ministre des Finances, à rubrique engrais du ministère de l’Agriculture et de l’élevage’’. Deuxième volet de la mise au point, ‘’c’est que malgré cette lettre, le DG de la Caima a cru devoir exiger un paiement préalable par l’Etat avant de consentir à libérer les engrais’’. Et enfin, ‘’c’est suite à cette exigence que le ministre délégué au Budget a signé la lettre demandant la libération exceptionnelle de crédit au profit de la Caima et qu’une décision d’autorisation de mandatement du ministère des Finances a été prise au profit de la Caima (en date du 26/09/2019) pour un montant de 405.000.000 de francs, correspondant au montant de la totalité de l’engrais qui devrait être fourni à l’OMEN’’.
Des zones d’ombre à élucider
Nous n’allons pas nous attarder sur les propos, quelque peu discourtois, vis-à-vis du DG de la Caima contenus dans la lettre du président de l’OMEN. Il s’agit ici pour nous de relever quelques détails troublants qui laissent croire qu’il y a anguille sous roche dans le cadre de la gestion de cette opération. Concernant la sortie des engrais des magasins de la Caima par les distributeurs recommandés par le président de l’OMEN, il n’y a pas de débat. Toutes les deux responsables reconnaissent la sortie des 1.531 tonnes d’engrais des magasins de la Caima, même si le président de l’OMEN dit que l’entente porte normalement sur 1620 tonnes. Soit ! L’engrais a été vendu mais apparemment les recettes de la vente ont pris une autre destination. Sinon pourquoi le DG de la Caima va-t-il réclamer avec le président de l’OMEN le versement de la somme sur leur compte engrais logé à la BAGRI s’il a déjà perçu un paiement de 405.000.000 de francs, soit presque le double, imputé sur la rubrique engrais du ministère de l’Agriculture, comme l’a stipulé le président de l’OMEN ? Qui du DG de la Caima et du président de l’OMEN est de mauvaise foi dans cette affaire ? Même à supposer que les 405.000.000 de francs ont été encaissés par la Caima, les recettes de la vente des 1.531 tonnes d’engrais ont pris quelle destination alors ? Qui les empochées ? Ce sont là les questions légitimes qui méritent réponses. L’Etat doit diligenter une enquête autour de cette affaire pour voir ce qui s’est réellement passé dans le cadre de cette opération pilote de la subvention ciblée. Car il n’est pas admissible qu’un tel montant (206.685.000 francs), au centre du différend entre le DG de la Caima et le président de l’OMEN, disparaisse sans qu’on ne sache comment ça s’est passé.
Tawèye