Mise à part cette mise au point de Cheickh Boureima, d’innombrables guides religieux et autres citoyens se sont répandus sur les réseaux sociaux pour exprimer leur indignation et leur révolte vis-à-vis de cette décision du Conseil islamique qu’ils qualifient d’injonction politique à laquelle ne doivent pas répondre des hommes qui ne se reconnaissent qu’à travers les dogmes de Dieu. Il faut bien dire les choses telles qu’elles sont. À l’exception du Conseil islamique dont certains membres sont notoirement connus pour leurs penchants politiciens, on ne trouve pratiquement aucun érudit musulman qui soit d’accord pour que la communauté musulmane du Niger célèbre l’Aïd El Kebir le samedi 2 septembre et non le vendredi 1er septembre. La position des membres du Conseil est en vérité délicate et aucun argument de taille ne l’explique. Alors, pourquoi décider d’une autre date alors que tout est déjà prescrit, arrêté et insusceptible de modification ?

Pour la première fois dans l’histoire du Niger indépendant, la communauté musulmane diverge profondément sur la date d’une fête dont le règlement, tel qu’établi par le rite musulman depuis 632, n’offre pourtant aucune marge de manœuvre. Pour la première fois, le syndrome sénégalais risque de détruire la belle unité de la oummah islamique au Niger. Pour la première fois, le Niger risque de connaître deux Aïd El Kebir : l’une, le vendredi 1er septembre ; l’autre, le samedi 2 septembre. Une perspective malheureuse qui aura des conséquences imprévisibles sur la cohésion sociale ; en somme, un précédent dangereux qui ne manquera pas de laisser des traces sur la pratique musulmane et l’observance des rites islamiques.

L’islam est un ciment d’unité et de cohésion de notre peuple. Il doit davantage permettre de rapprocher les communautés du Niger et non être la source de quelque division. Le Conseil islamique, qui a fondé sa décision sur une donnée qui n’a plus cours parce que désormais sans objet, doit impérativement revoir sa copie. Il ne doit pas s’arc-bouter à son décret et refuser d’ouvrir les yeux et les oreilles pour prendre la mesure de la tension. L’erreur est humaine et un des plus grands mérites du dirigeant, c’est d’écouter son peuple. S’ils acceptent de s’enfermer dans la bulle dans laquelle certaines volontés veulent les maintenir, c’est qu’ils auront décidé de faire plutôt droit à un autre dogme que ne comprendrait pas la communauté musulmane du Niger. L’erreur, dit-on, repose sur trois choses : (1) l’orgueil, qui a conduit Satan à l’état dans lequel il se trouve ; (2) l’avidité, qui a fait sortir Adam Aleyhi Salam du Paradis ; (3) la jalousie, qui a poussé l’un des fils d’Adam à tuer son frère. La mécréance naît de l’orgueil ; les péchés, de l’avidité et la transgression et l’injustice, de la jalousie.

Ces rappels, tirés des « Méditations d’Ibn Al-Qayyim », ne sont pas évoqués, ici, pour apprendre quoi que ce soit à d’éminentes personnalités du monde musulman nigérien pour lesquelles, l’on ne peut que, en d’autres temps, avoir du respect et de la considération. Ces rappels sont plutôt un cri de cœur de tous ceux qui pleurent la naissance du syndrome de la division de la communauté musulmane de notre pays.

Car, si, comme le prétendent certains, la décision de fêter samedi et non vendredi tire sa source d’une vilaine histoire de shirq, alors là… Que la volonté de Dieu soit !

Mallami Boucar

1er septembre 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui