Monsieur le ‘’Président’’

La publication du rapport de la Banque mondiale est-elle vraiment liée à un simple hasard de calendrier ? Moi, je ne crois pas.Coïncidant avec la tenue de la table ronde de Paris que vous avez appelée « Table ronde pour la renaissance du Niger », la publication de ce rapport sonne comme une volonté de sape de cette rencontre de l’ultime espoir pour vous.Elle met, en tout cas, du sable dans votre atiéké, étant entendu que les avis d’une institution comme la Banque mondiale pèsent lourd dans la balance d’éventuels investisseurs. Mon avis personnel est que Paris est déjà un échec et le mieux, c’est de reporter l’évènement. Dans le contexte politico- économique qui a été brossé par la Banque, de concert avec votre propre gouvernement, je ne vois pas un investisseur sérieux mettre un copeck au Niger. À moins que ce soit des voyous et des escrocs du genre Daniel Mukuri, Georges Hawa et tous ceux qui ont eu à profiter, impunément, de l’aubaine d’une gouvernance dont les tenants sont plutôt préoccupés à remplir leurs besaces. Je ne vois pas d’investisseur sérieux balayer d’un revers de la main les constats et les prescriptions de la Banque mondiale pour se jeter, les yeux fermés, dans une aventure qui va tourner court, rapidement d’ailleurs, comme les rails de Bolloré, le barrage de Kandadji ou la centrale thermique de Gorou Banda, entre autres.

Je ne vois pas d’investisseur sérieux ignorant cette sévère mise en garde : « l’économie est dominée par un petit nombre de monopoles publics et privés qui utilisent leurs réseaux pour empêcher la concurrence de se développer davantage. Cet environnement commercial défavorable se caractérise par des coûts de transaction élevés, que l’on peut éviter, soit en restant actif dans le secteur informel, soit en développant ses propres activités et son propre réseau ». Les auteurs de ce rapport, étrangers et nigériens, n’ont pas été tendres, je le reconnais. Mais ils n’ont dit que la triste réalité. Encore qu’ils ont pris des gants pour le dire. Cependant, le résultat reste le même : il y a de fortes chances que la table ronde soit un fiasco. Et ce serait probablement l’objectif recherché par ceux que vous devez sans doute connaître. Mahamadou Gado, qui a été limogé et remplacé par un certain Hamadou Adamou Souley, se serait-il rendu coupable de quelque chose dans la publication de ce rapport ? La réponse importe peu pour les Nigériens qui constatent, par cet acte, que le rapport de la Banque mondiale vous a fait très mal.

Monsieur le ‘’Président’’,

La publication de ce rapport n’est pas, malheureusement, l’unique grain de sable dans votre atiéké. J’ai remarqué que l’uraniumgate a refait surface et je crois bien que ce sont là des signes qui ne trompent pas. Le monde s’effondre, comme dirait Chinua Achebe. J’ai la vague impression que tout s’écroule subitement et que pour pouvoir sauver ce qui peut l’être, il va falloir exactement revenir en arrière et adopter la feuille de route des organisations de la société civile. Vous ne pouvez pas en faire l’économie. Autrement, vous ne convaincrez personne, ni à Paris ni à Washington. La corruption, les trafics en tous genres, les détournements deniers publics n’ont jamais été un terreau fertile aux investissements. L’uraniumgate, en particulier, qui recouvre des contours internationaux, est une affaire dont l’ombre planera sur la table ronde de Paris. Je plains ceux qui iront représenter le gouvernement à Paris. Ils ressemblent fort bien à l’équipe de Gandou Zakara qui est allée signer l’accord partiel amiable avec Africard.

12 décembre 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui