Le bal des intouchablesIls sont nombreux au Niger, des individus qui pensent que quel que soit le délit ou même les crimes économiques qu’ils peuvent commettre ils n’auront aucun compte à rendre à la justice. Comme effectivement, l’appareil judiciaire met du temps à s’enclencher car il faut établir des preuves solides avant de condamner quelqu’un, ces gens ont fini par penser que rien ne peut leur arriver. Et pourtant ce n’est pas faute que les autorités au plus haut niveau ne lancent de manière continuelle des mises en garde. Notamment dans le dernier message à la Nation du Chef de l’Etat où il a parlé de la nécessité du respect du bien public dans cette phase de renaissance du Niger. Il faut croire, si l’on se fie aux derniers événements et d’autres inculpations à venir, que des supposés intouchables continuent à faire la sourde oreille.

Etat des lieux
S’il y’a bien un domaine où les Nigériens, quel que soit leur bord politique, aimeraient qu’il y ait des changements significatifs, c’est bien dans le domaine de la lutte contre la corruption et autres malversations qui permettent à des individus de s’en mettre plein les poches au détriment du bien public. En dépit de la création de la HALCIA (Haute autorité de Lutte contre les Infractions Assimilées) et du récent renforcement de ses prérogatives pour rendre cette institution plus efficace, des forcenés continuent à croire que tout ceci n’est que simple gesticulation et que de toutes les façons grâce à leurs protections, rien ne peut leur arriver.

De quelles protections s’agit-il ?

LA PROTECTION POLITIQUE
Le clientélisme politique existe partout en ce sens que le fait d’être membre influent ou ayant dans ses relations un politicien prétendument réputé peut effectivement vous faciliter certaines démarches administratives. Mais pour autant les accointances politiques ne justifient pas les passes-droits ou des manœuvres frauduleuses. Au demeurant, dans un pays soucieux de bonne gouvernance, le premier critère qui préside aux nominations doit être la compétence. Et un responsable digne de ce nom n’est pas enclin à accepter des pratiques qui le mettent en porte-à-faux avec la règlementation. C’est ce qu’on appelle un fonctionnaire consciencieux.

Est-ce que parce que vous êtes membre de la même formation politique qu’un individu, il faut pour autant vous laisser entrainer à des actes qui entachent votre crédibilité ?

Les hauts fonctionnaires qui s’adonnent à des actes délictueux doivent savoir que tôt ou tard, ils seront démasqués et traduits en devant les instances judiciaires. Surtout lorsque le cadre démocratique est régi par la séparation des pouvoirs. Fort heureusement, c’est le cas dans notre pays où la justice, à maintes reprises, a montré son indépendance en condamnant indistinctement des justiciables de la majorité comme de l’opposition et cela quel que soit leur représentativité politique. Par ailleurs, ce qu’il faut savoir est qu’un homme ne va jamais se compromettre pour défendre une cause perdue.

DES PARENTS INFLUENTS
De tout temps, le critère relationnel familial a influencé les dirigeants de ce pays. Y compris du temps du régime d’exception qui a pris le pouvoir avec l’intention avoué de casser l’oligarchie régnante. Un de ces successeurs n’a d’ailleurs pas hésité à affirmer en pleine conférence de cadre que « comment peut-on nommer quelqu’un qu’on ne connait pas ! ». Il va de soi que le cadre qui est promu dans ces conditions pense d’avantage qu’il est au service d’un homme (celui qui l’a nommé) que d’un pays ; d’où sa propension à croire qu’il n’a de compte à rendre à personne d’autre ! A l’évidence, une telle disposition d’esprit est de nature à favoriser le clientélisme.

D’autres individus estiment que le fait d’être issus des familles des leaders communautaires ou religieux leur confèrent un droit particulier. D’autant que certains dirigeants eux-mêmes encouragent ce type de recrutement pour soi-disant conforter leur popularité ! Et l’individu qui s’assit sur ce type de représentativité a souvent tendance à ne pas faire la distinction entre pouvoir traditionnel et pouvoir moderne.

L’ENTRETIEN D’UN RESEAU
C’est bien connu, tous ces gens qui mènent à grand frais sur le dos de l’Etat un train de vie qui ne correspond pas à leurs émoluments entretiennent une multitude de clients de toutes les catégories sociales. Qui pour les éviter des ennuis judiciaires, qui pour leur faire une publicité susceptible de les mettre au-dessus de toute suspicion. Hélas, cette corruption tous azimuts a souvent un effet éphémère car dès que vous arrêtez d’arroser, les effets s’atténuent. Cette pratique est donc tout à fait illusoire.

LE RECOURS AUX SCIENCES OCCULTES
Parmi les attirails de l’homme qui dépense sans compter, il y’a l’inévitable marabout et/ou Zima (féticheur) qu’il croit naïvement peut le prémunir contre tout désagrément de la vie. A coup de sacrifices rituels et de billets de banques, ils entretiennent ces charlatans dont la boulimie est sans limites.

LE BAL DES INTOUCHABLES.
Nous pensons très sincèrement que beaucoup de Nigériens n’ont pas suffisamment pris la mesure de la renaissance culturelle en œuvre et qui exige de chacun qu’il élève sa conscience nationale en manifestant une loyauté vis-à- vis de l’Etat, en adoptant un comportement qui respecte le bien public. Et, ce préalable est incontournable si l’on veut se donner le maximum de chances pour relever le défis de développement durable. C’est dire que les prétendus intouchables et autres personnes qui s’imaginent que la machine pour combattre l’impunité n’est pas en route, vont au-devant de grandes déconvenues.

Ibricheick 
05 janvier 2018
Source : La Nation