Au niveau du secondaire, les statistiques exhaustives ne sont pas encore disponibles, mais selon des informations en provenance des Direction Départementales (DDES), plus de 100 chantiers de classes sont abandonnés dans les collèges et lycées de la région. D’ores et déjà, des chantiers R1 R2 abandonnés sont visibles au CES Raouda, CES Bagalam, LBD, CES Jinguilé et dans bien d’autres collèges et lycée dans les départements.
La « maladie des chantiers abandonnés » touche tous les secteurs de l’éducation publique. A la Direction de l’enseignement professionnel, le scénario est identique, voire plus dramatique. Au centre d’apprentissage de la Commune 1 par exemple un bloc de 3 classes est à l’abandon depuis plus de 4 ans, un autre a le toit totalement arraché. La seule classe en bon état c’est celle construite gratuitement par la Société MIGAS. A l’université Dan Dicko Dan Koulodo de Maradi, sur le deuxième site, trônent des chantiers à étages qui ne sont toujours pas finis depuis deux ou trois ans. C’est donc tout le secteur de l’éducation publique qui est gangrené par cette maladie.
Un dernier fait à relever, l’abandon des chantiers dans la région de Maradi, a commencé en 2012 avec 8 classes au compteur, pour exploser littéralement entre 2013 et 2014…
25 000 élèves sinistrés
Même en raison de 50 élèves par classe, au bas mot, ce sont quelques 25 000 élèves de la Région de Maradi, tous ordres confondus, qui sont spoliés de leur « Droit inaliénable » à l’Education. En raison de 1000 élèves par établissement, c’est l’équivalent de 25 écoles qui ont été fermées pendant plus de 3 ans. En terme de concentration, c’est comme si l’on fermait la quasi totalité des écoles primaires de Maradi pendant ces trois années. Une contingence malheureuse qui va sans nul doute plomber tous les indicateurs régionaux d’accès et d’accessibilité à l’éducation. Au delà des chiffres, le spectacle des enfants exposés sous des arbres, dans des paillotes sommaires ou même dans ces cubes de bétons abandonnés sans toit et fenêtre, surtout en ce mois de fortes intempéries, a de quoi révulser et révolter le plus passif des nigériens. Aussi cette situation inique, prive au moins 500 jeunes diplômés nigériens d’accéder à la fonction enseignante où de la pratiquer dans des bonnes conditions. Telles sont les conséquences directes de cette immense spoliation.
Autres conséquences, les chantiers abandonnés sont à la base l’arrêt de la programmation de la construction de salles de classes dans les établissements scolaires publics du Niger depuis 2015. La gabegie et la confusion étaient telles qu’il fallait arrêter. En effet, depuis cette date, aucune classe n’a été construite. Et rien n’est fait pour relancer le programme de construction de classe ni même en informer l’opinion sur les raisons de son gel. A l’évidence ce « dossier » est devenu un vrai capharnaüm que, mêmes les inspecteurs d’Etat et autres enquêteurs de la HALCIA contournent allègrement pour ne pas se perdre dans les taillis.
Et pourtant, l’argent des contribuables nigériens, des « pays amis » et des institutions internationales est en jeu. Si l’on tient compte du fait que la construction d’une classe est (sur)facturée autour de 7 millions par nos entrepreneurs, c’est donc au bas mot des marchés de plus de 5 milliards qui sont au cœur de cette grosse arnaque.
Entrepreneurs indélicats
Nul besoin de chercher trop loin pour identifier les premiers responsables de ce qui ressemble fort bien à une véritable escroquerie. Une cinquantaine d’entrepreneurs tant locaux que nationaux, ayant tous pignon sur rue, dont nous tairons les noms pour les besoin de la suite de l’enquête, y sont directement impliqués. Les entrepreneurs locaux ont bénéficié des marchés régionaux, tandis que les entrepreneurs des autres régions, principalement de Niamey, ont décroché les leurs depuis la portion centrale. Pour l’essentiel, leur manège consiste, après avoir décroché un ou plusieurs marchés publics, à placer un chantier sommaire et commencer l’édification d’un cube, pour après courir derrière les régies financières à la recherche d’un décompte.
D’après nos enquêtes, certains entrepreneurs ont déjà touché jusqu’à 40% du montant du contrat alors que le taux de réalisation physique vérifiable de leur chantier ne dépasse guère 20% selon la plupart des spécialistes que nous avons consultés. La quasi-totalité des entrepreneurs ont touché ces fameux décomptes. Les Directions régionales de l’ordonnancement et du trésor ne veulent nullement communiquer sur les montants perçus par les entrepreneurs. « On n’a pas ce droit », nous confirme un des responsables des régies financières régionales.
Du côté des entrepreneurs, l’on reconnait que la profession est investie de plus en plus par des aventuriers. « Parmi nous, beaucoup n’ont pas été corrects », reconnaissait Elh Dan Foulani Président du syndicat des entrepreneurs de Maradi lors d’une interview à l’occasion d’une réception d’un bâtiment de Maradi Kolliya dont les infrastructures souffrent du même abandon. Mais l’on dispose également d’un argument massue. Selon des sources qui leur sont proches, la plupart des entrepreneurs ont déjà dépensé des sommes équivalentes ou supérieures aux décomptes perçus dans le cadre de l’obtention du marché…
La Renaissance par le bas !
« Mais c’est quoi ces histoires ? » avait un jour lâché sa colère, l’ex enseignant, le Ministre Kalla Moutari devant la récurrence de ces chantiers abandonnés, tout au long de son périple dans la région, en décembre dernier. Il était certes venu pour l’évaluation de la campagne agricole 2017, mais il ne pouvait détourner ses yeux, comme d’autres l’ont fait, sur ce scandale évident. Devant des maires et des préfets médusés qui tentaient de lui faire comprendre qu’ils n’étaient même pas au courant de l’installation de certains chantiers, il leur a asséné : « Vous avez le pouvoir et le devoir de contrôler et même d’arrêter n’importe quel chantier, même s’il vient d’en haut… Prenez vos responsabilités ! Car souvent les informations qui nous remontent, ce n’est pas ce qu’on voit… »
Depuis, « le dossier » a pris une autre envergure. Le Gouverneur Zakari Oumarou s’implique personnellement dans la recherche des solutions. Une enquête systématique serait en cours ou même peut être bouclée sur la situation exacte des chantiers abandonnés communes par communes avec toutes les références des contrats, les noms et les contacts des entrepreneurs, ainsi que les montants des décomptes perçus. Après quoi confirment les sources proches du Gouvernorat de Maradi, il sera demandé tout simplement aux entrepreneurs de finir les chantiers ou rembourser les sommes perçues.
« Le mal est déjà fait ! », soupire Elh Mahamadou Labo, un des portes paroles du PNDS dans la région. « Ces gens là sont dans leur majorité militants du PNDS et des partis alliés… quel service ils sont en train de rendre à ce régime et à ce pays qui leur ont rendu tant de services en se débrouillant pour leur octroyer tant de marchés ? Ils sont tout simplement en train de tirer la Renaissance par le bas ! », conclut-il plein d’amertume.
El Kaougé Mahamane Lawaly
04 février 2018
Source : Le Souffle Maradi.
Enquête exclusive - Maradi/Education : Le scandale des chantiers abandonnés !
- Détails
- Catégorie : Société