S’il parle alors qu’il doit se taire ; S’il se moque des gens alors qu’il doit faire profil bas et raser les murs ;
S’il parle et agit encore au nom de l’État alors qu’il doit en être éloigné ;
S’il se permet de demander à d’autres Nigériens d’observer la loi alors qu’il en est un contrevenant ;
S’il ose faire tout ce qu’il fait alors que, du point de vue de la loi et de la justice, il n’en pas la possibilité, c’est qu’il est dans son monde, une sorte de poisson dans l’eau. Il a un sauf-conduit qui le place au-dessus de la loi, hors de portée de la justice.
Alors, il n’y a rien de surprenant à le voir entreprendre d’assassiner la presse indépendante. Il est dans son rôle pour deux raisons au moins :
La première, c’est que Hassoumi Massoudou déteste ces médias par lesquels il a été vu sous son vrai jour, à la fois par des millions de Nigériens, mais aussi par le monde entier. Son désir, puisque ça doit brûler fort dans sa poitrine, c’est d’anéantir cette presse libre qu’il a déclarée « ennemie » il y a trois ans.
La seconde, c’est que l’homme est perçu comme l’homme des basses besognes ; celui qui ne recule devant aucun scrupule lorsqu’il s’agit d’exécuter les missions les plus sales. Alors, quoi de surprenant de le voir mener ce combat contre « une presse ennemie ». N’est-ce pas pour lui faire d’une pierre, deux coups ? Ainsi, sous le couvert d’une loi qu’il a violée et pour laquelle il n’a sans doute jamais eu le moindre respect, Hassoumi Massoudou cherche à régler ses comptes personnels avec une presse dont le tort est de l’avoir déshabillé pour le montrer nu, tel qu’il est dans la réalité.
L’entreprise, funeste, de Hassoumi Massoudou ne traduit pas que le dessin de sa petite personne. Elle est la manifestation publique de la nature du régime dont les tenants, manifestement, souffrent de l’existence de cette« presse ennemie » qui empêche de se livrer tranquillement à ces opérations de trading qui font pourtant gagner des millions, voire des milliards, sans rien faire.
Car, malgré l’existence d’une loi [Ndlr : ordonnance 2010-035 du 14 juin 2010] que la presse nigérienne doit, non pas aux gouvernants actuels, mais à la Transition militaire, l’on a relevé :
- le recul sans cesse, depuis plusieurs années consécutives, de la liberté de la presse au Niger, caractérisée par les violations de l’ordonnance portant régime de la liberté de la presse, les multiples agressions des forces de l’ordre sur les médias. Des faits consécutifs à la déclaration, il y a trois ans déjà, du ministre Hassoumi Massoudou, qui a lu publiquement la liste des « médias ennemis » ;
- la confiscation récurrente du matériel de reportage des journalistes nigériens dans l’exercice de leur fonction ;
- le mépris dont font montre des responsables du régime depuis leur arrivée au pouvoir à l’encontre des médias indépendants ;
- l’indiscutable instrumentalisation de la police et de la justice dans le seul but de bâillonner des journalistes afin de les empêcher de mettre à nu les pratiques corruptives du régime de Mahamadou Issoufou.
La curieuse opération dite de « contrôle général de comptabilité » diligentée contre les petites et moyennes entreprises de presse portant sur les périodes 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 n’est que la volonté d’étouffer des voix qui gênent. Et lorsque c’est Hassoumi Massoudou qui porte le projet, l’épilogue est déjà connu. Autant se demander si un assassin multirécidiviste a peur d’assassiner.
D’ailleurs, depuis deux ans, le Conseil supérieur de la communication (Csc)accuse n’a pu attribuer l’aide à la presse, par le seul fait du ministre des Finances ; un retard délibéré et organisé qu’il faut combiner, non seulement avec cette curieuse opération dite de « contrôle général de comptabilité », mais également avec l’imposition du papier journal dans la loi de finances 2018, pour comprendre que l’étendue de la haine viscérale de Hassoumi contre les « médias ennemis ».
L’opération dite de « contrôle général de comptabilité », c’est le poison que l’on inocule, sous le couvert d’une légalité et d’une équité, de toute façon plus virtuelles que réelles, et que l’on foule par ailleurs aux pieds, à une presse qui dérange. Car à défaut d’user d’une remise en cause de l’ordonnance 2010-035 du 4 juin 2010 portant régime de la liberté de presse au Niger, qui ferait beaucoup de bruit, le régime a choisi d’étouffer financièrement la presse indépendante. Pour tous les spécialistes de la question, c’est la stratégie privilégiée des véritables prédateurs de la liberté de presse.
C’est dire que, dans cette entreprise qui exprime, plus que toute autre entreprise malheureuse, une décadence totale du régime, le combat organisé pour faire taire la presse qui dérange, ne peut être gagné, ni par Hassoumi ni par tout autre personnage. C’est un combat qu’il ne sied pas bien d’envisager, car perdu à l’avance, quel que soit par ailleurs le résultat auquel vous parvenez. Hassoumi doit renoncer à cette piste sans issue et chercher plutôt de quoi se défendre devant la justice, demain.
BONKANO
12 février 2018
Source : Le Canard en Furie