Monsieur le ‘’Président’’, Ils n’ont pas totalement tort, je l’avoue. J’ai dû, à mon corps défendant, accepter la thèse qu’en allant à Ouagadougou, vous n’avez fait que ce vous savez faire le mieux : s’intéresser à ce qui se passe plutôt ailleurs que chez vous ; montrer plus de solidarité et de compassion à d’autres qu’à vos compatriotes et cela ne peut plaire à personne, au Niger. Vous seriez parti à Ouagadougou, paraît-il, en votre qualité de président du G5 Sahel. Nos compatriotes disent que votre prédécesseur à ce poste, Ibrahim Boubacar Keïta, le président du Mali, n’a jamais fait le moindre déplacement à Niamey à la suite d’attaque terroriste. Ils disent qu’ils n’ont même pas souvenance d’un simple message de soutien et de condoléance adressé au peuple nigérien.
Et pourtant…
Et pourtant, le Niger a compté tant de morts du fait du terrorisme. Des morts dont vous n’avez pas toujours honoré personnellement les mémoires. Pourquoi alors en vouloir à quelqu’un d’autre qui compte aussi ses morts ? Ils m’ont concédé la pertinence de la remarque et ont préféré plutôt parlé de vous pour s’interroger sur cette propension que vous avez à honorer les morts d’ailleurs plutôt que les vôtres. Combien d’attaques terroristes le Niger a-t-il essuyées ? Combien d’officiers, de sous-officiers et de soldats ont péri dans ces attaques terroristes ? Non seulement vous n’avez jamais daigné faire le déplacement sur les sites des attaques, mais vous avez également brillé, souvent, par votre mutisme. ÀBosso, à Ouallam, à Mangaïzé, à Karamga, à Guesguérou, à Banibangou, à Ayorou, à Tongo-Tongo, à Toumour, à Tezalit, à Abala, Tiloua, à Chetimari, etc., la liste est longue et ceux qui y ont été tués lors d’attaques terroristes sont si nombreux qu’égrener un chapelet ne suffirait pas pour les dénombrer. Ces hommes, qui sont tombés sous les balles terroristes, fauchés souvent à la fleur de l’âge, ce sont des enfants du Niger comme il y en tant d’autres, chez vous, chez moi, chez UN TEL et UN TEL. Ils ont été arrachés à l’affection de leurs proches et leur unique réconfort attendu de l’Etat, c’est de voir le chef de l’Etat aller sur les lieux des attaques, féliciter, saluer et encourager les soldats pour leur bravoure, présenter solennellement les condoléances et la reconnaissance de l’Etat aux familles des victimes. Leur seule présence aux côtés des soldats parlerait plus que tout ce boucan que des médias, peut-être pays pour le faire, se font les échos. C’est ainsi que l’on encourage les troupes, partout dans le monde. Or, lors de tous ces drames qui ont frappé le Niger et son peuple, personne ne vous a vu aller, sur place, soutenir le moral des troupes et leur apporter le réconfort attendu des plus hautes autorités en pareilles circonstances.
Monsieur le ‘’Président’’, Et pourtant, vous voyagez si souvent, occupé comme toujours à aller soutenir un voisin ou à partager des moments de festivités avec un autre comme c’est le cas, notamment, lors de l’inauguration du barrage de Katéla, en septembre 2015, en Guinée. Un moment pourtant de douleur et de deuil au Niger où BokoHaram avait perpétré un raid meurtrier dans un village proche de la frontière nigériane. Pour mémoire, il y a eu 15 personnes tuées et quatre blessés, 22 maisons, un véhicule et un moulin à grains incendiésselon le bilan officiel. Cela ne vous a pas empêché de prendre l’avion pour aller assister à l’inauguration d’un barrage. N’est-ce pas regrettable et choquant ? Comme ces compatriotes, je trouve que le discours n’est pas un acte suffisant d’engagement. Car, on peut bien dire quelque chose sans y croire. Mais laissons ce débat de principes, pour nous interroger sur les raisons qui pourraient expliquer que vous n’ayez pas encore honoré les Forces de défense et de sécurité (Fds) de cette visite de soutien que vous venez de faire promptement au Burkina Faso. Moi, j’avoue que je ne comprends pas. Car, à beau vouloir rentrer dans les bonnes grâces d’un Emmanuel Macron, comme vous l’étiez dans celles d’un certain François Hollande, le résultat, en fin de compte, ne peut guère être qu’un hold-up électoral. Mis à part ce souci qui pourrait vous faire courir et que je comprends parfaitement, je ne comprends pas outre mesure que vous passiez votre temps à affirmer votre soutien aux Fds nigériennes et que vous manquiez, ne serait-ce qu’une seule fois, de leur consentir une heure de votre temps à l’occasion d’attaques si récurrentes. Je ne comprends pas que dans vos discours, vous ressassez tout le temps des choses que vous avez manifestement des difficultés à prouver sur le terrain, par des actes concrets.
Monsieur le ‘’Président’’, Vous comprendrez sans doute que je m’étale sur ce sujet, vos compatriotes étant absolument choqués de vous voir marquer une préférence nette pour ce qui est étranger. C’est d’ailleurs cette même logique qui a prévalu dans la loi de finances 2018, votre gouvernement ayant fait montre davantage de compréhension vis-à-vis de sociétés commerciales étrangères plutôt qu’à l’endroit des citoyens au bonheur desquels vous avez juré, la main droite sur le Saint Coran, de travailler sans relâche. Je sais que vous pourriez m’opposer le fait qu’ « aucune fraction du peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Quand bien même, une partie du peuple, de la proportion de ceux qui manifestent toutes les deux semaines dans le cadre des Journées d’action citoyenne (Jac) mérite écoute, respect et considération. Et si vous refusez, malgré tout, d’écouter la clameur populaire vous demandant un minimum de compréhension et d’altruisme à l’endroit de tous ces millions de compatriotes qui manifestent à travers toutes les régions du Niger, à la hauteur de la bonté dont vous faites preuve vis-à-vis des sociétés étrangères, ayez au moins le réflexe, en cas d’attaques terroristes, de faire comme ce que vous avez fait pour le Burkina Faso. Car, comme l’a si bien relevé un compatriote, avant d’être président du G5 Sahel, vous êtes d’abord président du Niger.
Mallami Boucar
13 mars 2018
Source : Le Monde d'Aujourd'hui