Et depuis des jours, alors qu’il se vantait d’avoir fait du Niger un ilot de paix dans un océan de turbulence, il prétexte l’insécurité pour interdire systématiquement toutes les manifestations publiques organisées par la société civile ou par l’opposition. Il fallait arrêter, en abusant de la force publique, cette autre force qui surgit des entrailles d’une société qui vit des douleurs. Sans doute que les Renaissants ont compris la force et la vérité de ces colères mais lorsqu’on aurait promis à des partenaires qu’on serait élu à 92% et fort du large soutien populaire, l’on peut rassurer qu’on peut appliquer sans difficulté toutes les mesures, y compris celles impopulaires, il est clair qu’il est difficile pour un pouvoir qui joue sa dernière carte, de céder à la pression, observés par ses mentors sur ses capacités de résilience. Le régime sait pourtant que ce n’est pas si facile car ayant bien conscience de la débrouillardise qui lui avait permis d’inventer un taux de participation qui avoisine les 60% alors que les bureaux de vote étaient restés quasi vides toute la journée du 20 mars 2016. C’est donc de ce faux qui l’habille qu’il souffre aujourd’hui. Dans la logique du système Guri, il n’y aura donc plus de lutte citoyenne parce que pouvant désormais se cacher derrière l’alibi de l’insécurité pour interdire tout dans le pays. Et la société civile a bien fait d’étendre son action à toutes les régions du pays pour montrer que ces colères ne sont pas que les caprices de citadins, qui plus, pense-t-on, ne sont qu’une minorité, une opposition. Si tant est que l’on pense qu’il ne s’agit là que de « minorité » - un terme tout à fait insultant, marginalisant en plus – qu’on peut ne pas écouter, rassuré alors de « sa » majorité pourtant étriquée, alors on n’avait qu’à laisser cette « minorité » marcher étant entendu qu’elle ne devrait rien représenter dans le pays. Mais la vérité est que cette «minorité-majoritaire» fait peur, l’on a compris que les Nigériens en ont vraiment marre et ces Nigériens qui ont les yeux rouges sont partout à travers le pays y compris au niveau de la diaspora où les Nigériens souffrent de l’image que la gouvernance actuelle offre de leur pays à l’extérieur. Cependant que faire, quand on sait que si on se laisse déborder par les événements, on pourrait le payer cher ? Alors on force et on tombe dans le raidissement, dans l’absolutisme, dans les intrigues politiques définitoires de tout régime dictatorial qui se meurt. C’est en ce moment malheureusement que les rangs au sein de la mouvance se desserrent, fragilisant un système qui s’essouffle, presque aux abois. Les caciques du pouvoir l’ont compris et ils sont allés réveiller et ameuter l’OJT qu’ils ont pourtant oubliée au temps des vaches grasses où chacun se mettait les poches pleines, laissant les autres galérer. Puis, profitant d’un congrès, on rassemble une alliance dans laquelle des partenaires sont quotidiennement méprisés et ignorés, pour prétendre enfin, qu’on a la volonté de consolider la cohésion en son sein, couvrant de louanges des alliés dont on sait leur amertume, leurs douleurs aussi. Dans un tel contexte, il est difficile, il va sans dire, que la mesure préventive pour retarder une explosion sociale imminente, ne peut suffire, et les camarades socialistes effrayés par l’imminence des jours graves qui arrivent, serrent le vice, optant pour l’extrémisme aveugle. Et avant qu’une manifestation ne commence, on fait arrêter des leaders de la société civile, les déportant dans de prisons lointaines, séparés des siens comme s’ils constituent des dangers publics, espérant qu’en décapitant le mouvement, celui-ci allait s’émousser. Ces colères ne sont pas liées à quelques hommes mais à toute une population qui grogne et tempête depuis des mois, sinon depuis des années face à un pouvoir insensible.

Ce geste maladroit prouve à suffisance, pour tous les démocrates et pour tous les observateurs extérieurs que le Niger n’est plus en phase avec la démocratie et qu’en faisant semblant de résister à la pression populaire, loin de faire preuve d’autorité, le régime des camarades fait montre d’autoritarisme. Et les Nigériens, on l’aura compris, ne peuvent pas fléchir, ce d’autant plus que les princes, tenant à leurs privilèges, refusent de consentir le sacrifice qu’ils demandent au peuple, pour continuer à mettre le grappin sur les maigres ressources de l’État. Le confort c’est pour eux, la galère pour les autres. Le monde entier aura compris par l’arrestation des acteurs de la société civile que le régime, loin de se conformer à un souci de justice, fait là un abus pour casser la révolte populaire, puisque celle-ci devrait se manifester chaque deux semaines dans le pays ; ce qui n’est pas sans égratigner l’image d’un système qui, déjà, n’est pas en odeur de sainteté avec bien de partenaires qui défendent objectivement des valeurs et des principes dans le monde. Et la pratique est la même : dans la précipitation, le régime se rend souvent vite compte de la légèreté de ses chefs d’accusations, et pour punir, il envoie en prison pendant des jours, voire des semaines, des mois et des années, des hommes qui auront alors tort de porter des opinions différentes dans la démocratie, quitte à les libérer ensuite pour non-lieu. Cette manière de faire doit davantage révolter les Nigériens car il est admissible que parce qu’on a le pouvoir, on puisse se donner ce droit d’envoyer des citoyens en prison pour les libérer le moment qu’on voudra, occultant les principes élémentaires du Droit, notamment la présomption d’innocence.

Des pratiques nouvelles plus inquiétantes…

En effet depuis des jours, l’on apprend par-ci et par-là, comme dans un régime policier, stalinien, comme dans un polar qu’un commando lourdement armé enlève de paisibles citoyens pour des interrogatoires dans de milieux secrets. Faut-il croire lorsqu’on arrive à ça, qu’on n’est pas si loin de crimes politiques humains où on pourrait même attenter à la vie de citoyen ? En tout cas l’acteur de la société civile, Siradji Issa, dans une récente déclaration, face à des menaces proférées à son encontre, s’inquiète et porte plainte, assisté d’un avocat. Voilà donc où nous en sommes arrivés dans ce pays qui va d’escalades en escalade, d’extrémisme en extrémisme.

Rester serein…

Les socialistes paniquent. Les révoltes des Nigériens, leur refus d’abdiquer, la généralisation de la fronde sociale, avec à côté une université en ébullition qu’on tente d’endormir comme ce fut le cas avec la tuerie de Bagalé, pour faire croire que des négociations ouvertes, pourraient décrisper une situation explosive, et faire oublier définitivement cette histoire rocambolesque de l’uraniumgate, mais aussi de la loi de finances qui mobilise les foules, et cette affaire grave du fils du l’ancien Guide libyen. Alors, l’affaire des bébés importés elle aussi est agitée avec la déchéance du député- cobaye Abdou Labo, le refus de la cassation, etc

Rien, en vérité, ne peut détourner l’attention des Nigériens. Rien ne peut les distraire des vrais enjeux, ne peut les dévier de leur trajectoire. Et la société civile dit maintenir le cap, appelant toujours à manifester, bravant des interdictions, pendant que le Moden Fa Lumana, dit lui aussi, ne pas faire attention à des décisions ciblées, personnalisées, décidé à se battre pour son leader, pour la vérité et pour le caractère inclusif des débats et des compétitions politiques dans le pays.

Rien, en vérité, ne peut détourner l’attention des Nigériens. Rien ne peut les distraire des vrais enjeux, ne peut les dévier de leur trajectoire. Et la société civile dit maintenir le cap, appelant toujours à manifester, bravant des interdictions, pendant que le Moden Fa Lumana, dit lui aussi, ne pas faire attention à des décisions ciblées, personnalisées, décidé à se battre pour son leader, pour la vérité et pour le caractère inclusif des débats et des compétitions politiques dans le pays.

AI

23 avrril 2018
Source : Le Canard en Furie