Monsieur le ‘’Président’’
Où menez-vous le Niger ? Cette question est sur toutes les lèvres, dans tous les cercles de discussion et dans toutes les localités du Niger, avec en toile de fond, une indicible inquiétude qui s’accroît de façon exponentielle depuis que vous avez pris l’option de régler les très nombreux contentieux avec les citoyens par la force, la répression aveugle et les emprisonnements. Vous avez dû également entendre, par vous-même ou par ouï-dire, les innombrables messages et appels à la raison de compatriotes de tous bords politiques et de toutes régions. Vous avez, enfin, eu les échos de tous ces cris de révolte qui vous tiennent personnellement responsable de cette chienlit sociopolitique qui a cours au Niger, fruit de votre refus obstiné de faire droit à des revendications citoyennes justes et pertinentes. Pour moi, vous n’avez pas d’autre choix que de vous remettre en cause, de mettre fin à cette vague de froid que vous êtes en train de répandre sur le Niger et de vous débarrasser de tous projets noirs. Car, vous avez tant de boulets aux pieds que vous ne pouvez que tourner en rond. Aux plans économique, social et politique, votre passif est très lourd et je ne vous vois pas d’autre alternative que de faire amende honorable, demander pardon au peuple nigérien et créer les conditions d’une détente politique propice à une réconciliation, d’une part, entre Nigériens ; d’autre part, entre gouvernants et gouvernés. Autrement, vous allez droit dans le mur. Les griefs à votre endroit sont si nombreux et si graves que vous serez gagnant en plaidant coupable et demander au peuple nigérien «rémission» de vos «péchés» politiques et sociaux. Bien entendu, votre demande de pardon au peuple nigérien auquel vous avez fait si mal ne vous exonère pas de votre responsabilité éventuelle dans les crimes économiques. Les Nigériens, dans leur magnanimité et leur tolérance légendaires, vous accorderont sans doute le bénéfice du pardon en ce qui concerne les dérives autoritaires. Mais cela ne vous absout pas de rendre compte et/ou de témoigner dans de graves affaires qui ont ruiné à la fois le Trésor public et l’image, si honorable, du Niger. Vous connaissez mieux que moi les dossiers les plus explosifs dans lesquels votre responsabilité personnelle, d’une manière ou d’une autre, ne peut être écartée. Ce n’est pas pour en parler aujourd’hui, car il me semble qu’il y a plus grave. Le plus grave, c’est l’école, pratiquement démantelée sous votre magistère. Au pilotage à vue, caractérisé par des décisions à la fois incohérentes et anachroniques, s’est greffée
une volonté morbide de régler les problèmes comme s’il s’agit d’un marché. Conséquence : Du primaire au supérieur, l’école nigérienne est dans la tourmente. Votre propension à avoir toujours raison et à imposer votre vision des problèmes et des solutions a conduit l’école nigérienne dans l’abîme. C’est votre plus grand «péché».
Monsieur le ‘’Président’’
La situation alarmante dans laquelle l’école nigérienne est plongée est tout simplement dramatique. Votre gouvernement, qui semble résolu à poursuivre sa politique du bison affolé, est en train de commettre un impair inadmissible. La force et l’abus du pouvoir qui peuvent pousser un homme à refuser la voie du dialogue sont trompeuses, car pouvant, à tout moment, fondre comme beurre au soleil. Leur usage, dans la plupart des cas, est totalement contreproductif. Vous en avez déjà fait l’amère expérience, et sur le plan politique et sur le plan scolaire. La force ne règle pas tout. Pourquoi alors persistez-vous dans cette voie ? Permettez-moi de vous dire que pour beaucoup de nos compatriotes, le gouvernement est non seulement responsable de la descente aux enfers de l’école nigérienne, mais il semble y avoir joué un rôle prépondérant. Leur justification, ils la trouvent dans cette curieuse démarche de votre gouvernement qui n’a pas trouvé ridicule de signer un protocole d’accord avec le Syndicat national des enseignants chercheurs du supérieur (Snecs) à propos d’un conflit opposant ce dernier à l’Usn.De médiateur spontané que vous auriez dû être pour mettre un terme à une simple altercation verbale entre un enseignant et des étudiants, vous vous êtes complaisamment transformé en acteur ayant un parti pris. Votre faute est lourde. La faute n’est-elle pas partagée ? Pour moi, c’est incontestablement OUI, à moins que l’on me dise que l’enseignant a tous les droits sur l’étudiant, y compris en lui adressant de sales mots. Les dirigeants syndicaux des enseignants-chercheurs doivent avoir honte. N’est-ce pas les mêmes qui, deux semaines auparavant, ont dû piteusement s’appuyer sur les épaules de l’Union des scolaires nigériens (Usn) pour se faire entendre du même gouvernement à propos du compte unique du Trésor ? Une question d’ailleurs que le Snecs n’a plus jamais soulevée. Par ce protocole d’accord inutile et déplacé, le Snecs s’est sans aucun doute ridiculisé, mais il y a pire. Son action n’a finalement servi que les desseins d’un gouvernement prompt à opposer la force brutale à toute revendication. Serait-ce là le but poursuivi par le Snecs ? Les Nigériens s’interrogent. Les Nigériens s’interrogent surtout sur cette forte intransigeance dont il n’a pas su faire montre dans sa revendication liée au compte unique du Trésor.
Monsieur le ‘’Président’’
Outre le désordre provoqué au primaire, vous avez, par une absence remarquable, laissé pourrir la situation à l’université Abdou Moumouni de Niamey. Alors que vous auriez dû vous investir comme médiateur pour rapprocher étudiants et enseignants-chercheurs, vous avez préféré jouer au parti pris. Aujourd’hui, les conséquences sont là : l’école nigérienne est presque morte, les étudiants dans la rue, les enseignants désemparés et le reste du Niger pleure cette jeunesse sacrifiée sur l’autel d’un pouvoir pour lequel vous êtes manifestement prêt à tout, mais dont seul Dieu décide du sort.
Mallami Boucar
03 avril 2018
Source : Le Monde d'Aujourd'hui