Lettre au “président de la République” : Monsieur le “Président”, Si vous aviez été à l’opposition, il y a longtemps, depuis la découverte de cette commande clandestine de maître Souna, que vous auriez sonné la mobilisation pour un boycott actif du processus d’enrôlementCrise libyenne : les deux paroles d’Issoufou L’assassinat du Guide Libyen a fait de la Libye un chaos qui a détruit les équilibres régionaux et faire de notre espace un immense territoire propice à tous les marchands du mal qui s’y sont infiltrés, profitant de l’absence de l’Etat dans bien de nos zones. Plus tard, les partenaires et ceux qui ont commandité le crime pour soi-disant offrir au peuple libyen la démocratie qui s’est finalement révélé à son peuple dupé un poison empoisonné, finissent par se rendre compte du gâchis : ainsi certains finirent, douloureux, non sans remord, par se dire que Kadhafi, après tout, pouvait être un mal nécessaire. Le peuple lui, a compris que la démocratie qu’on lui offrait dans le sang de son Guide n’est pas comestible dans un pays où, par les nombreux clivages qui composent le peuple, le Guide avait réussi à taire les susceptibilités et à maintenir unifiée une nation objet de contradictions tribales historiquement irréconciliables. Depuis l’élimination de Kadhafi que le monde Occidental, sur ses médias avait exhibée comme un trophée, faisant croire au monde que la Libye est désormais débarrassée d’un monstre, le pays ne connut pas de paix. La force impériale avait dès lors à gérer un bordel au carré comme dirait Birahima de Allah n’est pas obligé, un bordel devenu pour elle un vrai casse-tête chinois. La situation avait alors préoccupé le monde et l’on ne savait plus comment sortir de ce bourbier dans lequel, les audaces démesurées de Sarkozy finirent par plonger le pays, avant que la France ne finisse par déplorer une décision sans doute trop hâtive. On se souvient qu’à l’époque, alors que le monde cherchait le moyen de s’en sortir à bon compte tout en évitant davantage de dégâts et soigner les ingérences occidentales dans un pays détruit, le président Nigérien, lui, n’avait d’option que celle de la guerre et donc de la violence dans un pays qui se portait déjà trop mal. Heureusement qu’à l’époque, ceux pour qui ce discours guerrier était destiné pour leur plaire, n’approuvaient pas l’option militaire et en lieu et place, ils prônaient plus sagement une solution politique pour tenter de normaliser la vie politique d’un pays en plusieurs morceaux, disons aussi, en plusieurs versions. Isolé sur un tel choix, il a dû certainement comprendre que la force n’est presque jamais une solution pour régler des problèmes ainsi qu’il semble le privilégier dans son pays, face aux différents problèmes auxquels sa gouvernance butte. On pourrait croire qu’une autre guerre portée J’ai suivi votre visite d’amitié et de travail en France, la seconde en l’espace deux semaines si je dois croire à l’information officielle de vos services, et je dois dire que vous n’avez pas surpris grand monde en déclarant, face à la presse française, que vous ne comptez ni vous représenter ni faire modifier la constitution. Comme tant d’autres, au Niger comme en France, votre profession de foi m’a fait sourire. Je suis certain que ni la journaliste de Rfi qui vous a posé la question sur l’incarcération des leaders de la société civile, ni l’auditoire devant lequel vous avez parlé, encore moins le Président Macron, ne vous croît. « De façon irrévocable, je ne modifierai pas la constitution et je ne briguerai pas un troisième mandat », aviez-vous dit. Ah ! Ah ! Ah ! Que c’est vraiment drôle, car c’est là une musique que nous avons déjà entendue. Vous souvenez-vous des propos que vous aviez solennellement tenus le 17 décembre 2015 dans la perspective des élections générales de 2016 ? Vous avez dit« Je n’accepterai jamais l’organisation d’élections tropicalisées… ». En fin de compte, nous avons eu un droit à un ignoble hold-up électoral. Alors, j’ai pensé, pendant longtemps, que vous ne parleriez plus jamais de valeurs, particulièrement lorsqu’il s’agit de démocratie et d’élections. Or, à Paris, vous avez remis ça. J’espère au moins que vous ne vous attendez pas à ce qu’on vous croit. Du reste, vous n’avez pas besoin de répéter que vous n’irez pas au-delà du terme légal de votre mandat. Vous ne le pouvez pas simplement. Il n’y a donc aucun mérite à clamer partout et à tout bout de champ que vous ne modifierez pas la constitution. Par contre, vous avez fait sensation sur plusieurs points et je voudrais, pour l’histoire, vous les notifier. D’abord, vous avez affirmé que les organisations de la société civile voulaient manifester à minuit. Ce qui n’est pas exact. Il s’agissait de manifester de 16 heures à Minuit. De toute façon, c’est un vulgaire alibi que vous avez utilisé pour interdire systématiquement des manifestations populaires qui drainaient des foules immenses à travers tout le Niger. Hier encore, un meeting de la société civile prévu à huit heures a été interdit et le siège d’Alternative Espace citoyens a été fermé et interdit d’accès au personnel. Alors ? Tout le monde sait que votre régime est impopulaire. Vous n’avez pas besoin de ce que vous fait à Paris.

Monsieur le ‘’Président’’,

Je suis au regret de vous dire que vous vous étiez complètement passé à côté de la plaque en faisant cette malheureuse comparaison entre le Niger, la France, les États Unis, l’Italie, entre autres, à propos du droit de manifester. En affirmant, dans l’ignorance totale de ce qui se fait en Occident, notamment en France, vous avez prétendu que, pas plus à Paris, à Rome ou aux États Unis, l’on n’acceptera pas que des citoyens manifestent de nuit. C’est dommage, car en France notamment, vous ne pouvez pas compter le nombre de manifestations nocturnes. D’ailleurs, pour démentir vos propos, aussitôt que vous avez commis cette bourde, des reportages télévisés sur des manifestations nocturnes, dont une est appelée « Nuit debout », ont circulé sur les réseaux sociaux. Cela m’a affligé de voir que l’homme qui représente le peuple nigérien au plus haut degré s’emmêle ainsi les pinceaux en Occident. Bref, vous avez fait gravement sourire votre auditoire. Je suis certain que beaucoup de vos interlocuteurs s’interrogent. Hé, mais qu’estce qu’il est en train de raconter ? J’ai répondu que vous racontiez à des gens que vous pensez très éloignés du Niger pour comprendre ce qui s’y passe, le Niger tel que vous le croyez. Et comme tous ceux qui vous ont écouté, j’ai été scandalisé lorsque vous aviez dit qu’il y a au Niger deux catégories de société civile, l’une qui est prodémocratique, l’autre qui est putschiste ; que ces acteurs de la société civile que vous avez incarcérés ont combattu tous les régimes démocratiques. Une déclaration grave de connotation dans la mesure où ce sont les mêmes derrière lesquels vous vous étiez abrité durant plusieurs années pour faire votre combat politique.

Monsieur le ‘’Président’’,

De quels régimes parlez-vous lorsque vous affirmiez que ces acteurs de la société civile ont combattu tous les régimes démocratiques ? Celui du Président Baré que vous traité de tous les noms d’oiseau ? Ou bien celui de Mamadou Tanja que vous avez combattu pour son entreprise anticonstitutionnelle ? À moins que vous ne fassiez allusion à un régime qui n’a jamais vu le jour au Niger, vos propos ont vivement inquiété tous ceux qui vous ont écouté et je dois reconnaître que je ne trouve pas de compréhension possible à cette déclaration. J’ai posé et reposé la question autour de moi, rien que des interrogations et des spéculations. Avec cette prestation médiocre devant la presse française, vous ne pouvez, évidemment, que rajouter à la perplexité d’une opinion publique française à laquelle vous accordez plus d’importance qu’à ce que pensent de vous vos compatriotes. Vous avez, en un mot, ajouté de l’eau au moulin de tous ceux qui, personnes physiques et morales dans l’Hexagone, se battent pour que la France fasse honneur à ses valeurs proclamées en mettant au pilori votre régime. Croyez-moi, des gens comme Jean-Luc Mélenchon ne lâchent le morceau facilement. Et la presse française, dont vous avez fait le procès à travers une mise au vert publique de RFI, ne vous lâchera pas aussi facilement les basques. Quant aux ONG internationales que vous avez brocardez comme étant ignorantes des réalités du Niger, il est certain que vous avez davantage facilité désormais leur plaidoyer.

Monsieur le ‘’Président’’,

Vous aviez déclaré que de manière irrévocable, vous ne modifierez pas la constitution et vous ne briguerez pas un troisième mandat. Au Niger, seuls vos affidés accordent du crédit à votre propos. Pour la majorité des citoyens nigériens, ce n’est qu’une simple profession de foi, comme vous en faites régulièrement. Ce n’est pas, de toute façon, ce qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse, c’est cette volonté de manipulation du processus électoral qui débute plutôt mal. Votre commission électorale et votre joker, maître Souna, ont déjà été pris la main dans le sac avec cette commande clandestine de pièces d’Etatcivil. Tout le monde a compris, sauf, bien sûr maître Souna qui fonce, tel un bison affolé, vers la réalisation de sa mission. J’ai appris qu’il a d’ailleurs subitement accéléré sa sordide entreprise en procédant au transfert dans les régions de ses registres d’actes de naissance, d’actes de mariage et d’actes de décès. Tout, dans sa façon de faire, le trahit et son entêtement à poursuivre cette mission insolite le perdra assurément.

Monsieur le ‘’Président’’,

Je dois avouer que quelques fois, je me dis que l’opposition, regroupée désormais au sein du Front pour la démocratie et la République (FDR), est votre plus grand allié. Car, je le sais, et personne ne le contesterait certainement, que si vous aviez été à l’opposition, il y a longtemps, depuis la découverte de cette commande clandestine de maître Souna, que vous auriez sonné la mobilisation pour un boycott actif du processus d’enrôlement. Je suis certain que vous auriez depuis longtemps demandé à tous les citoyens nigériens, partout où ils vivent, de ne pas accepter de se faire enrôler ; que, accepter de le faire, c’est cautionner la dictature rampante et que chaque Nigérien doit nécessairement refuser de marcher dans la combine. Comme vous, à la place des partis et des organisations de la société civile membres du FDR, je ferais la même chose. Je sonnerais tout de suite la mobilisation, battrait villes et campagnes pour demander à tous les Nigériens de refuser de se faire enrôler et de chasser, au besoin les commis qui viendraient les importuner pour ça. Je publierais des communiqués, je parlerais dans les radios, j’irais sur les plateaux de télévision, je ferais des meetings, j’enverrais des missions dans tous les chefs-lieux de région pour ameuter les populations sur les risques qu’ils font courir au Niger, à la démocratie et à la citoyenneté libre en se faisant enrôler. Bref, je croiserais le fer, dès à présent, avec le régime dans la mesure où le rapport des forces populaires est de mon côté. Monsieur le ‘’Président’’, Je suis certain que si vous étiez le FDR, même le Ramadan ne vous arrêterait pas.

Mallami Boucar 

12 juin 2018
Source : Le Monde d'Aujourd'hui