L’on ne peut connaitre et apprécier les hommes que lorsqu’ils changent de position. Dans l’inconfort, ils ont toujours prétendu qu’ils pouvaient être capables du meilleur, prêchant les bonnes manières et proscrivant les mauvaises. Mais dès lors qu’ils changent de position, ils oublient leurs professions de foi, tombant comme par malédiction dans les mêmes travers, cultivant et propageant les mêmes tares. Trompant sur des intentions, on les découvre souvent pires. Comme il en a été ainsi avec les socialistes, grands défenseurs de la démocratie et de la bonne gouvernance devant l’Eternel ! C’est avec eux que les Nigériens ont le plus connu la prison, la Police Judiciaire, l’exclusion, des manifestations férocement réprimées dans le sang, des manifestations interdites, bref tout le mal qu’on peut faire à la démocratie et qu’ils avaient décrié alors qu’ils étaient des opposants intraitables et intrépides. En vérité, ils ne croyaient pas à ce qu’ils disaient.
Des promesses déjà oubliées ?
On se rappelle que pour calmer le jeu dans un pays qu’une élection controversée prédestinait à des turbulences dangereuses, le président Issoufou rassurait, comme Tandja l’avait aussi fait en faisant ce conte de la table desservie, qu’il s’en ira après son deuxième mandat pas très catholique, faut-il le rappeler. Mais les Nigériens avaient écouté l’annonce sans y croire. Le socialisme est berneur. Et pour cause, c’était quand même le même qui disait, à la veille des élections de 2016 qu’une élection truquée, tropicalisée serait son échec personnel et s’en plain. drait de rester au pouvoir par un tel moyen. Bluff. On sait la suite : c’est ce qu’il a fini par avoir, sans en souffrir, s’en félicitant d’ailleurs quand, dans la précipitation, il s’était activé à organiser son investiture mais sans réussir à donner à l’événement sa brillantine. C’est dans cette situation qu’un vocal diffusé par les réseaux sociaux et qui serait venu de Zinder où pour avoir fait le constat du travail d’hercule qu’Issoufou Mahamadou aurait réalisé au grand bonheur des Nigériens, appelait le président à rempiler pour un troisième mandat. Est-ce le scénario à la Tazartché qui commence ? La seule différence pouvant être que les nouveaux scénaristes du nouveau film, ont pensé qu’il faut se réveiller plus tôt et ne pas attendre le dernier moment pour tâter le terrain. On se rappellent qu’avant que Tandja n’y prenne goût c’est d’abord des groupes qui lui avaient passés – s’ils n’étaient pas instrumentalisés – l’appétit de la continuation avant qu’il ne sorte des bois pour annoncer qu’il ne peut pas ne pas répondre à l’appel paternaliste du peuple souverain. Le film changera de nom mais il est construit sur le même scénario. Mais alors, comme Tandja, Issoufou, peut-il oublié sa parole de partir en 2021 ?
Des signes qui ne trompent pas
L’on sait le culte de la personnalité qui entoure le personnage pour ses obligés qui n’arrêtent de le louer et de le présenter comme un incomparable. Quel temps n’avaiton pas passé à présenter sur la télévision nationale devenue une télévision de propagande pour magnifier l’homme en exhibant des réalisations « pharaoniques » comme ce dernier échangeur « qu’on aura jamais vu et qui aurait radicalement changé la physionomie de la capitale. De telles manières de présenter un homme qui est pourtant en passe de partir dans moins de trois ans, ne peuvent avoir que des mobiles cachés. Et on voit le sacrement sortir des nues : le messie doit revenir….
Aussi, depuis qu’un fils, pour la première fois dans l’histoire politique du pays, sans pudeur, est mêlé à la gestion du pouvoir, intégrant le cabinet de la présidence, des observateurs ont vu un signe d’une oligarchie naissante dans une démocratie abâtardie.
Le fait même qu’il n’y ait pas de réaction officielle, pourrait corroborer la thèse du désir du troisième mandat surtout que des partenaires ne seraient plus regardants par rapport à ces « petits principes » d’autant Merkel et Poutine peuvent, sans problème de conscience, se donner un quatrième mandant. Et puis, en Afrique même, cela semble être dans l’air du temps. Le Cameroun, le Tchad et le Gabon l’ont réussi. Kabila fils et Eyadema fils sont dans la résistance, pour tirer aussi leur jackpot. Alors qui est fou ? Le pouvoir est doux, dey ! Et ce n’est pas une première dame qui dira le contraire.
La bombe est donc lâchée. Si ailleurs des gens ont osé le même jeu dangereux avec plus ou moins de succès quand on sait que ces pays sont au bord de l’implosion, peut-on croire qu’au Niger, Issoufou pourra réussir, là où Tandja qui a en plus un passé militaire solide, a dramatiquement échoué. Wait and see.
Les mêmes mises en scène
Des jeunes de Zinder, peut-être instrumentalisés aussi, communiquent au président cette envie de s’incruster au pouvoir surtout que, comme avec l’autre, les mêmes courtisans zélés desquels Dame Bazèye, valeureuse et intègre, l’appelait à se méfier un 7 avril 2011, pourrait lui faire comprendre qu’il n’y a aujourd’hui sur l’échiquier aucun homme d’envergure, autre que lui, le grand protecteur, à qui on pourrait confier le pays en 2021 pour ne pas l’exposer à tous les dangers. Dans la pénurie supposée d’hommes valables, c’est sauver un pays et se sacrifier pour un peuple en mal de leaders que d’accepter alors de rester et surtout pour « parachever des chantiers d’envergure pour le pays ». Comment d’ailleurs – pour te communiquer mon ironie lecteur – peut-on accepter qu’un pays se débarrasse au nom de convenances constitutionnelles alors absurdes d’un aussi grand bâtisseur hors pair ? Puis, les laudateurs, devront investir les médias pour dire tout le bien de l’homme, tout ce qu’il a fait d’exceptionnel et de gigantesque pour le pays. Peut-être même pourra-t-il compter sur un Ben Omar qui a une grande expérience en la matière pour vanter même sans guitare les hauts faits du régime qui se limiterait à la seule personne du messie. L’on sait que les socialistes n’ont jamais reculé en face de leurs projets. Et ils foncent toujours en kamikazes téméraires. S’ils se terrent, laissant, un autre audio répondre, pour démentir la première, disant même ne pas reconnaitre des militants, alors il y a anguille sous roche.
Les socialistes sont venus tout tenter depuis qu’ils auraient conquis et annexé le Niger
Que n’avaient-ils pas essayé et tenté dans ce pays ? Ils ont emprisonné des hommes que des partenaires avaient félicités pour leur gestion qu’une enquête de gendarmerie a également innocentée, ils avaient emprisonné des leaders de la société civile, sans jamais écouter aucune des voix qui appellent à leur libération. Que ne peuvent-ils pas tenter encore dans le pays car pour eux, les Nigériens semblent être ce peuple moutonnier, incapable de se battre et de se défendre.
Après tout, pourquoi ne pas caresser ce rêve qui est passé à la tête de beaucoup d’autres Africains puisque surtout, l’on a essayé le hold-up du 20 mars 2016 et l’on l’a réussi, même si c’était sans art ? La chose est d’autant plus tentante et jouable qu’en amont on a eu l’intelligence de se tailler des textes électoraux sur mesure et d’installer une CENI marionnette dans laquelle, l’on a pris soin, de n’avoir que des hommes acquis à la cause du système. Les alliés sont écartés. Et les opposants, par le jeu mesquin du nombre n’y serviront que de faire-valoir. Kiishin Kassa, n’a pas tort de demander dès aujourd’hui de proclamer les résultats de 2021 qui sont d’ores et déjà connues.
Sans doute que depuis que ce vocal est tombé du ciel, le sieur Bazoum a commencé à douter. Ces autoroutes qu’on semble construire qui conduisent à la présidence en 2021, ce n’est pas pour ses beaux yeux. Si l’on garde encore Albadé et Seini, frustrant d’autres petits alliés pour les pousser à la porte, c’est sans doute pour déblayer le terrain car ces deux forces à l’opposition pourraient gâcher l’aventure annoncée. Tous les Nigériens commencent à voir clair. Et la raison principale, tout le monde la connait : ces hommes ont trop gaffé et ils ont peur de répondre de leurs actes. Qu’un autre vienne, ne fait pas leur affaire. Il faut à tout prix rester au pouvoir pour assurer des arrières. L’instinct de conservation oblige.
Les Nigériens accepteront-il la combine ?
Ce n’est pas si certain car, le Niger reste le Niger. On voit déjà des hommes et des femmes de dignité se désolidariser de la gestion des Renaissants, regagnant peu à peu les forces en lutte contre un système qui vise à aristocratiser le pouvoir au Niger. C’est d’ailleurs une insulte que de vouloir faire croire à un peuple qu’il n’a qu’un seul homme valable alors même qu’on le sait, personne, fut-il un messie imaginaire, ne peut être indispensable au pays. Des hommes ont passé et le Niger demeure. D’autres passeront, le Niger demeurera !
Le parti n’a pas osé piper mot de cet appel sournois
Le parti de Bazoum est-il dans le doute ? Commence-t-il à avoir peur ? C’est sans doute parce qu’une telle intention si elle couve dans certains milieux du pouvoir, risque à terme de faire exploser le parti présidentiel et corrélativement l’alliance au pouvoir qui pourrait commencer à comprendre qu’il ne doit pas se battre pour un jeu de cache-cache au sein du PNDS ? un homme mais pour un pays et des principes. Certains, depuis longtemps, sans doute les plus avisés de la lecture du champ politique nigérien, avaient rassuré que Bazoum, héritier naturel du parti – peut-être pas naturel – pour briguer la magistrature suprême en portant les couleurs du parti rose, n’avait aucune chance d’avoir ce couronnement. Pour mettre les chances de son côté, ayant sans doute compris qu’il pouvait être roulé dans la farine, il s’était résolu à se faire le grand boxeur du régime, tapant sur tout ce qui bouge à l’opposition, dans les médias et dans la société civile. Il mettait alors ses « muscles » que lui donnait l’Intérieur au service de son régime, marchant sur tout ce qui résiste pour anéantir toute contestation et rassurer ainsi le Boss de son utilité à la stabilité de son règne et peutêtre pouvoir compter sur le devoir de gratitude de celui qu’il servait tout en détruisant son image de présidentiable qu’il aurait pu mieux soigner. Il a conscience qu’il y a beaucoup de pavés sur sa route. Peut-être même que dans la perspective du Tazartché rose, il aura compris qu’un intrus, pourrait aussi lui jouer de sales tours quand, le Lion fatigué du pouvoir et qui voudrait quelque repos mériter, pourrait être ensuite tenté par le désir de passer la main à un héritier biologique, à un fils qui est resté dans les arcanes du pouvoir pour regarder comment un père a pu « commander » les Nigériens même quand ils semblent ne pas vouloir de sa gestion.
Bref, cet audio est une alerte. Il revient aux Nigériens de décider. L’oligarchie ou la démocratie ? Un adage du terroir avertit que c’est dès le temps des conquêtes que l’on évite de tomber dans la servilité. Au peuple de décider !
AI
13 juin 2018
Publié le 28 mai 2018
Source : Le Canard en Furie