Une langue née après un long combat pour s’imposer comme outil de travail et de communication universelle.
Pour faire l’historique de cette langue, rappelons que c’est un français géographe et écrivain, ancien militaire (zouave) du nom de Onésime RECLUS, né en 1837 et mort en 1896, qui inventera le mot francophonie.
Mais, c’est plus précisément en 1962 dans un numéro de la revue « Esprit » que le mot est entré dans le dictionnaire comme communauté d’intérêt et diversité culturelle.
Ce combat pour faire du français, plutôt de la langue française, une langue officielle et de travail dans nos Etats a évolué par étapes et surtout par un douloureux enfantement.
Déjà, en France, il a fallu écarter des dialectes non sans sacrifices et luttes pour arriver à un consensus. Nous avons encore, de nos jours, les basques, les corses et les bretons qui réclament toujours leur appartenance à leur patrimoine : langues et cultures.
Une langue appartient d’abord à une communauté, à un peuple et à une nation.
La langue, tout comme la monnaie, sont les vrais socles de souveraineté. C’est pourquoi, en Europe, on a voulu doter les nations des langues écrites pour faire passer le message chez nous par un détour colonial. La langue donne une visibilité et une envergure universelle.
Elle s’impose à ceux qui l’apprennent et la pratiquent pour casser des barrières en créant un climat de confiance. Ce moyen de communication est indispensable pour construire ensemble un projet de société. C’est un outil de développement aussi. Une langue permet aux institutions de fonctionner correctement dans la transparence. Elle crée l’unité et stimule l’amour autour d’une nation.
Pour nous qui avons été colonisés, donc francophones, elle a renforcé le quota de la France (Le général de Gaulle le rappelait) et son influence dans le monde (voir les guerres coloniales auxquelles l’Afrique a dédié toute la fleur de sa jeunesse). Ce qui a permis de battre un ennemi comme Hitler et sa horde sauvage, jusque sur le sol ennemi allemand.
Aujourd’hui, nous pratiquons le français comme langue officielle et de travail, au détriment des nôtres, nombreuses et riches.
Il faut d’ailleurs reconnaître que nous, peuples d’Afrique colonisés, sommes plus enclin à la parler et à prendre soin d’elle afin qu’elle survive dans le temps et dans l’espace. Nos Etats sont plus peuplés que la France et le Canada (le Québec français), ce qui renforce l’évolution d’une langue, notre patrimoine commun. De la colonisation à l’indépendance, nos Etats ont servi cette langue dans nos pays aussi bien dans les hémicycles que les amphis.
Enfants des pays colonisés, nous avons chanté la Marseillaise autour du drapeau tricolore en direction de la mère patrie, la France, généreuse et belle.
Nous avions aussi le 14 juillet, vendu des bleuets de France, en ce jour de Fête Nationale en criant nos ancêtres les gaulois. Nous sommes devenus français à la suite du partage de l’Afrique en 1885 à Berlin. Ce que le Professeur nigérian, Wolé SOYINKA, a appelé « le partage du caviar autour d’une table les grandes puissances ».
La suite, nous la connaissons pour avoir été des sujets français.
Notre continent divisé en micros Etats devenait une possession coloniale. Ce fut ainsi pendant au moins un siècle.
Un acte qui va formaliser le droit des puissances coloniales à disposer de notre continent, parfois, français, sinon anglophone ou lusophone.
Au fil du temps, il a fallu, colonisation oblige, trouver un cadre à ce qui est devenu notre langue officielle, celle de travail, qui nous permet d’être sur l’échiquier international.
Tous petits à l’école primaire déjà, on nous a initiés au symbole pour ne parler que cette langue en oubliant les nôtres.
Mais, nos indépendances étant acquises, il fallait créer un cadre pour donner à cette langue de Molière et de Malraux un accent universel.
Il a fallu beaucoup de rencontres et parfois des conférences et même des sommets pour donner à cette langue la place privilégiée qu’elle occupe dans le monde.
En effet, 1950, après la deuxième guerre mondiale, des efforts incessants ont été fournis pour donner un cadre à la langue française.
C’est en 1950 que fut créée l’Union des Journalistes de la Presse de Langue Française (UJPL), devenue en 2001 l’Union des Parlementaires Français.
1960, les futurs pays indépendants, qui étaient au nombre de 13, s’étaient dotés d’une Constitution dite « Constitution de la Communauté Francophones ». Puis, une conférence des ministres de l’Education va créer l’Association des Universités Françaises.
1965, Paris reconnaît le partage de la langue française dans un programme.
1966, une rencontre à Madagascar à Tananarive, va créer l’Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM) qui aura longtemps son siège à Bangui en Centre Afrique. M. Issa Boubé était le représentant permanent du Niger.
Les rencontres francophones s’alterneront et en 1967 verra le jour l’Association des Parlementaires de la langue française (APLF).
Nos pays vont toujours se retrouver à travers les ministres des Sports et de le Jeunesse pour créer la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports – la CONFSS. Notre pays a été représenté Soumana MAROUNFA, Inspecteur et Directeur de la Jeunesse du Niger.
Le Niger, pays hôte et Niamey, berceau de la francophonie
Le Niger a toujours été au cœur de toutes les tractations qui ont permis d’aboutir à la naissance de cet espace francophone.
En effet, nous devons retenir que si l’OUA est née à Addis-Abeba en Ethiopie, la francophonie a scellé son destin au Niger, à Niamey, avec comme père fondateur, le Président Diori, hôte qui accueillera le sommet. Les autres pères fondateurs sont: Senghor, du Sénégal, Bourguiba de Tunisie et le Prince Sihanouk du Cambodge.
L’année 1969 sera celle qui va permettre de déclencher le processus de la création de la francophonie. Tout a commencé par un long entretien téléphonique entre le Général de Gaulle et le Président nigérien Diori Hamani à propos de cette langue française.
Monsieur Diori Hamani recevra André Malraux, ministre français de la Culture à Niamey à l’Assemblée Nationale. Pendant 2 jours, ils tiendront la première Conférence Internationale en présence de nombreuses personnalités africaines. A cette rencontre, les Présidents Senghor et Bourguiba enverront des messages pour donner leur accord et leur adhésion à cet ambitieux projet.
La Francophonie, espace de solidarité, d’échange et d’équité
En 1970, à Niamey, étaient présents 21 chefs d’Etat et de Gouvernement francophones. En effet, les pères fondateurs : Diori, Senghor, Bourguiba, Norodome Sihanouk avaient travaillé d’arrache pied pour retenir la date du 20 mars, date anniversaire de la naissance de ce qui deviendra plus tard le véritable espace francophone – une espace historique, culturel et de développement.
En 1971, à la Conférence d’Ottawa au Canada, le Président Diori prononcera une importante allocution dont les murs de la salle retiennent encore les échos tant il était écrit et lu en très bon français. Ce discours retentit toujours au Canada, tant le Président Diori avait été le moteur de cet espace francophone qui fait la fierté et le bonheur des citoyens dont les Etats sont membres de l’organisation internationale de la francophonie.
Le Niger a participé à cet espace francophone depuis sa création.
A ce titre, il faut rappeler que le président Diori, instituteur de son état, a été aussi parlementaire au Palais Bourbon à Paris, au même titre que ses collègues africains Senghor et Houphouët pour défendre les couleurs françaises.
Instituteur de brousse, au fin fonds de l’Afrique, il a enseigné la langue française pour créer cette synergie entre les peuples.
Plusieurs de nos compatriotes, ont occupé des postes au niveau de l’ACCT. Il s’agit du professeur Dan Dick Dan Cloudo, ancien ministre de l’Education, Monsieur Illa Salifou, les professeurs Hamidou Harouna Sidikou et Kalla Karimou, et l’actuel ministre de la communication, Dr Labo Bouché, également ancien ministre de l’enseignement supérieur, c'est dire que notre pays a brillé par une représentation qualitative.
J’insiste sur les mots solidarité, partage et équité pour des raisons évidentes.
Je me rappelle qu’étant à l’époque conférencier à l’Institut d’Etudes de la Francophonie et de la Mondialisation – Université de Lyon III, lors d’une rencontre avec le président de l’OIF, M. Diouf, j’avais, en tant que citoyen francophone, insisté pour qu’une institution de cet espace, soit dédiée à la mémoire du Président Diori, l’un de ses illustres pères fondateurs.
La raison est toute simple : le président Senghor s’est vu dédiée l’université d’Alexandrie en Egypte tandis que le président Bourguiba s’est vu attribuer un boulevard à Paris parce que le maire, Monsieur Delanoé a fait ses études à Tunis.
Cependant, quant à moi, j’interpelle les autorités francophones qui n’ont pas eu une pensée, pour ce grand francophone que fut Diori.
Aux dernières nouvelles, l’Institut d’Etudes de la Francophonie est devenue la chaire Senghor.
Mais dans tout cela, où est la part et la place du Niger dans cet espace auquel nous avons contribué, nous nigériens, à inventer pour mettre à la disposition des citoyens francophones ?
Où est la place de Diori et que devient sa mémoire ?
Mais, pour faire bonne mesure, j’interpelle tous les régimes, et gouvernements nigériens puis africains, qui ont laissé le vide se créer autour d’un homme qui a tout donné à la langue française au point d’être oublié.
Nous avons partagé l’histoire, si douloureuse d’ailleurs, nous avons aussi partagé les honneurs dans cette communauté de destin.
C’est l’histoire seule qui est responsable de notre appartenance à cet espace francophone devenu notre patrimoine.
Alors, si cela est un oubli, il faut que nous le réparions pour remettre l’histoire à l’endroit.
Voilà cette réflexion que j’ai voulu mettre à la disposition de tous les francophones et de toutes les bonnes volontés dans le monde afin que justice soit faite – une réparation n’est jamais de trop. Car il ne faut jamais oublier qu’une langue ne résiste que si elle continue d’être pratiquée.
Sinon, si elle ne meurt pas, elle va s’assécher.
Ce que nous ne voulons pas pour notre langue, ce français qui nous colle à la peau.
Abdoulaye HASSANE DIALLO,
Docteur en Sciences Politiques, Journaliste
Ecrivain, Conférencier, Spécialiste de l’Afrique
Ancien Maire au Niger, ancien chargé de mission du Premier Ministre du Niger,
Ancien Directeur du Nigérien de l’Extérieur
Ancien conseiller du Président de la République du Niger
Contrôleur Général de l’EFOPPRIMES à Niamey