Dans ce cas, est ce que tous les propriétaires de ces magnifiques et grandes maisons, mini palais aux toits bleus ou rouges (couleur de la tôle) sont tous des voleurs passibles d'être réprimés ? Non pas forcément. Tout le monde ne peut pas être voleur pour contredire un peu les propos du président du PNA Al Ouma, mais beaucoup le sont probablement. A l'entendre, si on est nigérien, on est un potentiel voleur. Il parle certainement en connaissance de cause. Pourtant, comme pour lui donner raison, les maisons ne font que fleurir à Niamey. Les terrains ne font qu'être achetés à bras le corps. De vieilles bâtisses sont payées à cout de centaines de millions pour être démolies et à la place, des immeubles pousseront tels des champignons. Où trouvent t ils l'argent ? A en croire les autorités en charge de la question financière, le trésor est vide, très vide même. Il y'a dans ce cas, un problème car il n'y a jamais eu autant de signes de richesses extérieures dans certains quartiers que maintenant. Où trouvent t il donc l'argent ? La réponse la plus plausible, la plus facile est qu'il ne peut s'agir que du résultat d'activités illicites (commissions, bakchichs, dé- tournements, blanchiment d'argent etc.). Mais dans ce cas, pourquoi ne sont ils pas réprimés ? Ils ne sont pas réprimés parce que peut être, leurs patrimoines ne proviennent pas d'un enrichissement illicite. Mais pour cela, il eut fallu que les structures intervenant dans la lutte contre l'enrichissement illicite, les trafics d'influence, la corruption et les infractions assimilées aient investigué et rendus leurs conclusions. On dénombre comme structures ou parties prenantes de la lutte contre l'enrichissement illicite, le Ministère de la justice, la Halcia, la Cour des comptes, le Centif, l'agence de régulation des marchés, l'inspection géné- rale, la société civile et bien d'autres.

En dépit de l'existence de ce cadre, avons-nous aujourd'hui des exemples patents de personnes incriminées, et écrouées pour enrichissement illicite et dont les biens ont été retournés à qui de droit ? Non. De temps en temps, des annonces sont faites avec fracas sur les médias. Avec la halcia, Maï Boulala, la justice, la question aurait pu être réglée. Elles y travaillent certes, mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs qu'ont suscités ces institutions. Il est fréquent de constater qu'une personne interpellée, emprisonnée pendant plu sieurs mois, ressorte par la suite et reprenne le cours de sa vie avec le même niveau ou mieux car, pendant qu'il était au frais, sa famille a su fructifier l'argent. Aberration donc! Comment comprendre cet état de fait ? S'il n'y a pas de sanctions fortes, s'il n'y a pas de répression objective et indépendante de la lutte contre l'enrichissement illicite, qu'est ce qui dissuadera les nigériens à ne pas être tentés par la facilité de l'enrichissement illicite ? Tout le monde voudrait bien avoir les maisons, les voitures, les " femmes ", le bien être, mais tout le monde n'a pas cette opportunité. Il suffit d'être nommé à un poste de responsabilité pour qu'en deux temps trois mouvements, que le Monsieur fasse ' un ventre', pour qu'il prenne ' de grands airs', pour qu'il change d'amis, pour qu'il soit propriétaire de plusieurs immeubles et roule dans de magnifiques bagnoles 'dernier cri'. Un peu de quand même, tout de même mais malheureusement, c'est courant à Niamey et çà tarde à changer parce qu'il existe des freins à la répression de l'enrichissement illicite.

Le premier frein est bien évidemment l'absence de sanction manifeste et donc par ricochet, rien qui puisse empêcher l'autre de ne pas emprunter également cette voie tellement tentante de l'enrichissement illicite. Et puis, si même sanction y'a, on a l'impression à tort ou a raison qu'elle prend des allures de règlements de compte entre ceux qui sont au pouvoir et ceux qui ne le sont pas. C'est pourquoi, il arrive régulièrement que l'on entende parler de répression sélective. L'on comprend davantage la transhumance politique à l'instar du cas de Monsieur Zakeye pour ne citer que son cas.

Cependant, l'absence de sanction peut être due non à pas une absence de volonté mais plutôt, à la lenteur récurrente du fonctionnement de la justice.

Il y'a bien évidemment, les freins culturels qui peuvent entraver le bon fonctionnement de la justice. Au Niger, tout le monde est cousin ou ami du frère ou du cousin de quelqu'un, ou est marié à la sœur de un tel. Tout ça, pour dire que lorsque quelqu'un est suspecté d'enrichissement illicite ou d'une manière générale, toute infraction, immédiatement le PACA (parents, amis, connaissance et alliés) se met en branle pour trouver la porte qu'il faut " taper " pour pouvoir aider leur parent suspecté d'enrichissement illicite. Il n'est pas dit qu'ils auront gain de cause, mais le PACA essaiera toujours et toujours, pensant que tout le monde a un prix. Il suffit juste de trouver le bon prix pour ' corrompre'. C'est déplorable, en effet, mais c'est comme que ça fonctionne. Quitte aux fonctionnaires et auxiliaires de la justice de prendre sur eux afin que " ces pressions culturelles " n'entrave ni leur indépendance, ni leur objectivité.

Aussi, il n'y pas que des freins qui retarde les actions de la lutte contre l'enrichissement illicite. Des gages de réussite qui, s'ils sont opérationnels peuvent modifier totalement la visibilité actuelle de l'action de la lutte contre l'enrichissement illicite. Pour exemple, l'existence d'un dispositif sûr de protection des dénonciateurs est un élément qui peut booster sensiblement les enquêtes. Comment ? Par la préservation de leur anonymat ; en les rassurant quant à leur sécurité et en veillant à réduire au maximum les risques de représailles qu'ils encourent pour avoir coopérer à la lutte contre l'enrichissement illicite.

Pour finir, pour que la lutte contre l'enrichissement illicite soit une réalité, il faut des moyens. Par moyens, s'entend d'abord la volonté politique car sans cette volonté, il ne peut réellement avoir de lutte efficace. La déclaration de biens est une pratique qui gagnerait à être étendue à tous. Aussi, sans des ressources humaines capables, intègres, engagées et fortes en nombre suffisant et suffisamment rémunérées afin qu'elles soient à l'abri de toute 'tentation' et qu'elles puissent être même de gérer les pressions qui fuseront de toute part, la lutte contre l'enrichissement illicite serait vouée à l'échec. Fort heureusement, l'arsenal juridique existe et est entrain d'être amendé pour qu'il soit davantage opérationnel. L'espoir est donc permis.

23 avril 2017
Source :  L'Eclosion