Le sentiment qui se propage est celui d’une dégradation générale du moral des Nigériens. Dégradation qui résulte des difficultés multiformes du quotidien, de l’absence de perspectives et de la perte de confiance dans la classe politique dans son ensemble. Les différentes affaires relayées par la presse ternissent l’image du pays et sèment le trouble dans l’esprit du Nigérien. Il est temps que soit mis fin à la cacophonie actuelle autour de ces affaires et vous êtes le seul en mesure de le faire en vous adressant de manière solennelle aux Nigériens pour les rassurer sur la bonne tenue des institutions de l’Etat et en rappelant les principes de base qui garantissent la cohésion nationale et la stabilité du pays.
La situation qui prévaut actuellement au pays et le contexte international justifient amplement une action vigoureuse et symbolique pour rassembler les Nigériens et les amener à se retrouver sur l’essentiel c'est-à-dire autour des fondamentaux vitaux qui constituent l’armature de notre pacte national. En tant que premier magistrat du pays, garant de son unité et comptable des intérêts supérieurs de la nation vous êtes fondé a prendre toutes mesures qui vous paraitraient nécessaires à l’apaisement et au maintien de la cohésion nationale. Ainsi il relève de votre autorité de prendre toute initiative susceptible de faire baisser les tensions inutiles à l’origine des crispations qui entravent l’action politique. La Constitution de notre pays vous donne la possibilité de prendre des mesures exceptionnelles que justifie un contexte particulier pour l’intérêt du pays.
Monsieur le président, ce qui vient de se passer en France avec l’élection d’Emmanuel Macron pourrait être perçu comme une respiration démocratique susceptible de nous faire réfléchir à la situation de notre pays. Quand un peuple bouscule l’ensemble du paysage politique pour rappeler à l’ordre sa classe dirigeante et l’amener à se recentrer sur l’essentiel, cela devrait nous interpeller eu égard aux crispations persistantes entre votre gouvernement et l’opposition. La raison et l’intérêt supérieur du pays devraient, plus que jamais prévaloir pour ramener cette paix sociale nécessaire pour faire face aux autres difficultés que connait le pays. Les Nigériens attendent de vous une action déterminée contre l’insécurité à nos frontières et contre la menace de famine qui se précise. Une menace dont l’ampleur apparait sous-estimée au regard des nombreux cris d’alarme qui émanent de nos différentes régions. La lutte implacable contre la corruption gagnerait en efficacité et en crédibilité si elle commençait par une moindre indulgence à l’égard des plus hautes autorités de l’Etat qui ont un devoir d’exemple en la matière.
Monsieur le président, cet appel que nous vous lançons se place dans la continuité des analyses que nous faisons régulièrement pour contribuer à une meilleure compréhension des évolutions et des enjeux politiques de la vie de notre pays. Comme nous l’avions à maintes reprises écrit dans nos différentes contributions il nous semble indispensable que vous sortiez de votre réserve actuelle pour réaffirmer les priorités nationales en vous mettant au-dessus de certaines considérations partisanes et ne privilégiant que l’intérêt supérieur du pays.
Le souhait que nous exprimons à travers cet appel nous semble assez partagé par nombre de Nigériens soucieux du bien-être de nos populations et de l’avenir du pays. Plusieurs voix se sont exprimées ces dernières semaines pour aller dans ce sens
En cette période où nous célébrons les vertus de la concorde nationale, il nous a semblé opportun que l’esprit de réconciliation s’étende aussi à la classe politique et qu’une main tendue à l’opposition pourrait désamorcer les tensions préjudiciables à l’efficacité de l’action gouvernementale. Un geste magnanime qui serait considéré par les Nigériens comme une humilité et comme un sens de grandeur à l’endroit de ces citoyens « égarés» dont le sort dépend désormais de votre seule responsabilité et de la hauteur d’esprit inhérente au mandat que le peuple vous a confié. D’autant plus que nous sommes un peuple tolérant, musulman, qui pardonne, et qui se souvient des gestes magnanimes des hommes d’Etat à qui il a confié son destin. Les exemples sont là mais il ne nous revient pas de les énumérer ici puisque les Nigériens les reprennent souvent en chœur dans leur mémoire collective, pour ne jamais oublier.

Lyon, mai 2017

Abdoulaye HASSANE DIALLO, politologue
Abdoulahi ATTAYOUB, consultant