Quand les membres de Nigérien Cyber Citoyen veulent intervenir, ils contactent le chef de quartier et le groupement de jeunes de ce même quartier. Ils tentent de les sensibiliser, pour qu’au niveau local, les populations puissent s’impliquer. L’idée est que soit créée une veille par les riverains pour que ces problèmes de pollution et de laisser aller soient résolus sur la zone d’intervention. Ce système fonctionne, et il est rare que la plate-forme doive intervenir de nouveau dans un endroit où ils ont mené une action auparavant. Bref, après la prise de conscience, les riverains s’impliquent.
Selon Tamimoudari Noma, l’un des fondateurs de Nigérien Cyber Citoyen, le principal obstacle à leurs actions réside dans un préjugé : les habitants de Niamey ne se sentent pas propriétaires de leur ville, ni même de leurs concessions, de leurs maisons. Selon le jeune ingénieur, c’est un réflexe assez nigérien de tout attendre des autorités, de se dire : « Cela ne me concerne pas, on a élu des personnes, c’est à elles de faire les choses ». Selon lui, la notion de bien commun est trop peu développée à Niamey.
Des centaines d’ONG font de la sensibilisation au Niger, des millions d’euros sont déversés pour des programmes de lutte pour le respect de l’environnement, mais les résultats restent très mitigés selon Tamimoudari Noma de Nigérien Cyber Citoyen. « Le changement ne va pas venir de l’extérieur, cela va venir de la population. C’est notre rôle de changer les réflexes citoyens. C’est un travail de long terme. » La principale source de financement de la plate-forme consiste en des petites cotisations des membres. Il n’y a pas d’apports extérieurs. La diaspora nigérienne à l’étranger leur envoie parfois également des petites sommes, ou bien du matériel qui est utilisé lors des actions.
La lutte contre l’insalubrité n’est qu’un début. Selon l’un des membres de l’association, « si les gens font leurs besoins partout ou jettent des ordures n’importe où, c’est parce que trop de les gens voient la démocratie comme un système où chacun est libre de faire ce qu’il veut. Et les autorités sont très laxistes, il n’y a pas de sanctions pour l’incivisme. » C’est pourtant une question de santé : les sacs plastique qui jonchent les rues sont autant de bassins de rétention de l’eau, gîtes favorables aux moustiques, source du paludisme, première cause de mortalité dans le pays. Les sacs en plastique s’accumulent fréquemment dans les canaux d’évacuation et provoquent des inondations à répétition. Sans compter les nombreux décès d’animaux (moutons, chèvres, volaille), après ingestion de matière plastique.
Un coopérant japonais qui réside à Niamey pour quelques mois a découvert Nigérien Cyber Citoyen sur les réseaux sociaux. Il a décidé de donner un coup de main en faisant fabriquer à ses frais des pinces (selon un modèle existant au Japon) pour ramasser les déchets. Parmi les riverains figurent de nombreux nouveaux habitants de Niamey. Ces « ruraux urbains » participent aux actions. Selon l’ingénieur Apollinaire Tini, « leur créativité contribue vraiment à résoudre les problèmes de déchets. Ils établissent, par leur capacité de recherche de solutions, de nouvelles formes d’organisations sociales qui sont basées sur la solidarité et la défense de l’environnement. »
Selon Inna Karanta, une des fondatrices de Nigérien Cyber Citoyen, l’autre problème principal c’est la mobilisation. « Il y a 15 000 personnes qui aiment notre page Facebook. Quand nous publions un appel pour une action, les gens commentent, sont d’accord, mais souvent nous nous retrouvons sur place avec à peine 40 ou 50 personnes. C’est notre talon d’Achille. Sans oublier que certaines femmes ne peuvent parfois pas venir à cause des traditions : les hommes ne veulent pas que leurs femmes participent. »
Certains membres de la plate-forme pensent qu’à un moment il faudra que les autorités imposent le respect de l’environnement, du code de santé publique et de l’hygiène publique pour que les choses avancent plus vite à Niamey. Ils prennent comme exemple le port de la ceinture de sécurité dans les voitures, qui a été imposé il y a deux ans. Mais ils ajoutent des mots qui valorisent l’implication de chacun sur le terrain : « S’approprier les choses communes, c’est important. C’est cela être citoyen. Il faut plus d’instruction civique, moins de politique. »
Les déchets en plastique récoltés lors des actions Nigérien Cyber Citoyen sont livrés à la branche environnement de Niger Lait. Cette société recycle les sachets plastiques et les transforme en pavés. Ces pavés sont utilisés comme revêtement de certaines places publiques et de rues de Niamey. Car ils sont plus résistants et plus durables que le bitume !
Ce dimanche, autour du vaste stade, une cinquantaine de grands sacs ont été remplis, principalement de sacs et détritus en plastique. Des actions de médiation ont également été menées auprès des riverains toute l’après-midi, avec pour mot d’ordre le lien entre le respect de l’environnement, la lutte contre l’insalubrité, donc le santé de tous, et puis le civisme.
17 avril 2019
Source : http://www.solidarum.org/