Le président de la République, Chef de l’Etat, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, M Mohamed Bazoum, a présidé, hier au centre Mahatma Gandhi de Niamey,  la rentrée judiciaire solennelle 2022-2023, couplée à la rencontre annuelle des magistrats. Cet événement organisé sous l’égide du ministre de la Justice Garde des Sceaux, M Ikta Abdoulaye Mohamed, porte sur le thème « Rôle de la Justice dans la construction d’un Etat de droit ». Tous les responsables des corps constitués étaient présents à cette rentrée judiciaire solennelle à laquelle le Premier Mégistrat accorde un intérêt tout particulier. (Lire l’intégralité du discours du Président Mohamed Bazoum à cette occasion).

La rentrée judciaire est une tradition ancienne des Etats démocratiques, soucieux de l’Etat de droit et de la Justice pour les citoyens. Mais cette tradition a perdu quelque peu de son lustre depuis longtemps au Niger. Et pour cause, de mémoire de l’ensemble du corps judiciaire et des acteurs de la Justice, la dernière rentrée judiciaire solennelle au Niger remonte à 2004, soit dix-huit (18) ans d’intéerruption. Les différents intervenants ont relevé cet état de fait non seulement pour le besoin de l’histoire mais aussi pour souligner toute leur satisfaction de voir enfin renaitre de ses cendres cette tradition judiciaire annuelle unique qui réunit autour du premier Magistrat l’ensemble des chefs de juridictions.

Au cours de la cérémonie de la rentrée judiciaire solennelle le bâtonnier du Niger, le Secrétaire général du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger SAMAN, le Premier président de la Cour de Cassation  et le ministre de la Justice se sont successivement  relayés au podium.

Précédant le Président de la république, le ministre de la Justice, Garde de Sceaux, M Ikta Abdoulaye Mohamed a souligné que la rentrée judiciaire solennelle  est venue rompre une longue période de léthargie de cette tradition pourtant consacrée et qui est une occasion pour dresser le bilan  des activités de l’année écoulée tout en permettant de dégager les perspectives. Le Garde des Sceaux a évoqué les critiques dont fait l’objet la justice nigérienne malgré l’amélioration connue ces dernières années grâce à des réformes mises en œuvre mais aussi aux progrès réalisés pour rapprocher la justice du Justiciable. Il s’agit notamment de la création de nouveaux tribunaux mais aussi de la formation des nouveaux magistrats et le recrutement des greffiers qui ont été intégrés dans le corps, améliorant sensiblement de facto le ratio Magistrat/habitants et Greffiers/Habitants. S’agissant de traitement des affaires, le ministre a souligné que beaucoup d’efforts et de moyens ont été fournis pour accélérer les procédures mais aussi pour améliorer les conditions de détentions dans les 43 maisons d’arrêt dans lesquelles sont détenus environ 13000 pensionnaires, parmi lesquels on dénombre hélas plus de 8000 prévenus. Mais le ministre a déploré le sous financement du secteur de la Justice depuis plusieurs années tout en soulignant que la dynamique s’est inversée avec le rehaussement progressif du budget alloué à son département et le démarrage d’un plan de réhabilitation et ou de construction des infrastructures, ce qui présage d’une amélioration substantielle de l’offre et des conditions de détention.

Quant au Premier Président de la Cour de Cassation, M Abdou Dan Galadima, il a expliqué que le thème de la rentrée judiciaire se justifie amplement expliquant qu’il s’inscrit dans la droite ligne des objectifs de leur institution judiciaire à savoir  la Justice et l’Etat de droit, deux éléments indissociables qui n’existent que lorsqu’ils s’appuient sur les institutions judiciaires indépendantes, impartiales et disposant des moyens nécessaires à leur fonctionnement. En concluant son propos, le Premier Président de la Cour de Cassation a indiqué, comme ses prédécesseurs, que la Justice nigérienne a besoin des moyens pour jouer pleinement son rôle.

Par Zabeirou Moussa(onep)

Lire ci dessous >>>> Le Discours prononcé par le Président de la République à la cérémonie officielle de la rentrée judiciaire 2022-2023 : «J’en appelle au sens de responsabilité de chaque maillon de la chaîne judiciaire (…) à s’investir davantage pour mettre fin à certaines pratiques qui n’honorent pas notre système judiciaire»

 
   

 

Discours prononcé par le Président de la République à la cérémonie officielle de la rentrée judiciaire 2022-2023 : «J’en appelle au sens de responsabilité de chaque maillon de la chaîne judiciaire (…) à s’investir davantage pour mettre fin à certaines pratiques qui n’honorent pas notre système judiciaire»

Monsieur le Premier Ministre ;

Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux ;

Messieurs les Présidents des Hautes juridictions ;

Messieurs les présidents des institutions de la République ;

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;

Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps Diplomatique et des Organisations Internationales;

Mesdames et Messieurs les Magistrats ;

Madame et Messieurs les Présidents des Ordres des professions judiciaires ;

C’est pour moi un réel plaisir de présider ce jour, la cérémonie officielle de la rentrée judiciaire 2022-2023 placée sous le thème : «le rôle de la Justice dans la construction de l’État de droit».

Mesdames et Messieurs,

Le programme politique sur la base duquel, le Peuple nigérien m’a accordé sa confiance pour présider aux destinées de notre pays fait une place de choix à la gouvernance juridique et judiciaire, qui en constitue la troisième dimension en matière de gouvernance après la gouvernance sécuritaire et la gouvernance politique.

Je me suis engagé à travers ce programme à apporter des réponses aux principaux défis auxquels notre justice est confrontée, en en faisant une justice de qualité, plus efficace, plus équitable et plus accessible au citoyen. Je me suis également engagé à lutter résolument contre la corruption en milieu judiciaire

Mesdames et Messieurs,

Dans l’architecture juridique de notre Etat, la justice constitue le 3ème pouvoir. Elle est le principal régulateur de l’Etat de droit. Chez l’homme l’aspiration à la justice a été un sentiment permanent. Il date de la nuit des temps. Toutes les théories politiques ont mis l’idéal de justice au cœur de leur projet.

C’est pour cette raison que dans toutes les disciplines normatives qui règlent, d’une façon directe ou indirecte, l’action à l’égard d’autrui, que ce soit le droit ou la philosophie politique, la morale ou la religion, la Justice constitue une valeur centrale, la valeur qu’on invoque quand il s’agit de qualifier un acte, une règle ou un comportement.

En restant exclusivement au niveau de l’acte, de la manifestation d’une volonté, on qualifie de juste ce qui est conforme à l’application correcte de la règle. L’idéal de justice tend, à ce niveau, à se conformer aux opérations de l’arithmétique et de la physique : on veut que les décisions justes soient conformes à une mesure ou à un calcul.

En effet, le juge attribuant à chacun ce qui lui revient d’après la loi est assimilable à un instrument qui indique le montant à payer. Le montant est juste parce que le compte est exact et que l’on ne conteste ni la justesse de l’appareil ni le prix unitaire.

Mesdames et Messieurs

Ce qui est dès lors attendu du juge, exigeant de lui qu’il soit impartial, notre constitution en son article118, l’affirme de la façon suivante : «Dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats sont indépendants et ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi». Il s’agit en l’espèce d’affirmer l’indépendance du juge consacrant ainsi le primat de sa conscience.

Mais pour que le juge soit véritablement libre et toujours apte à ne référer qu’à sa conscience pour agir, il doit pouvoir jouir d’un statut valorisé mettant son autorité à l’abri des facteurs d’influence corruptive. C’est cela que l’Etat du Niger a compris en faisant droit à bien des revendications du syndicat des magistrats. Ce qui a permis à ceux-ci de bénéficier de traitements relativement décents. Cet effort doit être poursuivi car l’investissement visant à assurer la probité du juge est un gage d’une justice sûre. Un juge jouissant de conditions confortables est un juge vis à vis duquel l’on doit être particulièrement exigeant tant sur le plan de l’éthique que du rendement.

«Le juge n’est pas au service du pouvoir qui l’a nommé, il est au service de la justice»

Mesdames et Messieurs

Pour mieux jouer son rôle dans la construction de l’État de droit, la Justice doit aussi être dotée de moyens suffisants. C’est ce que nous nous efforçons de réaliser en améliorant progressivement le budget du Ministère de la Justice.

En effet, certains efforts ont d’ores et déjà été fournis à cet égard. Mais nous avons conscience qu’ils restent encore insuffisants. C’est pour moi le lieu de remercier tous les partenaires du Niger dont l’appui au secteur de la Justice a fortement contribué à en améliorer les performances. Je les invite à poursuivre leur soutien au Gouvernement dans son effort visant à améliorer le service public de la Justice afin de réconcilier la Justice avec les justiciables.

Mesdames et Messieurs les magistrats

Comme vous le savez, le tout n’est pas pour vous de disposer d’un pouvoir, de déclarer ce pouvoir indépendant. Il y a une part d’effort personnel qui est requis et attendu de chacun d’entre vous pour que l’éthique de l’indépendance du pouvoir judiciaire revête tout son sens. C’est à ce travail sur soi que je vous appelle afin que vous assumiez pleinement votre rôle de juge, celui d’appliquer la loi, telle qu’elle est, sans autre considération.

Est juste, pour le juge, ce qui est conforme à la loi. Il n’a pas à se demander en tant que juge, si la loi est conforme à la Justice. Le bandeau qui couvre les yeux de la statue de la Justice, symbolise cette attitude désintéressée : «on juge non des personnes que l’on ne voit pas, mais des êtres qui tombent sous telle ou telle catégorie juridique».

Le juge est impartial, et son jugement doit être le même qu’il s’agisse d’amis ou d’ennemis, de puissants ou de faibles, de riches ou de pauvres. Tous ceux auxquels s’applique la même règle doivent être traités de la même façon, quelles qu’en soient les conséquences.

Le juge n’est pas au service du pouvoir qui l’a nommé, il est au service de la justice. Le juge doit toujours se servir de l’arsenal juridique pour faire régner la Justice. Et c’est dans la mesure où les juges auront réussi dans cette tâche que les Cours et Tribunaux seront respectés.

Mesdames et Messieurs

J’en appelle au sens de responsabilité de chaque maillon de la chaîne judiciaire, principalement les chefs des juridictions dans leur rôle de contrôle hiérarchique, les services de contrôle et d’inspection, tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir dans le fonctionnement de notre système judiciaire, à s’investir davantage pour mettre fin à certaines pratiques qui n’honorent pas notre système judiciaire.

Je peux citer, entre autres, la pénalisation délibérée des infractions civiles à des fins de clientélisme, le retard excessif dans le traitement des affaires judiciaires, le refus de rédiger les décisions de justice dans le délai qui sont autant des pratiques assimilables à un déni de justice.

La persistance de ces pratiques appellera de notre part des sanctions exemplaires, car nous devons nous convaincre que : sans confiance entre les justiciables et le service public de la Justice, il n’y a pas de Justice ; sans Justice, il n’y a pas d’État de droit ; et sans État de droit, il n’y aura point de développement. Dès lors, nous ne devons ménager aucun effort pour le renforcement de la Justice, gage d’un développement de notre pays.

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les Magistrats et autres animateurs de l’appareil judiciaire,

Je vous souhaite une bonne année judiciaire et vous renvoie à vos responsabilités respectives.

Je vous remercie.

Source : http://www.lesahel.org