Le Niger, à n’en point douter, est de nouveau à la croisée des chemins. Tout est incertain. Le processus électoral en cours est un marché de dupes t tout porte à croire qu’il va précipiter le Niger dans une situation regrettable. Mais les marchands de dupes n’en ont cure, l’essentiel pour eux étant de se maintenir au pouvoir, quoi qu’il advienne et quoi qu’il en coûte au Niger. Depuis des mois, sinon des années, ils ont décidé d’organiser un semblant d’élections suivant des règles qu’ils ont fixées à leur avantage exclusif, des organes de pilotage du processus électorale qu’ils ont investis par des amis, des militants, voire des parents, c’est-à-dire des personnes redevables et corvéables à merci, prêtes à proclamer des résultats électoraux préfabriqués et attendus par leurs mandataires. Mais il y a pire.
Le pire, c’est qu’en violation de la loi électorale qu’ils ont maintenue contre vents et marées, ils ont décidé, en cours de processus, de changer les règles du jeu, pour confectionner, non plus un fichier électoral biométrique, mais une carte dite sécurisée qui n’a rien de sécurisant, en réalité. Les cartes d’électeurs biométriques tant vantées ne sont plus à l’ordre du jour. Et qui en a décidé ainsi ? Ce sont les mêmes, ceux qui croient que, parce qu’ils sont au sommet de l’Etat, peuvent en imposer aux Nigériens comme ils veulent, quand ils veulent et ce qu’ils veulent.
Pour eux, les élections ne sont qu’une simple formalité d’usage pour contenter les partenaires extérieurs qui, il faut l’admettre, se fichent pas mal de la démocratie chez nous. Ce qui les intéresse, c’est que ceux qui sont au pouvoir fassent semblant en y mettant un peu de forme. Certains représentants d’organisations internationales ne se gênent même pas de savoir que les fonds alloués par eux servent à valider et à conforter une usurpation de pouvoir. La représentante résidente du Pnud ne s’estelle pas présenter, toute de rose vêtue, pour remettre à maître Souna Issaka du matériel électoral en pleine polémique sur la commission électorale ?
Au Niger comme à l’extérieur, tout le monde sait qu’Issoufou Mahamadou incarne un régime politique impopulaire et que même à coups de milliards tel que Mohamed Bazoum est en train d’en distribuer dans sa campagne électorale illégale et indécente, ils ne peuvent gagner des élections crédibles. Et si, jusqu’ici, les Nigériens ne se sont pas levés pour taper du poing sur la table et dire « ça suffit ! », c’est parce qu’ils attendent de voir l’acte de trop. Cet acte de trop, c’est cette décision saugrenue de renoncer, de façon unilatérale et pernicieuse, à la biométrie alors que la loi l’impose. C’est non seulement inacceptable, mais c’est porteur de germes de discordes graves. Les partis politiques, notamment ceux de l’opposition, les organisations de la société civile, et peut-être même certains partis politiques de la majorité au pouvoir, ne l’accepteront pas.
Maître Souna Issaka, qui ne mérite, certainement pas, d’être appelé président de la Ceni puisque l’organe qu’il dirige n’a rien de tel et ne fait rien qui s’apparente à la mission d’une commission électorale nationale indépendante, est désormais tout nu. Il ne peut prétendre être en train de mener une mission nationale. Il est dans une logique désormais comprise de tous et quoi qu’il advienne, le bonhomme- là ne démissionnera pas de lui-même. La loi électorale ? Maître Souna, tout comme ceux dont il exécute au ¼ de tour les instructions, ne s’en soucie guère. Il s’en moque éperdument.
Ayant constaté que s’ils doivent modifier la loi électorale, comme ils l’ont fait souvent avec d’autres lois pour les adapter à leurs desideratas du moment, ils vont devoir réviser 31 articles du code électoral, ce qui serait une porte ouverte à la révision des articles incriminés par l’opposition politique, entre autres les articles 8, 12 et 201, ils ont préféré la piétiner et en faire à leur guise. Car, comme la biométrie n’étant plus de rigueur, ce sont les articles 10, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 51, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 61, 64, 65, 66, 67, 177, 178 qui doivent subir une modification pour les conformer à la situation actuelle. Est-il acceptable ? NON.
Ce qui est inacceptable surtout, c’est de faire savoir qu’il n’est pas possible de faire des cartes biométriques après avoir seulement confectionné un autre type de cartes qui ne correspondent pas à ce que la loi prescrit. Ce qui est inacceptable, c’est qu’un camp politique, parce qu’il est au pouvoir, pense pouvoir fixer les règles de jeu à sa convenance et les changer lorsque, durant le processus, il se rend compte qu’elles ne correspondent plus à son bon vouloir et aux conditions jugées propices à une victoire électorale qu’il ne saurait avoir autrement. Ce qui est inacceptable, c’est qu’un candidat mène une campagne électorale fortement médiatisée par les organes d’information de l’Etat, sous le silence complice de maître Souna. En vérité, au regard du problème que pose cette affaire de cartes d’électeurs proposées, en violation de la loi électorale, il n’y a pas mille mots pour dire les choses telles qu’elles sont : Les élections vont être désormais organisées sans code électoral en vigueur, puisque vidée de ce qui en fait l’essence. Maître Souna, le Pnds et ses responsables se fichent pas mal de savoir qu’ils piétienent la loi et cela comporte des risques énormes pour la stabilité du pays.
N’est-ce dans cette logique qu’ils ont détourné les fonds destinés à la défense nationale ? N’est-ce pas dans cette logique qu’ils ont vendu l’école publique Terminus à un privé ?
N’est-ce pas dans cette logique qu’ils sont en train de vouloir imposer aux Nigériens un processus électoral désormais sans loi électorale en vigueur puisque vidée de son essence ?
Le manque de ressources financières chanté par la commission électorale ne peut d’ailleurs suffire à les mettre hors de cause dans la manigance d’un plan savamment orchestré pour se maintenir au pouvoir à tout prix. Il n’y a pas d’argent, dit-on ?
Il n’y a pas d’argent pour faire les cartes électorales biométriques tel que le commande la loi électorale, mais il y en a pour détruire des bâtiments publics et transférer les services qu’ils hébergent dans des immeubles loués à grands frais à l’Etat par des dignitaires du régime.
Il n’y a pas d’argent pour faire les cartes biométriques tel que le commande la loi électorale, mais on surfacture les marchés publics à coups de centaines de millions de francs CFA, voire à coups de milliards.
Le Niger est en danger et le processus électoral, tel que veut l’imposer le camp présidentiel, en est la cause. Ceux qui peuvent agir pour arrêter cette descente aux enfers doivent impérativement le faire avant qu’il ne soit tard. C’est en l’occurrence le Président Issoufou qui est de nouveau interpellé sur sa responsabilité.
Bonkano