On m’a rapporté que vous étiez, lundi matin, dans certains quartiers de la ville de Niamey, victimes d’inondations, notamment dans l’arrondissement communal Niamey 5 où l’étendue du désastre ne laisse aucune place au marketing politique. C’est bien que vous ayez fait ce déplacement pour constater, par vous-même, la tragédie dans laquelle baignent des Nigériens parce que votre gouvernement, pourtant averti depuis des mois sur les risques d’inondations, cette année, a dormi sur ses lauriers lorsqu’il s’agit du social. C’est bien que vous ayez fait ce déplacement car il vous aura, au moins, permis de voir, grandeur nature, l’échec patent de votre politique. Vous avez, en effet, pu prendre toute la mesure de la gouvernance antisociale que vous avez privilégiée, sur fond de dépenses de prestige, tels que ces ponts et échangeurs nullement prioritaires ou encore ces mesures fiscales qui ont contribué, depuis la loi de finances 2018, à paupériser le peuple nigérien. La preuve, depuis dix ans que vous êtes à la tête de l’Etat, le Niger, notre pays, est resté dernier dans le classement du Pnud en matière d’Indice de développement humain (IDH). Non seulement, vous n’avez pas pu matérialiser l’énorme potentiel financier dont vous avez hérité en mieux-être pour vos compatriotes, mais vous avez réussi la prouesse d’accentuer la pauvreté. Cela a été confirmé par une enquête récente de l’Uemoa dont vous ne pouvez pas douter et qui classe également notre pays au dernier rang des pays concentrant le plus grand nombre de pauvres : 75,5% de vos compatriotes sont pauvres alors que notre pays a trois fois, quatre fois, plus de ressources que des pays mieux classés.

Monsieur le “Président”

À Haronbanda, vous avez pu voir ce à quoi les fonds que vous avez investi dans des ponts et des échangeurs qui n’ont aucun caractère prioritaire au stade actuel du développement de Niamey, auraient pu servir. Or, la gouvernance, c’est d’abord une question de priorité, voire d’urgence.

À Haronbanda, vous avez pu évaluer à sa juste mesure l’étendue de vos erreurs de gouvernance. Vous en prenez la mesure alors qu’il ne vous reste plus que sept mois. Vous allez pour ainsi dire partir en laissant le peuple auquel vous avez juré de donner le meilleur, dans l’eau, l’insécurité, les détournements de deniers et biens publics, les trafics de drogue et d’armes.

Ces fonds que vous avez mis dans les ponts et échangeurs auraient pu servir à construire des digues étudiées pour la circonstance, des retenues d’eau que nous pourrions empoissonner, des haies de béton, etc. Je sais que dans nos rangs de conseillers, payés ou non, il y en a qui tendent à incriminer les populations victimes en soutenant qu’ils n’ont pas à s’installer là où ils sont, comme si l’on a toujours la possibilité d’avoir un logis là où l’on veut. La vérité est que vous n’avez pas travaillé à sécuriser votre peuple. Il n’y a pas qu’à Niamey où vous avez manqué de faire ce que vous avez à faire et pour lequel vous avez disposé de ressources plus-que suffisantes.

Monsieur le “Président”

On n’est pas dernier par hasard, comme on n’est pas premier par hasard. L’école est en faillite et l’on comprend à présent, avec la vente de l’école publique Terminus 2, les promesses sibyllines que vous avez faites, lors de votre investiture en avril 2011, à l’école nigérienne, l’ascenseur social que vous dites avoir fait de vous ce que vous êtes devenu. Pour vendre une école publique à un promoteur privé, il faut avoir un rapport tout autre que celui que vous dites en avoir avec l’école nigérienne. Belle reconnaissance ! Sous votre règne, le Niger a connu, vous devez l’accepter, un recul grave. Non seulement vous avez échoué à offrir à vos compatriotes le minimum autorisé par les ressources disponibles, mais vous avez pêché dans la politique sécuritaire. Et même lorsque l’occasion vous a été donnée de vous laver de tout soupçon dans l’affaire des fonds de l’armée, vous avez préféré louvoyer pour, finalement, imposer une démarche inappropriée à la procédure judiciaire.

Monsieur le “Président”

Je vous avais déjà dit que tout semble s’écrouler sous vos pieds. Regardez autour de vous dans quel état vous allez laisser le Niger : les secteurs sociaux de base sont malades, ce qui justifie le dernier rang du Niger dans toutes les enquêtes sérieuses (Pnud, Uemoa) ; la corruption est devenue endémique, voire, une méthode de gouvernance ; les fonds et biens publics sont détournés impunément, appauvrissant l’Etat au profit de certains individus qui ne se comptent plus autour de vous ; le trafic de drogue a si prospéré, car toléré, qu’il est devenu banal ; le banditisme armé et le terrorisme transfrontalier endeuillent quotidiennement des foyers nigériens ; l’Etat est spolié de ses biens, y compris des écoles à l’image de l’école Terminus 2, cédée à l’université suisse, … ; et à présent, les inondations qui détruisent tout. C’est le cas à Niamey et pas seulement à l’arrondissement communal Niamey 5, mais aussi à Agadez, notamment dans le village deTajajarat, à Nguiguimi, Ayorou, Téra, etc. Ah, J’allais oublier les routes ! Les deux plus grandes routes économiques du Niger, à savoir la route de l’uranium et celle qui relie Dosso à Gaya, sont toujours dans un état déplorable, occasionnant de très nombreux accidents de la route. En neuf ans, vous n’avez pas cru bon de vous décarcasser pour les refaire, mais vous avez trouvé les ressources financières, à crédit là aussi, pour construire des routes reliant des villages, notamment dans le département d’Illéla où vous êtes né.

Monsieur le “Président”

Pourquoi ne dites-vous pas à vos compatriotes la situation réelle du Niger en matière d’endettement ? Vous savez, il se raconte que vous avez tellement fait endetter l’Etat que le jour où ils apprendront ce réel, même ceux qui vous soutiennent vont regretter de l’avoir fait. Lorsque le voile noir sera levé sur la réalité sur le niveau de l’endettement actuel et l’hypothèque que vous faites ainsi peser sur les capacités d’investissement de l’Etat sur ressources propres, notamment pour les secteurs sociaux de base qui en ont tant besoin, il n’y aura plus que ceux qui ont détourné les milliards de la Défense, de la Soraz, l’aide alimentaire pakistanaise, etc., qui regretteront votre départ. À ce propos, j’ai vu que vous avez encore fait, le 27 août 2020, une levée de fonds sur le marché financier de l’Uemoa pour un montant de 27 500 000 000 FCFA que vous vous êtes engagé à rembourser le premier ouvré suivant la date d’échéance fixée au 26 août 2021 ; soit après votre départ. Les intérêts, indique-t-on, sont payables d’avance et précomptés sur la valeur nominale des bons qui est d’un million de FCFA. Mais, dans tout ça, j’ai relevé qu’il y a tout de même, dans cette situation d’incurie gouvernementale, des riches hommes qui continuent à faire confiance à un Etat dans lequel des individus détournent impunément des fonds publics destinés à la défense nationale. Sur ces 27 milliards et demi, sept (07) proviennent de Nigériens aisés. Je me suis dit que, soit, ils font partie des nouveaux riches partis de rien mais qui ont la couverture et le soutien nécessaire pour piller l’Etat, soit, ils sont inconséquents pour prêter à un Etat dont ils connaissent la réalité financière. Peut-être, comme l’avance un ami, les prêteurs sont aussi les obligés.

Monsieur le “Président”

Dans sept mois, un nouveau président vous succédera à la tête de l’Etat. Il aura beaucoup à faire pour redresser le Niger, tant votre magistère a mis en mal les valeurs de la République, de la société nigérienne, la démocratie et la justice. Ce sera un combat de titans, mais je ne désespère pas autant de mon peuple. Comme tant d’autres qui ont connu pire situation, je sais que le peuple nigérien est capable de panser ses plaies ; que les Nigériens sont en mesure de se serrer les coudes, de se donner la main pour se projeter dans l’avenir. Je sais que mon peuple, assoiffé d’unité et de justice, saura réinventer l’avenir en livrant une rude bataille contre les maux qui, sous votre gouvernance, ont ruiné les fondements de la République, de la démocratie et de la nation en construction.

Vous devez, dès à présent, le savoir. Tout sera à refaire après vous : les fondements de la République, de la démocratie, les lois, la justice surtout, absolument tout. Mais, mon réconfort pour le Niger, c’est que le boom du pétrole commencera véritablement après vous, juste après vous, ce qui sera une bouffée d’oxygène pour le nouveau pouvoir qui y puisera ainsi les ressources nécessaires pour faire face, en priorité, aux problèmes, multiples et complexes, qu’a généré votre gouvernance sur laquelle vous connaissez mon opinion.

À l’orée du changement qui s’annonce, je ne peux que formuler une prière, une seule : que Dieu veille sur le Niger et qu’il nous accorde des dirigeants plus soucieux du Niger et du bien-être de ses enfants !

Mallami Boucar