Lettre au “président de la République” : Monsieur le “Président” Un audit de fichier électoral, on le fait pour rassurer les parties prenantes. Or, ce que vous avez commandité est un conclave entre des membres liés par un même destin et des experts que vos compatriotes soupçonnent de tous les péchés d’Israël.

 Je ne sais plus par quel bout commencer, tant les évènements se succèdent, se chevauchent, s’empilent et se bousculent en fin de compte dans ma petite tête. Je retiens simplement que le Niger est profondément bouleversé par les inondations et les conséquences désastreuses sur des milliers de Nigériens dépouillés de tout, désemparés er désespérés. Tous les quartiers sans exception de l’arrondissement communal Niamey 5, Nguiguimi, Agadez, Ayorou et bien d’autres localités vivent des moments sans doute inoubliables, les eaux en furie leur ayant tout pris. Mais, on ne voit pas assez votre gouvernement qui a manifestement préféré chercher à camoufler ses échecs et ses défaillances dans une responsabilité diffuse et mal indiquée au regard de la gravité de la situation : la délégation spéciale de la ville de Niamey s’échine ainsi à apporter un minimum de réconfort aux familles sinistrées, mais il apparaît de toute évidence qu’elle n’est pas à la hauteur de la crise. Du reste, c’est une affaire nationale, une catastrophe qui doit mobiliser l’ensemble du gouvernement puisque tous les secteurs sociaux de base sont concernés. Le ministère de l’Enseignement primaire, le ministre de la Santé publique, le ministère de la famille et de la population, le ministère de l’Hydraulique, le ministère de l’Enseignement supérieur, etc. Le fait de mettre la Délégation spéciale dans l’oeil du cyclone, sans moyens apparents pour relever les défis multiples du moment, est une fuite de responsabilité que je considère grave.

Monsieur le “Président”

Vous avez donné des instructions, non pas à votre gouvernement, mais au délégué spécial de la ville de Niamey, comme si la question qui se pose est liée à un simple problème d’assainissement et de voirie. Autant par l’ampleur du désastre que par sa dissémination dans l’espace géographique nigérien, vous ne pouvez pas vous contenter de fourguer la patate chaude à la Délégation spéciale de la ville de Niamey. Et, que faits-vous, donc, des cas de Nguiguimi, d’Agadez, d’Ayorou, etc. ? Vous allez aussi donner des instructions aux mairies et délégations spéciales de ces localités pour juguler le fléau ? En fait, on ne sent pas une riposte appropriée et organisée de votre gouvernement. Votre visite sur les sites inondés de l’arrondissement communal Niamey 5 est, de mon point de vue, plus une opération de “com” que comme l’expression d’une volonté de prendre à bras le corps la tragédie qui frappe cette zone du Niger. La preuve, aussitôt après avoir instruit le délégué spécial, Mouctar Mamoudou, de prendre les dispositions nécessaires pour faire face à la situation, vous vous êtes tourné vers le sommet de la Cedeao que vous vous apprêtiez à accueillir. Comme toujours, vos compatriotes ont compris que vous avez préféré privilégier le prestige au don de soi.

J’ai bien suivi la visite du ministre de la Santé à l’hôpital national Amirou Boubacar Diallo et j’ai beaucoup apprécié. Seulement, n’ayant pas de moyen d’action, il ne peut que constater les dégâts et promettre. J’ai également suivi celle d’un de vos directeurs de Cabinet, votre fils Sani Issoufou dit Abba, qui dit avoir fait le déplacement conformément à vos instructions, mais à quoi tout ça rime en fin de compte. Qu’est-ce que cela a apporté aux sinistrés ? Pourquoi restez-vous sourd jusqu’à présent à tous ces appels qui vous convient à décaisser des fonds massifs et aides conséquentes aux familles sinistrées ? Pourquoi cet attentisme alors que la tragédie s’accentue ? Pourquoi ces actions approximatives, ce tâtonnement, alors que, pour des dépenses de prestige, vous n’avez pas hésité à faire saigner les caisses du Trésor public ? Vos compatriotes sont sidérés, à croire que vous allez finir comme vous avez commencé.

Monsieur le “Président”

Votre passage, hier matin, auprès des sinistrés de Saga, a mis un peu de baume au coeur à tous ceux qui ont tout perdu dans les inondations. « C’est bien, mais c’est pas arrivé », comme disent nos frères Togolais. Ce dont ils ont besoin, c’est la présence matérielle de l’Etat, sa solidarité agissante et sa protection en termes de logements d’appoint, d’aides alimentaires, de moustiquaires, d’habits, de couvertures, d’eau, etc. Il faut que vous gouvernement se magne et qu’il n’attende pas l’aide de la communauté internationale. C’est vrai que les sinistrés sont logés dans des écoles, mais dans un mois, c’est la rentrée scolaire. Qu’envisagez-vous de faire ? Il faut impérativement mettre un plan sérieux en oeuvre. En attendant que vous vous mettiez à la tâche, laissez-moi vous faire observer que si vous aviez investi dans le social, cette situation tragique aurait pu être évitée ou amoindrie. Ce n’est pas un reproche, c’est un constat, d’ailleurs partagé par la plupart de vos compatriotes.

Monsieur le “Président”

J’ai appris que, conformément à votre décision de faire auditer le fichier électoral, biométrique en principe, par l’Union africaine, la Cedeao et l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), que ledit audit a déjà démarré et qu’il ne regroupe que ceux qui l’ont élaboré et qui vous sont totalement acquis. Les représentants de l’opposition, qui ont pensé saisir l’opportunité de démontrer que c’est un fichier électoral truqué, n’ont pas eu cette belle occasion puisqu’ils ont été simplement interdits d’accès audit fichier électronique. C’est une signature, celle de l’aveu des soupçons longtemps entretenus par l’opposition. À qui voulez-vous finalement démontrer qu’il y a eu audit du fichier et qu’il est irréprochable ? Visiblement, l’opposition a eu raison de vous sur toute la ligne. Ce ne sont pas au terme d’élections que vous entendez transmettre le témoin à quelqu’un d’autre, mais par un jeu de passe-passe que je trouve personnellement vulgaire. Un audit de fichier électoral, on le fait pour rassurer les parties prenantes. Or, ce que vous avez commandité est un conclave entre des membres liés par un même destin et des experts que vos compatriotes soupçonnent de tous les péchés d’Israël.

Je crains fort que les Nigériens, pour cette fois, décident de ne pas se laisser faire. Des exemples qui les y invitent se passent tellement sous d’autres cieux, tout autour d’eux, qu’il y a de fortes chances que les pratiques électorales en cours ne suscitent la révolte chez vos compatriotes. Les Nigériens en ont ras-le-bol de votre gouvernance et vous le savez. N’en rajoutez pas, au risque de provoquer ce que vous ne saurez ni arrêter, ni régler au mieux. La crise électorale, je m’en doute, ne vous effraie pas. J’ignore pourquoi, d’ailleurs, puisque les crises similaires à celle qui profile à l’horizon, nul ne peut en connaître à l’avance la dimension, l’ampleur et les contours. Si, parce que chef de l’État, protégé par des soldats bien armés, vous voulez tout essayer, c’est que vous oubliez que, nous autres, vos conseillers et autres collaborateurs, sommes exposés aux périls en perspective. Il est bien vrai que personne ne sait qui est mieux protégé que l’autre. Mais, vous devez, dès à présent, vous ressaisir afin de mettre un terme à cette descente aux enfers. Certains disent que c’est prémédité, délibéré et assumé, au mépris des risques majeurs auxquels ce processus électoral truqué expose notre pays. Je commence à me demander s’ils n’ont pas de bonnes raisons de le dire.

Monsieur le “Président”

J’ai maintes fois attiré votre attention sur votre responsabilité. Je ne vous parlerai pas à nouveau de la violation des lois, marque déposée, dit-on dans certains milieux, de votre gouvernance. C’est au nom de cette marque déposée que personne ne vous dispute, que Mohamed Bazoum dit à qui veut l’entendre, que rien, ni personne, ne peut l’arrêter dans son périple électoral illégal. Il n’a sans doute pas idée ce dont Dieu est capable. Dans cette boutade de Mohamed Bazoum que des religieux considèrent volontiers comme un blasphème, j’ai cru entrevoir la conviction indécrottable de tous les existentialistes de la terre, ces hommes qui pensent qu’il n’y a de Dieu que ce qu’imaginent des ingénus.

Monsieur le “Président”

L’opposition politique rejette d’ores et déjà l’audit du fichier électoral mené sans la participation de ses représentants à un processus que la Ceni a pourtant dit vouloir inclusif. Elle dit rejeter l’audit ainsi que les résultats qui en découleront. Or, si elle rejette l’audit et ses résultats, cela suppose qu’elle rejette le fichier électoral. La conséquence que je crains est que l’opposition refuse la tenue d’élections qu’elle sait à l’avance truquées et qu’elle en demande le boycott actif à ses militants. C’est une crainte et il faut me croire, ça risque de barder pour le Niger dans ce cas de figure. Entre autres, vous avez bien vu ce que Mahamane Ousmane a soulevé comme monde à Zinder, à Magaria, bref dans son Damagaram natal. Vous connaissez la popularité de celui que vous avez dû emprisonner pour vous faire proclamer élu en 2016. Vous connaissez la force de frappe électorale d’un Ibrahim Yacoubou, notamment dans l’arewa. Si les leaders de l’opposition déclarent qu’ils n’acceptent pas ces élections telles qu’elles sont en train d’être organisées, et ils l’ont déjà fait savoir, il y a de gros nuages noirs sur la stabilité sociopolitique de notre pays. Quelque part, je dois l’avouer, je vous en veux dans la mesure où vous n’avez rien fait pour éviter que notre pays ne soit confronté à ces risques de crise électorale. Je n’ose pas dire, comme certains dans ce vaste pays, que c’est parce que vous comptez en tirer quelque dividende politique. Par contre, je ne peux que constater votre laisser-aller, attitude assimilable en droit à de la complicité passive. Que Dieu bénisse le Niger et son peuple !

Qu’Il le protège contre le mal des incrédules ! Qu’Il facilite toute entreprise de construction et d’unité des filles et des fils du Niger !

Mallami Boucar