Décidément, votre départ de la présidence se présente sous de mauvaises coutures. Des problèmes inextricables semblent vous empêcher de partir dans cette sérénité que vous avez tant souhaitée. Sérénité ? Ce bonheur, plutôt, que vous caressez de partir après avoir placé un homme de confiance qui vous veillera, par reconnaissance, sur vos arrières. Connaîtrez-vous jamais ce bonheur ? J’en doute face à l’accumulation des problèmes qui surgissent et qui trouvent leur origine dans la manière dont vous avez gouverné au cours de ces deux mandats consécutifs qui s’achèvent. Tout semble se compliquer pour vous, m’at- on dit. Je ne suis point surpris par une telle issue de votre magistère, tant j’ai connaissance des pratiques malsaines qui ont gangrené votre gouvernance. Je ne peux, ici, égrener l’interminable chapelet de vos choix et actes non recommandables, pour ne pas dire condamnables ; des faits qui ont pratiquement détruit toutes les valeurs, sociales et culturelles, politiques et démocratiques. Lorsqu’on examine soigneusement ce que vous avez été avant d’accéder à la magistrature suprême, on ne peut dire que vous avez rendu service à votre pays et à votre peuple. Pas plus que vous ne vous êtes rendu service. Outre l’échec incontestable aux plans économique, social et culturel de votre gouvernance, voilà que même le processus électoral devant consacrer votre sortie est un échec.

Il est bien vrai qu’en 2016 déjà, vous nous avez servi un vos crus en promettant des élections transparentes dont l’échec, aviezvous solennellement déclaré, serait votre échec personnel, pour, en fin de compte, nous gratifier de ce hold-up électoral qui va être inséparable de votre nom pour l’éternité de l’Histoire. Il est tout aussi vrai que depuis de longs mois, je voyais venir cet échec, tant vous avez obstinément refusé d’écouter la voix de votre peuple qui s’est éreinté à vous convaincre de vous investir, résolument et sincèrement, dans l’instauration d’un processus électoral consensuel. Vous avez même refusé de parrainer le dialogue national, une tentative ultime de rassembler les Nigériens autour de vous, dans une dynamique d’union sacrée pour des élections inclusives, justes et transparentes dans un esprit apaisé.

Ce refus, seuls les ingénus et les mauvaises fois invétérées le mettraient sur le compte de votre devoir de ne pas vous immiscer dans le jeu politique. Vous avez tant pris parti, tant étalé votre esprit partisan, sans vous préoccuper de vos obligations constitutionnelles, que ce serait improductif de vous cacher derrière un tel rempart. Sauf votre respect, vous n’avez rien à dire à ce propos. De mon point de vue, c’est toute cette volonté délibérée à vous manifester régulièrement, non pas comme le président de tous les Nigériens, mais comme celui d’un clan politique dont vous avez d’ailleurs protégé les membres contre la justice, qui vous empêche, aujourd’hui, de sortir par la grande porte.

Monsieur le ‘’Président’’

Il ne reste plus que quatre jours pour la tenue des élections locales que vous avez personnellement fixée pour le 13 décembre 2020, contrairement à la commission électorale qui a soutenu mordicus ne pas être en mesure de les organiser à cette date. Si je vous rappelle cette date, c’est parce qu’il y a un motif d’inquiétude. C’est seulement maintenant que les bulletins de vote sont en cours de production et selon des informations fiables dont j’ai pu disposer, les imprimeurs ne pourront pas livrer ces bulletins avant le 13 décembre. Le délai de six jours que la commission électorale leur a fixé n’est ni réaliste ni faisable. Les imprimeries les plus performantes de la place ont avoué l’impossibilité pour elles d’honorer le travail attendu dans un délai aussi réduit. Certaines ont d’ailleurs jeté l’éponge en rejetant l’offre qui leur a été faite. Ce qui accru la masse de travail attendue d’une imprimerie de la place qui a dû accepter, en plus de ceux de Dosso, Tahoua et Zinder, l’impression des bulletins de Niamey et de Maradi. C’est un échec retentissant ; un échec jamais connu dans l’histoire démocratique de ces 30 années post-conférence nationale. Cet échec, vous le savez, n’est pas uniquement celui d’Issaka Souna. C’est également le vôtre. C’est uniquement sous votre magistère qu’une telle situation insolite est arrivée. Même les régimes d’exception pour lesquelles vous avez peu de considération n’ont pas échoué à organiser les élections à date.

Monsieur le ‘’Président’’

Vous imaginez bien ce qu’un éventuel report de la tenue de ces élections suppose. Si nous restons dans l’ordre d’organisation de ces élections, il faut bien admettre que tout report des élections locales exigerait de repousser les dates des législatives et de la présidentielle. Une telle éventualité, non plus, n’a jamais eu lieu depuis les premières élections multipartistes au Niger.

À quatre jours de la date du 13 décembre, faut-il continuer à garder le silence ? Je crois qu’il vous revient, puisque c’est vous qui avez imposé à la commission électorale cette date pour la tenue des élections locales, d’aviser les Nigériens sur l’impossibilité d’organiser ces élections à cette date. Seulement, si vous le faites, vous devez également tirer toutes les conséquences politiques de cet échec.

Monsieur le ‘’Président’’

J’ai appris aussi que la fête tournante du 18 décembre 2020 n’aura plus lieu, cette année. Diffa devra attendre l’année prochaine, avec un autre président de la République que vous, pour accueillir la commémoration de la République. Un autre échec ! Un échec qui serait lié, paraît-il, à l’argent. Ah, l’argent ! Pourtant, vos partisans, regroupés autour de Bazoum, en dépensent tous les jours comme si l’on a affaire à des princes arabes du Golfe. D’où sortent-ils autant d’argent qui manque à la République, à l’État ? Lorsque j’ai appris la nouvelle, j’ai d’abord cru à une fausse information. Puis, j’ai constaté que des sources concordantes le corroborent. Ce n’est pas sérieux de faire ce croc-en-jambe à Diffa qui a tant besoin de cette fête pour se retrouver, croire en elle et bouter dehors du Niger la peur de vivre. Diffa ne mérite pas ces adieux moches de votre part. Mais, je sais bien que vous n’avez pas la tête à la fête.

Monsieur le ‘’Président’’

Je disais que décidément, votre départ de la présidence se présente sous de mauvaises coutures. L’affaire Bazoum, dont vous êtes à l’origine pour avoir imposé l’intéressé à votre parti, le Pnds Tarayya, a fini par empoisonner la vie nationale de la plus fatale des façons. Aujourd’hui, les juges sont pris entre le marteau et l’enclume. Ils doivent dire le droit et selon toute vraisemblance, votre poulain ne peut s’en sortir. Personne, à l’exception des Nigériens qui mettent en avant de sordides et mesquins intérêts égoïstes, ne lui voit une issue de sortie. Vous-même, vous savez que ses pièces d’état-civil sont plus que douteuses. Vouloir l’imposer alors que la Constitution l’élimine, c’est provoquer tout autre chose que des élections. Si, en plus de tous les échecs dont vous êtes parfaitement conscient, vous devez également laisser le Niger dans la chienlit, je ne sais pas quelle médaille on doit vous attribuer.

Mallami Boukar