Ce qu’on appelle désormais la ren trée politique du chef de file de l’op position, Hama Amadou, lors du congrès d’investiture d’Omar Hamidou Tchiana, président du parti Amen-Amin, a manifestement enclenché les hostilités politiques entre les deux pôles qui se disputent les faveurs des électeurs nigériens au titre des élections locales et générales 2020- 2021. Des hostilités qui vont être chaudes au regard de la “violence” des coups d’annonce. Aux accusations crues, directes et déstabilisatrices de Hama Amadou qui a dénoncé l’illégalité de la campagne du candidat du pouvoir et la volonté, manifeste de le faire passer président de la République comme lettre à la poste, ont fait écho la réplique cinglante mais quelque peu osée de Mohamed Bazoum qui dit à qui veut l’entendre qu’il ne compte pas s’arrêter parce que des gens dénoncent le caractère illégal de sa campagne électorale avant l’heure. Mieux, il souligne que ceux qui le dénoncent n’y peuvent rien et que, s’ils le contestent, ils n’ont qu’à faire ce qui leur convient pour mettre un terme à son périple électoral. Visiblement, les nombreuses piques de Hama Amadou ont fait mal, très mal puisqu’il y est pêle-mêle dénoncé l’illégalité de la campagne électorale que mène Mohamed Bazoum, mais également la collusion avec le narcotrafic et la corruption comme arme de combat électoral.

Plus qu’une réplique à Hama Amadou, le propos de Mohamed Bazoum est une gifle retentissante à maître Issaka Souna, le président de la Ceni.

Mohamed Bazoum a averti : « je ne compte pas m’arrêter et j’irai, n’en déplaise à ceux qui s’en plaignent, dans toutes les communes du Niger ». Plus qu’une réplique à Hama Amadou, le propos du président et candidat du Pnds Tarayya est une gifle retentissante à maître Issaka Souna, le président de la Ceni qui, la veille, cherchait à rassurer par voie de presse, sur la crédibilité du processus électoral en cours. Pourtant, il n’a pas levé le petit doigt pour l’enjoindre d’arrêter son périple électoral, encore moins de lui appliquer la sanction prévue par le code électoral. Un code électoral qui est violé, a indiqué le chef de file de l’opposition, par ceux qui l’ont élaboré à leur convenance. Selon l’article 91 de la loi électorale, « avant l’ouverture de la campagne, tous actes de propagande électorale déguisée, toutes manifestations ou déclarations publiques de soutien à un candidat ou à un parti politique ou coalition de partis politiques, faits directement ou indirectement par toute personne, association ou groupement de personnes, quels qu’en soient la nature ou le caractère, sont interdit. ». Pourtant, ni la Ceni, précisément interpellée sur la question, ni le ministère de l’Intérieur, n’a daigné interdire cette campagne électorale qui plombe toute communication sur la crédibilité du processus électoral.

La tenue d’élections démocratiques, transparentes et inclusives avec une Ceni véritablement indépendante et un juge constitutionnel impartial.

On peut dire que les hostilités politiques ont d’ores et déjà commencé entre la majorité au pouvoir et l’opposition politique qui entend imposer la tenue d’élections transparentes et honnêtes, gages d’une alternance à la tête de l’Etat à laquelle elle croit dur comme fer. Par delà les échanges aigresdoux que le chef de file de l’opposition et le candidat du Pnds Tarayya, les fronts de l’opposition ont créé, le dimanche 30 août, avec les organisations de la société civile, des syndicats des associations et des personnalités indépendantes, un cadre de lutte appelé CCR-Karial Mutunci Kassa, la coalition citoyenne pour la République. Ce cadre envisage de mener le combat politique nécessaire pour, entre autres, défendre la souveraineté nationale et l’intégrité du territoire, la tenue d’élections démocratiques, transparentes et inclusives avec une Ceni véritablement indépendante et un juge constitutionnel impartial. Ce cadre n’a pas encore déroulé son agenda que, sur le plan strictement politique, un autre cadre émerge des consultations entre les fronts de l’opposition.

À trois mois de la période légalement programmée, le Niger, peut-on dire, bascule subitement dans la fièvre électorale sur fonds d’invectives.

Aujourd’hui, en principe, les fronts de l’opposition vont lancer le CAP/2020-2021, un cadre de lutte politique longtemps mijoté, apprend-on. En attendant d’en savoir davantage sur les contours de nouveau cadre, il est certain que ce sera une autre occasion de s’attaquer vertement à la campagne illégale de Mohamed Bazoum et à la conduite générale du processus électoral. C’est dire que les hostilités seront rudes. À trois mois de la période légalement programmée, le Niger, peut-on dire, bascule subitement dans la fièvre électorale sur fonds d’invectives. Un climat déjà surchauffé qui laisse présager des risques majeurs de grave crise électorale. Face à un régime déterminé à gagner des élections avec des moyens et des méthodes que l’opposition dit frauduleux et qu’elle a dénoncés dans un livre blanc publié en fin juillet dernier, celle-ci est plus que jamais décidée à se battre pour imposer un processus électoral dénué de tout soupçon. Et pour le besoin de la cause, les militants se disent régulièrement prêts à en découdre avec le pouvoir.

Un régime sans aucune chance de gagner les élections de façon crédible

L’opposition, qui dit soupçonner le pouvoir de vouloir rééditer le hold-up électoral de 2016, entend ne pas l’accepter. Or, il se trouve que, au regard des scandales interminables et gravissimes dans lesquels le régime baigne, il est certainement impossible pour lui de gagner les élections. Et c’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle, depuis des années, il a interdit et systématiquement réprimé les manifestations de l’opposition et des organisations de la société civile. À ce jour, trois de ses acteurs- clés sont encore incarcérés de puis des mois pour avoir dénoncé et manifesté contre les détournements des fonds de l’armée. Pendant ce temps, les auteurs desdits détournements sont en totale liberté et jouissent des fruits de leurs larcins.

Outre cette mare de scandales dans laquelle baigne le régime, l’opposition a peut-être de bonnes raisons d’estimer que sans fraudes, le pouvoir actuel ne peut gagner Les élections locales et générales. Le contrat avec Gemalto, l’opérateur technique chargé de la biométrie est resté à ce jour inconnu des Nigériens. Sans compter que, selon des sources politiques crédibles, les cartes d’électeurs ne sont plus biométriques. Une polémique qui a tardivement fait sortir Issaka Souna pour le démentir. Sans succès !

YAOU