À deux mois des premières échéances électorales de fin de mandat, le Niger reste dans une sorte d’expectative pleine de craintes.
Et Issoufou Mahamadou, le président sortant, qui continue à chanter sur tous les toits du monde qu’il ne se présente pas à un troisième mandat à la tête de l’Etat, comme pour se tirer des glorioles. Dans la réalité, ignorée par une communauté internationale hypocrite, les Nigériens vivent un drame intérieur. La démocratie tant chantée n’est qu’un leurre et la transition démocratique dont parle à volonté Issoufou Mahamadou n’en sera sans doute pas une. Tout, absolument tout, indique plutôt que le Niger se dirige vers une crise électorale de grande ampleur. L’opposition accuse le pouvoir de vouloir confisquer les suffrages des électeurs par le biais d’une série de dispositions techniques et organisationnelles mises en place. Elle a de bonnes raisons de le croire. Rien que le contrat avec Gemalto, resté secret à ce jour est une preuve accablante contre le pouvoir en place. Le code électoral en particulier, est jugé par les spécialistes du droit anticonstitutionnel, notamment à travers l’article 8. Mais il n’y a pas que l’article 8. La nature biométrique de la carte d’électeur et du fichier électoral est remise en cause par les experts de la chose. La carte sécurisée dont il est désormais question est contraire à ce que prescrit la loi électorale. Ce qui rend inopérant le dispositif mis en place par la Ceni, déjà discréditée par sa composition qui est, dans sa majorité écrasante et dans les postes-clés, du Pnds Tarayya.
Si le système électronique par lequel la centralisation et la remontée des résultats sont faites fait sortir des résultats autres que ceux issus du terrain, la situation va nécessairement dégénérer en confrontations. Si l’opposition ne siège pas à la Ceni, elle compte toutefois contraindre le pouvoir en place à un respect strict des suffrages populaires. Elle a sans doute ses stratégies. Bien qu’il garde la haute main sur la Ceni, la Direction de l’informatique et du fichier électoral (Difeb) et la Cour constitutionnelle, il ne sera pas aisé pour le pouvoir en place de triturer les résultats issus des urnes. Le vote étant manuel et le dépouillement public, les partis et les candidats sont en possession de leurs résultats avant la proclamation officielle de la Ceni qui n’est, en réalité, qu’une simple formalité. C’est là que subsiste la grosse difficulté, ou du moins le noeud des problèmes à venir. Si le système électronique par lequel la centralisation et la remontée des résultats sont faites fait sortir des résultats autres que ceux issus du terrain, la situation va nécessairement dégénérer en confrontations. Ce sera une crise postélectorale, née d’une tentative de faire passer des résultats électoraux qui n’ont rine à voir avec ceux qui sont issus des urnes. L’enjeu de la candidature du chef de file de l’opposition est déterminant pour les deux camps politiques. La proclamation de résultats fabriqués pour faire gagner un candidat et/ou des candidats sans mérite véritable n’est pas l’unique source de crise. Dans le cas du Niger, la validation des candidatures risque d’être l’occasion d’échauffourées sérieuses. Si la candidature de Hama Amadou, le chef de file de l’opposition, est invalidée alors que tous les arguments de droit prouvent qu’elle ne saurait être recalée, cela pourrait engendrer de grandes protestations qui ne resteraient sans conséquence sur la stabilité sociale et politique du pays.
Le Niger n’est, donc, pas à l’abri d’une crise préélectorale, la question de la candidature de Hama Amadou se révélant vitale, et pour le pouvoir, et pour l’opposition. L’enjeu de la candidature du chef de file de l’opposition est déterminant pour les deux camps politiques. Si l’opposition a grand intérêt à ne pas perdre dès le départ un de ses plus grands pourvoyeurs de voix, le pouvoir sait que l’entrée en lice d’un Hama Amadou suppose une défaite électorale programmée. La bataille sera rude. Les pratiques du régime actuel ne laissant entrevoir aucune volonté de faire prévaloir le droit, il est illusoire de croire que le Niger connaîtra une fin de règne «issoufien» tranquille.
Devenu allergique au coup d’Etat militaire depuis qu’il est devenu chef d’Etat, Issoufou Mahamadou perd manifestement de vue que, coup d’Etat militaire et coup d’Etat civil se valent.
Que fait-il pour éviter à son pays la fracture sociopolitique ?
Rien, visiblement. C’est à croire qu’il tire bénéfice de la chienlit en perspective. Alors que les observateurs internationaux estiment qu’il y a urgence à anticiper la survenance de la crise en arrondissant rapidement les angles, Issoufou Mahamadou reste de marbre. Il se fourvoie plutôt dans de vains discours pour se tresser des lauriers tandis que le feu couve. Faut-il attendre que des Nigériens tombent également pour défendre et protéger leurs droits au respect de leurs suffrages pour inviter les parties à aller à la table de négociation ? Devenu allergique au coup d’Etat militaire depuis qu’il est devenu chef d’Etat, Issoufou Mahamadou perd manifestement de vue que, coup d’Etat militaire et coup d’Etat civil se valent. Tous deux ont vocation à prendre le pouvoir par des moyens non indiqués. Or, le processus électoral actuel du Niger s’apparente à un coup d’Etat civil en perspective. Les organes chargés de l’organisation sont fortement contestés du fait de la filiation politique de la plupart de ses membres au Pnds Tarayya.
Une belle bagarre en perspective
Les forces politiques et de la société civile organisées dans le cadre de la CCR (Coalition citoyenne pour la République) sont déterminées à imposer au pouvoir en place un jeu électoral clean, persuadées qu’il ne gagnerait pas les élections si elles sont transparentes. Une belle bagarre en perspective. D’ores et déjà, elles s’organisent en sensibilisant les citoyens sur leur devoir de défendre leur choix, quoi qu’il advienne. Le Niger, assurément, est sur des braises ardentes et les prochaines semaines seront chaudes au Niger.
Doudou Amadou