Dans le déni de démocratie et la persécution que les partis d’Opposition et souvent des alliés ont subis, des Nigériens n’avaient de choix que de se battre et ils avaient connu la répression barbare, la prison, la stigmatisation, le bannissement. Qui ne peut pas se rappeler ces moments de grandes tensions politiques faits d’une rare violence policière qui s’abattait sur les opposants, les journalistes, les acteurs de la société civile ? Mais, ils n’abandonnèrent pas, ils ne fléchirent pas, et dans la souffrance de la persécution, ils luttèrent, dignes.
Pendant des moments après ces empoignades, l’accalmie revint, précaire, non sans être le signe d’une paix des coeurs, car pour longtemps, ces coeurs devraient être remplis de venin, de haine, les uns pour les autres. On se rappelle d’ailleurs qu’une jeunesse était engagée, furieuse pour se battre, mais les leaders pacifistes, pouvaient contenir tant de colères débordantes, demandant aux uns et aux autres de se surpasser pour donner des chances à la paix. Malheureusement pour le pays, les socialistes se montrent inflexibles à refuser d’aller dans l’élan de paix pour civiliser des relations politiques qui se durcissent.
Aujourd’hui encore, la situation ne semble guère évoluer, elle se tasse, pire elle se complexifie ne donnant plus d’autres choix à la lutte pour espérer sortir de l’enlisement par le rapport de force. Cheminant vers les dernières élections qui marquent le règne de sa Majesté Impériale, l’Empereur Issoufou II, le pays est à la croisée des chemins, ne sachant pas jusqu’où peuvent le conduire les surdités d’un système qui est prêt à assumer le pire pour se maintenir au pouvoir. Que n’avait-on pas décrié dans le pays ? Tous les secteurs vont mal à l’exception de l’hôtellerie qui pouvait voir trôner dans un espace conçu pour les privilégiés, quelques structures hôtelières qui se dressent comme l’étendard d’une mafia qui s’incruste dans un pays qui prend les allures d’un paradis fiscal pour une pègre que la Renaissance a secrétée, par la concussion, dans notre démocratie. Dans le pays, deux discours antagoniques se télescopent, l’un décrivant un Niger bienheureux, fait de dorures et de pépites de bonheur invisibles, et un autre présentant un Niger malade, grabataire, malade de sa démocratie détruite, de son économie saccagée, de sa cohésion délabrée, de son école à terre, de son système de santé malade, de sa sécurité violée, de ses fiertés confisquées. Dans cette dialectique, dénicher la vérité, la réalité du pays, par quelques indices qui ne trompent pas, n’est pourtant pas aussi difficile. Le socialisme nous avait gavés de promesses, de promesses tenues invisibles, de discours creux. Quand on peut attendre de sa part, au lieu de ces discours vaniteux, pour répondre aux attentes des Nigériens qui se résument en un simple fait : gouverner bien le pays dans la justice et la vérité, que de la roublardise, rien que de l’autosatisfaction, rien que de l’auto-éloge. Pourtant, pour venir au pouvoir, le socialisme n’a rien promis d’autre que de gouverner autrement, disons de gérer mieux que les autres qui l’ont précédé depuis cinquante ans à la tête du pays. Des Nigériens avaient cru et ils avaient osé faire confiance. Aujourd’hui, de ces Nigériens naïfs, ils sont nombreux à vivre le remord d’un choix imprudent. Ils libéraient le Lion de sa cage de l’opposition pour les dévorer. Quelquefois, dans la vie, l’on est responsable de ses propres malheurs.
Dans le pays, partout, en ville comme en campagne, les populations vivent les affres de l’insouciance de ce régime. Et jamais l’Etat ne s’est éloigné des populations que sous ce socialisme vantard. Comment comprendre que l’homme qui prétendait avoir parcouru tous les villages nigériens, une fois au pouvoir, se terre dans son bunker, s’effrayant de son peuple qui l’aura voté, peut-on l’entendre à l’issue des élections de 2016, à plus de 92% ? Comment peut-on craindre un tel peuple, le repoussant même lors des rares sorties vers le peuple, refusant de prendre quelques bains de foule pour célébrer un score à la soviétique qui l’aurait porté au pouvoir, pour croiser ce peuple, pour communier avec lui, le temps de mains qui se serrent. On ne peut donc pas comprendre qu’un président si brillamment élu soit habité par la paranoïa et on le voit qui se cache derrière les armes, comme s’il pouvait être normal de craindre un peuple si amoureux de son chef. L’homme du peuple peut se reprocher quelque chose pour avoir si peur du peuple ?
Il n’est donc pas vrai que le pays serait l’eldorado que décrivent les socialistes avec un exotisme exubérant. Pour s’en effrayer tant, ils savent qu’il va mal. Ils savent qu’ils l’ont mis dans le pétrin. Et c’est dans toute la société que cela se ressent. Dans les campagnes les populations sont ligotées, réduites dans leurs mouvements face à une insécurité que le régime ne réussit pas à juguler même après s’être servi de gros milliards qui ont plutôt servi la gloutonnerie et l’égoïsme de ses enfants, non l’armée et la nation. De même, les paysans ont été oubliés dans la mise en oeuvre des politiques publiques, et l’on peut croire que mieux qu’ailleurs c’est dans les villages nigériens que l’on juge mal le socialisme et sa gestion. Contrairement à ce qu’un programme aurait pu changer dans la vie des Nigériens ; les 3N, qui devraient sauver le pays pour vaincre définitivement la faim et accéder enfin à l’autosuffisance alimentaire s’il avait être un instrument de redéfinition de l’agriculture dans le pays, non un instrument de propagande, n’a fini qu’à servir le populisme farfelu d’un socialisme de contrebande. Ce concept allait – et Hama Amadou alors président de l’Assemblée nationale avait prévenu sur les risques d’une exploitation politicienne du programme –se servant plutôt de ses résultats virtuels qu’on ventait, faire dire par ses concepteurs tout le bien qu’il fit au pays et justifier une description idyllique du pays comme s’il devenait un autre dans lequel il n’y a plus de famine, et dans lequel – on l’a souvent entendu – personne ne migre parce que le Niger serait un pays de cocagne, un pays qui répondrait désormais aux préoccupations des populations. La ville aussi au Niger, sous la Renaissance, est devenue comme chez Alioun Fantouré, Porte-Océane, une ville fantôme, désespérée, faite d’incertitude et d’ambiance morose. Prise d’assaut par une horde de mendiants qui désertaient les campagnes désolées, elle offre à ses carrefours toute la misère qui l’habite. On ne vit plus dans la ville ; on survit. La jeunesse est désemparée, manquant de tout : d’un enseignement de qualité comme de la perspective d’un travail décent, au point où la criminalité, le vol, le banditisme, la débauche prennent des proportions inquiétantes au point de semer une certaine psychose dans la ville. Les rares jeunes qui savaient se battre, souvent au soleil pour gagner leur pitance et aider les siens ont été déguerpis parce que la nouvelle bourgeoisie socialiste ne supporte plus de vivre avec eux dans la ville, et comme les mendiants qu’ils chassaient, ces autres indésirables devraient comprendre qu’ils sont aussi persona non grata dans la villelumière des Renaissants. Ainsi, par les brutalités du système l’on a tué le petit commerce dans le souci, prétend-on, du béton que l’on veut ériger dans la ville pour tromper par leur dimension nos misères. On détruisait alors les hommes et le commerce pour faire vivre les dalles et le béton, les couleurs et les artifices dans la ville pour le plaisir des touristes. Mais il n’a pas que ces aspects qui témoignent d’un mal-être généralisé.
Au plan politique, les choses ne sont guère reluisantes. Là, peut-on dire, c’est encore pire. A l’approche d’élections cruciales pour le pays, la crise est on ne peut plus des plus profondes. Bien d’observateurs de la scène politique nigérienne ont de bonnes raisons de s’inquiéter pour le pays avec ces positions tranchées, irréconciliables, avec un dialogue devenu impossible entre acteurs politiques qui sont arrivés à se détester d’une haine viscérale, indescriptible. Plus on s’approche des élections, plus la situation se complique et l’on ne peut voir aucune lueur dans le ciel triste d’un pays qui tangue, pour une fois encore, pris en otage par les intransigeances de socialistes qui ne peuvent céder au compromis qui préserve la nation. Dans une telle situation tout le monde a compris qu’il n’y a plus d’autres choix que la lutte, que le sacrifice, un devoir sur lequel pouvait conseiller les opposants, le candidat Bazoum qui pouvait croire que parce qu’il est au pouvoir, il pourrait tout se permettre pour faire ce qu’il veut et imposer ses choix aux Nigériens.
L’opposition disait être décidée à aller à la lutte puisqu’il ne lui reste plus que ce choix et de l’assumer. Des fronts furent créés annonçant une volonté de se battre, mais tous se bâtirent peu quand on sait pourtant la hargne des militantes et des militants à se battre, à se défendre pour prendre la place qui leur revient dans le pays. Cela fait longtemps d’ailleurs, que pour faire face à cette situation, dans l’imminence des élections, d’un côté avec les syndicats, la société civile et les partis politiques qui se créaient un front, et de l’autre, les partis de l’opposition qui créaient un autre, les deux pour le même combat. Mais après plusieurs semaines, ce ne sont que des déclarations desquelles les militants se seraient lassés que l’on peut entendre, et au-delà l’on ne vit rien si ce n’est la première coalition qui, depuis des semaines, lutte à manifester sans que l’autorisation ne lui soit accordée. Mais pourquoi donc les partis politiques, mettentils tant de temps à sortir pour manifester, pour imposer une conduite, pour s’imposer ? Cette situation de léthargie peut-elle durer encore longtemps quand on sait l’impatience des militantes à battre le pavé pour qu’on puisse les respecter dans le pays, et surtout quand la montre joue contre tous ?
Le peuple arrive…
Ce silence précaire peut tromper sur la gravité de la situation que vit le pays et il va sans dire que l’Opposition se prépare, et avec elle aujourd’hui la société civile et les syndicats engagés dans le combat de la liberté et de la justice, de la démocratie et de l’Etat de droit. Depuis quelques jours, ces groupes organisés mènent un travail de terrain pour mobiliser les troupes, galvaniser les Nigériens à comprendre que pour leur dignité et leur fierté de peuple libre, ils n’ont plus qu’à se mettre débout et à se battre. Les socialistes ont fait trop de mal et au lieu du repentir pour espérer le pardon du peuple, ils persistent dans le mal, voulant encore avoir les moyens d’opprimer le peuple. Sur quoi peuvent-ils d’ailleurs compter pour croire qu’ils peuvent plus longtemps maintenir le peuple dans cet état d’asservissement, d’abêtissement aussi ?
Il faut reconnaitre que l’Opposition et la société civile profitent d’une société qui est favorable à leurs combats : la réalité des malaises. Il ne leur est plus difficile de gagner l’adhésion des populations meurtries pendant dix années de navigation à vue, d’insouciance, d’exclusion, et de gestion patrimoniale de l’Etat. Jamais les Nigériens ne se sont sentis si étrangers dans leur propre pays si ce n’est sous la gouvernance des socialistes. Ces différentes tournées d’opposants à l’intérieur du pays et cette campagne de sensibilisation initiée dans la capitale rencontrent des populations attentives, prêtes pour l’ultime combat, des populations trépidantes qui piaffent d’impatience, impétueux à aller dans le combat de l’honneur pour libérer le pays des grises de prédateurs qui le tiennent en otage, s’agrippant à ses os quand ils ont fini de dévorer sa chair.
Donner la preuve que ce peuple est un peuple organisé, combatif…
Le peuple du Niger n’est certainement pas le plus lâche de la terre, pour vivre dans le masochisme les souffrances qu’un système inique lui impose, allant jusqu’à lui dénier ses droits constitutionnels. Hier, il avait combattu, surmontant des situations difficiles, qui laissent à l’histoire le beau souvenir de la magnificence de ses combats. Aujourd’hui, le peuple est encore interpellé par l’histoire pour s’assumer face à un pouvoir qui est décidé à lui confisquer ses libertés pour lui interdire de manifester, et d’exister dans la démocratie. Après des déclarations de manifestation dûment déposées, plusieurs fois, on leur a imposé l’implacable et mécanique réponse incompréhensible : interdiction de manifester. Et la justice ne vient pas au secours pour sauver un droit menacé dans ce curieux Etat de droit. Faut-il dès lors croire qu’une certaine justice a choisi son camp dans le déni de droit qui oppose les nigériens à leurs autorités ?
Y’en a marre…
C’est des colères que l’on peut attendre partout. Jusqu’à quand peut-on continuer à interdire toute manifestation dans le pays ? Mais on le comprend, ceux qui gouvernent savent désormais qu’ils n’ont plus de côte dans le peuple. Depuis des mois l’on ne peut plus entendre cette expression selon laquelle, «ceux qui s’agitent ne sont qu’un minorité». Sans doute qu’on doit avoir pris conscience de la force de cette «minorité» et qu’il y a à craindre ses fureurs pour lui empêcher de manifester. La preuve est désormais donnée qu’il n’y a plus de justice comme l’a insinué Moussa Tchangari, sorti dépité de la justice ce lundi. Désormais, il n’y a plus de choix pour les Nigériens, au-delà des structures qui portent leurs combats, que de briser les chaines pour se libérer sans attendre une faveur pour lutter. Ce qui se passe n’est que normal car celui que vous voulez combattre, par lui-même, gentiment, ne vous donnera jamais l’autorisation de le battre. L’acteur de la société civile pouvait d’ailleurs dire, dans l’inspiration des paroles prophétiques de Bob Marley qu’il rappelait si opportunément, qu’un droit s’arrache, il ne se donne pas. On peut ainsi l’entendre, entonner la belle et guerrière chanson reggae : «Get up, stand up. Stand up for your rights».
Les Nigériens doivent donc s’organiser en appelant toutes les forces, syndicales, politiques et de la société civile à former un large front pour libérer le pays. Il n’y pas d’autres choix, et déjà pour le Niger et pour sa survie, une des coalitions, appelait la dernière fois, les forces de défense à ne plus obéir à un ordre manifestement illégal. Le ton est donné et le pays glisse gravement dans des turbulences inouïes. Les Nigériens peuvent désormais savoir à quel type de dirigeants ils ont affaire. S’ils l’ont compris, ils l’auront bien compris. S’ils ne l’ont pas compris, ils n’auront demain, que les regrets de leurs imprudences. Et à chacun de s’assumer pour vivre la nouvelle ère d’asservissement qui pourrait s’ouvrir pour leur plus grand malheur.
Gobandi