Nous sommes à moins de deux mois du premier tour de l’élection présidentielle qui va consacrer votre départ du Palais présidentiel et rien n’est sûr, dans ce pays. Vos compatriotes, plus que jamais remontés contre votre vous et votre gouvernance qui ne saurait être un modèle, je le leur ai concédé, attendent anxieusement cette date du 27 décembre pour vous bouter, disent-ils, hors du Palais présidentiel. Ils semblent très déterminés et c’est cette tendance, m’a-ton dit, qui se matérialise dans la mobilisation que vous constatez ou dont vous avez certainement écho à propos des visites de terrain de Hama Amadou, le chef de file de l’opposition et probable gagnant de l’élection présidentielle prochaine. Ah, j’ai vraiment tremblé en voyant Hama Amadou à Téra, à Dosso, à Maradi, à Zinder et Agadez. Partout, c’est un raz de marée et selon de nombreux observateurs étrangers, il n’y a pas de doute, les Nigériens tiennent là celui à qui ils vont accorder leurs faveurs dans les urnes. Mohamed Bazoum, je dois le reconnaître et vous le dire humblement, ne fait pas le poids face à Hama Amadou. Il ne lui arrive même pas à la cheville et vous le savez.
Monsieur le ‘’Président’’,
Ayant décidé de vous parler, cette semaine, de cette dynamique nationale autour de Hama Amadou, je ne saurais vous cacher le fol enthousiasme, l’euphorie et la liesse populaire remarquable à chacun de ses déplacements à l’intérieur du pays. La lecture de ce mariage entre Hama Amadou et le peuple nigérien coule de source. D’une part, c’est la rencontre entre un homme et son peuple qui croit en lui et qu est prêt à lu accorder ses suffrages pour gouverner le Niger, avec tout ce que cela représente en termes d’espoir pour l’économie, l’école nigérienne, la santé, l’eau potable, l’agriculture, la justice, la sécurité, toutes autant d’aspects auxquels vous n’avez pas accordé l’attention nécessaire. D’autre part, c’est le rejet total de votre gouvernance et des perspectives sombres qu’elle présente à vos compatriotes avec cette histoire de continuité claironnée par Mohamed Bazoum. Face à des adversaires ben en jambes, qui savent ce que vous avez fait de ce pays en dix ans, j’ai été obligé de faire profil bas et de ravaler mes arguments qu’ils disent désuets et insultants pour le peuple nigérien. Vous savez, j’ai ressentie la plus grande honte de ma vie en essayant d’aligner, comme vous l’avez si bien fait lors de l’inauguration du nouvel immeuble des Finances, les réalisations que vous avez faites.
Monsieur le ‘’Président’’,
Savez-vous qu’il m’a été rétorqué que vous êtes un président sans vision pour le Niger et que le plus beau service que vos compatriotes pourraient se rendre est sans doute de mettre un terme à votre gouvernance ? A mon cors défendant, lorsqu’il m’a été aligné, face à votre chapelet de réalisations, la réalité financière et économique dans laquelle baigne l’État, avec un encours de la dette inquiétant, la mainmise des réseaux sur le Niger, la corruption endémique, les détournements dont vous êtes parfaitement au courant et dont vous couvrez les auteurs, la santé, dont la marchandisation est galopante, le trafic de drogue, l’agriculture, réduite à un simple slogan (Les Nigériens nourrissent les Nigériens), l’école, l’ascenseur social que vous avez emprunté mais que vous avez mis sur cales, etc., j’ai baissé la tête. On ne peut être partisan de votre affaire sans avoir honte de ce bilan.
Monsieur le ‘’Président’’,
J’ai appris beaucoup des tournées de l’homme que vous donnerez tout pour recaler. S’il n’est pas d’ores et déjà l’élu du peuple nigérien, Hama Amadou est tout de même un candidat en qui le peuple nigérien croit. Ne gâchez pas cette si belle rencontre démocratique en essayant des choses vilaines. Vous savez, aussi curieux que cela paraisse, malgré vos déclarations multiples, vos compatriotes ne vous croient pas, ne croient pas en votre parole. Faites en sorte que l’histoire ne leur donne pas raison. Vous n’avez, dois-je vous le ressasser, ni le droit ni le devoir de choisir votre successeur. Vous n’avez pas non plus l’apanage de trafiquer, de manoeuvrer en coulisses, en somme, d’agir dans le sens d’influer sur le cours du processus démocratique. Vos compatriotes, tels qu’ils sont mobilisés autour du chef de file de l’opposition, n’accepteront aucune dérive. Non seulement, ils n’accepteront pas que vous restiez un jour de plus au-delà du terme légal de votre mandat, mais ils refuseront également que l’État et ses pouvoirs soient utilisés pour faire passer un candidat qui n’a aucun mérite.
Monsieur le ‘’Président’’,
Faites attention à votre sortie. Elle est liée autant à votre respect de l’article 47, alinéa 2 de la Constitution qu’à la stricte neutralité que vous observerez dans la conduite du processus électoral. Dans le premier cas, « en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ou proroger le mandat pour quelque motif que ce soit ». Vous ne saurez, par conséquent, dépasser la date du 2 avril, si je ne m’abuse, sans passer le témoin à votre successeur. Moins formel mais catégorique toutefois, vous ne saurez vouloir imposer, de quelque façon que ce soit, un président pour le Niger. Faites, donc, attention aux manipulations politiciennes, elles ne sont pas toujours porteuses d’heurs.
Monsieur le ‘’Président’’,
À l’orée de votre départ de la présidence, j’ai appris que vous avez, enfin, daigné accorder votre attention pour des projets que vous avez négligés, d’autres disent « méprisés », alors qu’ils constituent ce qui aurait être votre préoccupation. Les routes dégradées de Doutchi-Konni, Dosso-Gaya et Tahoua-Arlit. A cinq mois de votre départ, c’est là un coup d’annonce qui ne trompe pas. Un ami, très futé, je l’avoue, m’a dit que, soit, nous avons affaire à une musique du genre Tanja Mamadou ; soit, vous comptez récolter les fruits de la réalisation de ces routes en procédant au lancement des travaux. Pour la première hypothèse, je l’ai systématiquement écartée, même s’il m’a sorti du chapeau la cinglant réponse de votre homologue guinéen, Alpha Condé : « l’histoire jugera », m’a-t-il dit froidement. Dans la seconde hypothèse, l’effet d’annonce ne suffit guère pour se faire attribuer la paternité d’un projet. Votre successeur peut bien organiser une autre cérémonie de lancement et vous jeter dans les oubliettes. Vous vous en êtes pris si tard que ces cérémonies de lancement font rire vos compatriotes.
Monsieur le ‘’Président’’,
Il est mi-nuit et mes paupières commencent à s’alourdir. Je vais arrêter cette lettre et aller me coucher, car demain est un autre jour. Le temps, c’est l’immensité, c’est l’insondable, c’est Dieu. J’espère que Demain sera meilleur pour notre pays et que le processus électoral sera remis sur les rails, dans des conditions d’égale confiance des acteurs politiques en la commission électorale, en la Cour constitutionnelle, recomposées dans un climat de consensus politique.
Mallami Boucar