Il est philosophe, parle beaucoup, polémiste sur les bords, mais il n’a pas tenu dans la fournaise de la place AB de l’université Abdou Moumouni de Niamey. Invité dans le cadre des séances d’échanges que les étudiants ont initiés avec les candidats à l’élection présidentielle prochaine, Bazoum a vite pété les plombs devant ses inquisiteurs du jour. Sans doute tendu, les nerfs à fleur de peau avec ce débat malsain sur son identité véritable et ses pièces d’état-civil, le président et candidat du Pnds Tarayya dans la course au fauteuil présidentiel n’a pas su garder son flegme. Il a manifestement abordé l’exercice, ou plutôt l’épreuve, sur la défensive, comme s’il se sentait déjà face aux juges dans l’affaire qui le tracasse. On le sentait mal à l’aise, complètement désaxé dans ses propos et c’est tout à fait au bout de ces arguments très par les cheveux qu’il laisse tomber le mot fatidique : « Katambé n’a pas dit la vérité », a-t-il lâché en guise de réaction à l’évocation du sale dossier des détournements des fonds de l’armée. Et c’est de bonne guerre si l’opinion nationale a estimé que Bazoum a traité Issoufou Katambé de menteur.
Katambé est tout de même du même parti politique que lui, président régional du fief historique du Pnds Tarayya
Qu’est-ce que le nom d’Issoufou Katambé vient-il chercher dans ce débat ? Bazoum est-il obligé de parler de Katambé dans les termes utilisés à propos de ce dossier admis de tout le monde, y compris les mis en cause ? Outre la solidarité gouvernementale qui lui fait obligation de ne pas ainsi tirer à boulets rouges sur un collègue, membre du même gouvernement, Bazoum a donné, sur la place AB, une piètre image du présidentiable qu’il se réclame. L’homme n’a pas le sens de la réserve, entend-on dire un peu partout. En outre, Katambé est tout de même du même parti politique que lui, président régional du fief historique du Pnds Tarayya. L’ignore-t-il ou estime-t-il que le ministre de la Défense ne pèse pas grand chose sur l’échiquier politique régional pour éviter de le contrarier.
Bazoum a pratiquement tourné en ridicule en le présentant comme quelqu’un qui s’est trouvé grisé par son auditoire et qui a perdu le contrôle de sa langue au point d’asséner des contrevérités
Bazoum a-t-il parlé de son collègue ministre de la Défense de façon si irrévérencieuse sans motif valable ? Personne ne le croirait. A-t-il eu une prise de bec avec l’intéressé pour être aussi désagréable ? Ou bien at- il découvert que le sieur Katambé fait partie du lobby du Pnds et de Tahoua qui fait ombrage à sa candidature ? Les langues étant difficiles à délier du jour au lendemain, on retiendra pour le moment que Bazoum s’est défaussé sur Katambé sans raison. Et le pire, c’est qu’il l’a pratiquement tourné en ridicule en le présentant comme quelqu’un qui s’est trouvé grisé par son auditoire et qui a perdu le contrôle de sa langue au point d’asséner des contrevérités. Pour se vanter et faire dans le populisme de mauvais aloi. Pourtant, au regard du dossier dont il est question et qui est de notoriété publique, Bazoum a sans doute été mal inspiré de présenter Katambé sous les traits d’un affabulateur.
C’est une grave affaire qui a débordé les limites du Niger et dont personne, à l’exception bien entendu d’un certain Bazoum, ne discute la véracité
Le scandale du ministère de la Défense, avec des milliards et des milliards détournés pour refiler à l’armée nigérienne, en guerre, des armes défectueuses lorsqu’elle n’est pas carrément dépossédée des ressources budgétaires devant lui permettre d’acquérir les armes qu’il lui faut, n’est un secret pour personne.
C’est une grave affaire qui a débordé les limites du Niger et dont personne, à l’exception bien entendu d’un certain Bazoum, ne discute la véracité. En veut-il à Katambé d’avoir exprimé son opinion personnelle vis-à-vis des auteurs de ces détournements ? En présentant ainsi Katambé, sous des traits peu flatteurs, Bazoum a préféré sacrifier l’homme politique pour, espèret- il, s’aliéner le soutien d’hommes qu’il sait financièrement puissants.
Bazoum a mis davantage de sable dans son «dambou».
À en croire les sons de cloche et les avis émis par de nombreux citoyens, Bazoum a sonné la cloche qu’il aurait dû s’interdire de sonner. Issoufou Katambé, jusqu’à preuve du contraire, jouit d’un certain respect au sein de l’opinion nationale nigérienne. Dans une gouvernance aussi pourrie que celle de la 7e République, le ministre de la Défense actuel est perçu comme un «monsieur propre», une sorte de gouvernant modèle auquel on ne touche pas sans risque. Et le comble, c’est que le pécheur s’appelle tout de même Bazoum, un homme actuellement dans le creux de la vague, avec sur la tête une affaire aussi gravissime que la mise en cause de ses pièces d’état-civil. C’est donc un homme sur la sellette qui s’en prend à un autre, mieux vu au sein de l’opinion nationale. Pour de nombreux observateurs, Bazoum a mis davantage de sable dans son «dambou». Étant en très mauvaise posture face à la justice, mal vu au sein de l’opinion publique nationale, Bazoum vient assurément de se mettre sur le dos une bonne partie de la classe dirigeante du Pnds Tarayya.
Yaou