Le Niger est un pays drôle souvent. On ne comprend rien. Quand son élite appelle à donner l’exemple, elle devrait le faire avec dignité, elle tombe, elle aussi, dans la recherche effrénée du gain facile, mettant en avant le profit immédiat, celui-là dont elle est l’unique bénéficiaire. La scène pitoyable à laquelle certains acteurs, ces derniers jours, se sont livrés a humilié leur âge et leur rang. Sidérés par ces inconduites, les Nigériens en ont vomi, tristes à ne plus reconnaître l’homme nigérien, hier si fier de lui-même.
Mais c’est dans l’ambiance générale de la gouvernance du président Mahamadou Issoufou: aucune norme sociale ne les intéresse. Jamais dans le pays, les Nigériens, vivant jusqu’à une date récente l’adversité politique dans le respect de l’autre, n’ont jamais cédé à des valeurs qui étaient nôtres, à une dignité qui était définitoire, identificatoire de notre «nigériennité». Depuis dix ans donc, les Nigériens n’ont appris qu’à s’insulter, père et mère, ramenant et réduisant la politique pourtant si noble, à un métier vil géré désormais dans un discours roturier, celui de la rue et de la pègre. Parce que les soidisant socialistes ont choisi de gouverner à ras de terre, dans les égouts, incapables de s’élever pour anoblir par leurs actes une politique qui, en vérité, n’est pas faite pour les petites gens. C’est triste. Et le socialisme a failli. Il est incapable de grandeur, de magnanimité, d’élévation. Il aime les scandales : il est scandaleux.
Depuis des jours, une presse dont la couleur en dit long sur l’option – et c’est son droit – est sortie des frontières, de ses tracées déontologiques, pour verser dans une écriture étonnante, répugnante, faite avec l’encre d’une haine indicible, du fiel. Ce n’est pas du journalisme. Une telle écriture rabaissée ne pouvait honorer ses auteurs.
Une écriture journalistique se veut raisonnée, dépassionnée, et à défaut d’être juste, au moins doit-elle s’assurer de dire la véracité de ce qu’elle apporte et surtout être sûr de ce qu’elle peut en apporter les preuves. Au cas où…
Il y a dans certains écrits, des excès langagiers qui en disent fortement sur les rancoeurs des plumes manipulées qui les élaborent. Ecrit-on pour insulter ? Ecrit-on pour se moquer d’un autre ? Non.
Le journalisme est un métier noble, un travail d’intellectuel qu’on ne saurait réduire à du mercenariat. Lorsqu’on peut lire dans les bouffonneries de ce journal qui sort de l’éthique pour porter, par des mots trop chargés, une critique – si c’en est une – qui porte atteinte à la dignité de l’homme et sur un plan dont Dieu seul a le pouvoir de décider, il y a à plaindre un intellectuel qui n’aura rien compris de son rôle en tant qu’esprit lucide et des missions d’une presse au service de la société et de la démocratie. Comment peut-on donc comprendre, parlant de Hama Amadou, que ce journal dise qu’il serait «maudit». Est-ce franchement de la critique journalistique que de porter d’aussi graves propos sur un homme qui n’a eu de tort que d’être un adversaire assumé et responsable, libre de ses choix politiques ? Peut-on dans une République responsable, dans un Etat de droit, cautionner de
telles dérives ? Et aujourd’hui, ce n’est pas qu’un CSC qui est interpellé, mais les autorités elles-mêmes. Peuvent-elles croire que ceux qui se servent de leurs plumes pour torpiller un autre, leur rendent vraiment service ? Non, les services de tels individus, ne sont pas des services dont on peut se flatter car par l’éducation que chacun a pu avoir dans une famille, personne ne peut, doit, s’accommoder de telles turpitudes. Pourtant, ce sont les mêmes qui peuvent pousser un autre en prison, pour avoir tenu des propos salaces qui ne sont que ceux du faible, qui, blessé et incapable de se défendre, s’en sert pour calmer ses rancoeurs. Et dans la rue. Mais lorsqu’on se sert d’un journal que l’on veut le produit d’un esprit, on ne peut comprendre que des esprits qui sont dans l’égarement, réduisant leur métier à l’insulte gratuite, puissent salir aussi noble par leurs égarements.
Aucune conscience responsable, ne peut lire ces pages salies d’insultes, sans sentir de la nausée, ne pouvant comprendre qu’on puisse vendre de l’insulte à un autre. Un journal doit servir, il doit servir à éclairer les consciences, à aider les hommes à mieux comprendre, mais pas à les perdre, à cultiver entre eux des haines qui ne se doivent pas parce qu’objectivement, aucune raison ne saurait les justifier.
Le Conseil Supérieur de la Communication est interpellé
Il est dommage que le CSC ne soit prompt qu’à relever chez certains qui sont catégorisés, ce qui pour lui rompt avec les règles déontologiques. Ne peut-il plus voir et comprendre que qualifier un autre de «maudit» sort du cadre de la critique journalistique et de l’espace balisé dans lequel le journaliste exerce son métier ?
En l’homme politique, il y a deux personnalités distinctes que le journaliste doit être capable de voir. Il y a d’abord la personnalité privée qui est le père, la mère, bref la personne qui, comme un autre, a droit à une vie propre, intime, personnelle. Celle-là est sacrée. Cette vie, chacun en a une et personne ne peut avoir le droit de la creuser, parce qu’elle ne concerne personne d’autre. On se rappelle lorsque surprenant le président français d’une époque – François Hollande – prenant après son travail à l’Elysée un scooter, masqué de son casque pour aller chez une femme – toute chose que tout homme normal pouvait faire - des chasseurs d’images en ont fait leur scoop et le matin, les premiers journaux ont barré leur une avec des titres sensationnels et croustillants. Les lecteurs n’en étaient pas emballés. Ils ne voyaient pas pourquoi, ils devraient s’en mêler car pouvaientils dire en substance : ce qu’ils veulent de lui c’est de bien garder leur maison, la France. Le reste c’est sa vie. Sarkozy dont certains s’intéressaient à sa vie privée, pouvait à son accession au pouvoir, rassurer les français qu’il est un homme normal, entendu sans doute qu’il fait tout ce qu’un homme normal peut faire et pour ce, doit aussi avoir droit à une vie privée. Cet homme normal, ne peut intéresser le journaliste sérieux.
A côté de la personne privée, il y a l’homme public qui doit autant que faire se peut, être le moins reprochable afin de montrer qu’il mérite d’être à la tête des hommes, à la tête des structures. Celui-là est l’homme qui doit intéresser le journaliste pour être la cible de ses critiques objectives, sans jamais verser dans la malveillance parce que ce qu’il peut dire à propos d’un homme se défend par des faits réels avérés.
Alors sur quelle base, si ce n’est de la rancoeur, de la haine, un journaliste même assuré d’une immunité politique peut-il justifier qu’un autre soit un «maudit» ? Un journaliste peut-il défendre une telle méchanceté gratuite devant un juge ? Ou bien croiton que parce qu’on le fait pour le plaisir de princes, l’on serait absout de toute poursuite, l’impunité étant la règle d’or au Guriland ?
De tels propos maladroits, conduisent généralement à des dérapages. Il faut urgemment les proscrire dans la presse.
Une écriture aussi scatologique ne saurait honorer l’espace médiatique nigérien. On se souvient à la troisième République, avec Mahamane Ousmane comme président de la République, les titres de journaux qui foisonnaient dans cet espace, avec des titres accrocheurs, mais sans que jamais, l’on verse dans la critique ordurière. Il s’agit de faire voir les défauts d’un homme dans l’exercice de ses fonctions d’homme public parce qu’à ce niveau, ce qu’il fait n’est pas censé profiter à sa personne, mais à la communauté nationale. On comprend donc qu’à un tel niveau, ses fautes ne soient pas pardonnables et que la presse ait à la décrier, à les dénoncer. Comme quoi, faire du journaliste ne donne pas droit à des insultes gratuites, à s’attaquer à la personne privée, à sa vie privée. Dans quelle vie privée n’auraiton pas à dire ? Nos options politiques ne doivent donc pas nous rendre aveugles et irresponsables.
Mais on sait pourquoi on le fait
Cette persécution indéfinie sur la personne de Hama Amadou, même lorsque le système ait réussi à l’empêcher sur du faux à ne pas être dans le jeu électoral, continue, parce qu’on s’est rendu compte que l’homme qu’ils croyaient mis à mort politique, comme un sphinx, renait de ses cendres, plus que jamais capable de faire mal à des adversaires à qui des haines inouïes ont fait perdre des rationalités. Ce qu’on peut entendre dans des propos salaces de la part de plumes à gage se comprend bien. Depuis des jours, par un choix stratégique opéré par celui que la presse nationale a surnommé l’Enfant terrible de Youri, Hama Amadou a encore surpris ses adversaires qui croyaient l’avoir définitivement éteint politiquement depuis que son parti, par son silence déroutant après le rejet de sa candidature à la présidentielle, semblait en avoir pris acte, laissant son candidat sortir sa carte Joker qui a reconfiguré le jeu, qui l’a compliqué même pour ceux qui pensaient en avoir la maitrise. Les calculs se faussaient : alors qu’il réussissait dans le même jeu à se tailler une majorité à lui seul au parlement, le Pnds ne réussit pas son coup K.O., échouant à la barre de 39% qui ne peut faire son affaire. Ce qui remet le jeu à plat avec des compteurs mis à zéro pour tous. Dans la conscience de ce que le jeu se complique pour leur champion imposé, aujourd’hui en difficulté, et qu’une victoire voulue au premier s’éloigne désormais pour une continuité tant chantée et ce en face d’un vaste désir populaire de changement, Hama Amadou redevient tout de suite la bête noire, l’homme à abattre. Pourtant, cet homme que presque tous les acteurs politiques dans le pays ont cherché à avoir avec eux, la providence le leur a donné en 2011, presque gratuitement mais ils n’ont pas su en prendre soin. Aujourd’hui, au lieu de continuer à le vouer aux gémonies, ils doivent s’assumer et comprendre qu’ils ne sont victimes de leurs turpitudes, de leurs propres calculs.
Bon vent au changement, entend- on dans chaque coin de rue. Le Niger, n’en déplaise aux aigris, vibre depuis des jours, pour l’inéluctable changement… qui vient à grands pas.
…. la caravane passe, dit un dicton…
A.I