Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président” « Il n’y a pas de doute que le prix Mo Ibrahim vous sera, un jour, retiré. Exactement comme ces sportifs qui se font doper pour gagner des titres et récompenses mais qui les perdent inéluctablement lorsque le pot aux roses est découvert ». J’avais fait le pari, pour vous avoir vu agir et parler depuis 10 ans, que vous occuperez sans aucun doute une petite place, une toute petite place dans un coin des plus sombres de l’histoire de la gouvernance au Niger. Mon pari, je le maintiens, malgré cet air de succès fabriqué et chantonné par des voix bruyantes qui le font à dessein mais qui savent que, de ce qu’ils prétendent à la réalité, il y a la mer à boire. Je maintiens mon pari, car je sais ce qu’il y a en dessous de cette couche opaque qui couvre les profondes et douloureuses réalités de notre pays, de notre peuple. Je maintiens ce pari car je suis convaincu que nos compatriotes et le monde extérieur, peut-être ébloui par le tintamarre de ces médias internationaux qui trouvent certainement leurs comptes dans ce jeu de rôles pénible et coûteux pour notre pays, découvriront, un jour, les tristes réalités de votre gouvernance. Aussi bien au plan financier que sécuritaire, social et culturel, ils sauront la vérité, amère, que 10 ans de saupoudrages, de colmatages et de bricolages ont permis de maquiller, de dédramatiser au point où le trafic de drogue, les détournements des deniers publics, les violations répétées des lois, les chapelets de morts, entre autres, auxquels vous nous avez habitués sont présentés par certains compatriotes comme relevant de la normalité.

Monsieur le “Président”

Mon pari est simple. Mais un ami est encore plus strict. Selon, il n’y a pas de doute que le prix Mo Ibrahim vous sera, un jour, retiré. Exactement comme ces sportifs qui se font doper pour gagner des titres et récompenses mais qui les perdent inéluctablement lorsque le pot aux roses est découvert.

Des cas existent dans le sport de haut niveau et selon mon ami, vous serez probablement le premier sur la liste au plan politique. C’est si facile de manipuler les individus et les groupes lorsqu’on est au pouvoir, a déclaré le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara. Cependant, une fois qu’on le quitte, les échafaudages s’écroulent comme un château de cartes. On découvrira alors les ramifications et les implications de tant de fléaux que nous vivons particulièrement depuis que vous êtes au pouvoir. Dès lors que les rentes qui servent à entretenir la servilité de tant de personnes et d’agences, les louanges mensongères vont s’estomper. Monsieur le “Président” J’ai constaté qu’en cette fin de mandat, vous ne perdez plus une minute. Vous courez dans tous les sens comme si vous menez une course contre la montre. Le temps, lui, est incorruptible pour s’arrêter parce que quelqu’un voudrait le voir s’estomper. Ni votre argent, ni votre pouvoir, ne suffit à le faire plier à votre volonté. Il passe, imperturbable, avec son lot d’évènements prescrits sur la tablette divine. Face au temps, nous mesurons toute notre impuissance. Je rappelle ce mot plein de sagesse de Cheikh Hamidou Kane dans l’aventure ambiguë : « 4l’homme n’est qu’une misérable petite moisissure de la terre ». Mais l’orgueil humain rend l’homme arrogant et irraisonnable au point d’oublier qu’il est un simple mortel. C’est cette leçon de vie qui vous a manqué tout au long de ces 10 années au cours desquelles vous avez fait les choses comme vous l’entendez et non comme vous le commande la Constitution de notre pays.

Monsieur le “Président”

Ce sont des dizaines de nos compatriotes qui ont été massacrés, ces derniers temps, dans une insouciance totale de votre part. Je ne suis ni surpris , ni choqué. Je constate simplement que vous êtes en train de terminer comme vous avez commencé, c’est-à-dire sur une note de déception, de désolation pour le peuple nigérien qui n’a eu, en fin de compte, de votre part, que ruines, sang et larmes. Il vous reste à peine une semaine à la tête de l’Etat et je voudrais, avec votre aimable attention, réitérer mon jugement : votre gouvernance a été une calamité pour le Niger et l’Histoire dira, si oui ou non, j’ai été juste ou sévère. C’est la toute dernière lettre que je vous adresse en tant que chef de l’Etat et ma peine est pour le Niger. J’ai tout fait pour vous servir mon pays en vous éclairant sur bien des choses, en apportant mes conseils et mes préconisations. Mais, j’ai aussi critiqué, parfois avec sévérité et c’est dans l’ordre normal des choses. « Le fameux devoir d’ingratitude » ou encore le dicton « qui aime bien châtie bien ». En vous servant, c’est mon pays que je servais. Que vous ayez royalement ignoré mes services et prestations, c’est une chose et je le comprends fort bien. On m’a dit que vous n’aimez pas beaucoup les critiques et la contradiction. Eh bien, aujourd’hui, c’est bientôt l’épilogue. Vous aurez probablement l’occasion de revoir le film de nos rapports singuliers. Le Niger, vous le laissez dans une situation catastrophique à tous points de vue.

Monsieur le “Président”

Vous comprenez sans, en votre âme et conscience, que je ne vous fasse pas d’éloges. Je ne peux vous en faire. J’aurai bien voulu le faire, mais l’état dans lequel vous laissez le Niger, m’en dissuade. J’aime si bien mon pays pour le trahir. Adieu, monsieur le “Président”. Que Dieu bénisse le Niger et le préserve des périls qui le guettent !

Que Dieu aide le peuple nigérien dans son juste combat pour sa souveraineté, la restauration de la démocratie et de la justice !

Que Dieu punisse tous ceux qui ont trahi ce pays, de quelque façon que ce soit !

Mallami Boucar