Né à Iferouane, ville voisine d’Arlit située au pied du massif de l’Air à 1700 km de Niamey, Rhissa Ag Boula fonde en 1984 avec Mano Dayak et ses amis français une agence de tourisme dénommée Temet. En 1991, il fait partie du petit groupe qui lance une lutte armée contre le pouvoir central de Niamey. Une lutte armée qui va durer quatre (4) ans. Rhissa Ag Boula dirige le front de libération de l’Air et de l’Azawak (FLAA), crée en 1991, dont le premier fait d’arme est l’attaque du poste militaire d’Aderbissinat, le 30 décembre 1991. En 1993, le FLAA éclate en trois mouvements défendant des intérêts tribaux ou géographiques différents. Le front de libération de Tamoust (FLT) de Mohamed Akotey, l’Armée révolutionnaire de libération du Nord-Niger et le front de libération de l’Air que dirige Rhissa Ag Boula, puis en 1994 le front populaire de libération du Sahara (FPLS). A l’occasion de négociations avec le pouvoir de Niamey qui conduisent aux accords de paix de 1995, la plupart de ces fronts décident de la création d’unions, à savoir l’Organisation de la résistance armée (ORA) conduite par Rhissa Boula et la coordination de la résistance armée (CRA) conduite par Mano Dayak. Les pourparlers débouchent sur la signature d’un accord de paix le 24 avril 1995.
Rhissa Boula, l’homme politique. Ministre du tourisme et de l’artisanat en 1997 à 2004, l’ancien rebelle fait alors son entrée dans le gouvernement du général Baré Maïnassara. Ancien guide touristique, Rhissa Boula avait pris sa fonction à bras le corps pour faire venir des touristes au Niger. En s’offrant souvent des escapades dans le Ténéré. A l’époque, il reconnait avoir du mal à travailler dans un bureau, à se plier au Protocole d’Etat. Pour lui : « Habiter à Niamey, c’est le bagne ».
En 2004, il est accusé de complicité dans le meurtre d’Adam Amangué, président de section du mouvement national pour la société de développement (MNSD Nassara, au pouvoir à l’époque). Adam Amangué est abattu le 26 janvier 2004 de « trois balles dans la tête tirées à bout portant ». Inculpé de complicité le 19 février 2004, Rhissa démissionne du gouvernement. Il sera incarcéré à Say. Le front de libération de l’Air et de l’Azawak dirigé par Mohamed Ag Boula, alias Kiddi, avait voulu échanger quatre militaires qu’il détenait en otage contre la libération de son frère Rhissa Boula. Des négociations libyennes ont abouti à la libération provisoire de Rhissa Ag Boula, un mois après la libération des otages. Il part en exil en France de 2007 à 2008. Il tente une médiation au nom des rebelles exilés en Europe. Il est condamné à mort par contumace le 14 juillet 2008. N’ayant plus rien à attendre du régime de l’époque. Rhissa se lance une nouvelle fois dans la rébellion. De 2007 à 2009, le MNJ (mouvement des nigériens pour la justice) déclenche une nouvelle rébellion au Niger. Rhissa Ag Boula crée alors le mouvement du FFR jusqu’au 18 février 2010. Après le coup d’Etat de 2010 contre le régime Tandja, Rhissa et les autres chefs retournent à Niamey pour accélérer la réinsertion des anciens rebelles. Le 29 mars 2010, il est arrêté à Niamey. Le 4 décembre 2010, Rhissa Boula bénéficie d’un non-lieu prononcé par la Cour d’assises. En 2011, il est élu conseiller régional d’Agadez. En septembre 2011, il est nommé conseiller du président Issoufou Mahamadou. Puis ministre à la Présidence, chargé du programme ‘’ Agadez Sokni ‘’. C’est cet homme atypique, qui a consacré une partie de sa vie à remettre en cause l’intégrité du territoire pendant plusieurs de rébellion armée et sans expérience du domaine sécuritaire qui est nommé ministre d’Etat en charge de la sécurité à la Présidence. Rhissa Ag Boula, un homme impulsif qui a toujours cru être au dessus de certaines règles de la société. Un ancien maquisard et séparatiste, Rhissa Boula a, désormais, la lourde charge de veiller sur la sécurité de l’homme de la continuité. Sa nomination à ce poste stratégique embarrasse certaines chancelleries étrangères. Aussi, pour certains responsables, la nomination de l’ancien rebelle Rhissa Ag Boula au poste de ministre d’Etat en charge de la sécurité à la Présidence est l’une des premières erreurs de leur nouveau président. Car, pour eux, Rhissa n’aurait pas une image de républicain aux yeux des Nigériens. Pour eux, lui confier un rôle aussi capital est une erreur gravissime qui ternit davantage l’image de leur régime. De chef d’agence touristique à l’homme politique en passant par le statut de chef rebelle, Rhissa Ag Boula s’est, toujours, montré tranchant et dissident. En tant que chef rebelle, Rhissa ag Boula avait toujours revendiqué le territoire de l’Azawak et de l’Air. Aujourd’hui qu’il a en charge la sécurité de la Présidence du Niger va-t-il amener les autorités de Niamey à accéder à ses voeux ?
A.S