Lors de sa prestation de serment, Bazoum Mohamed, proclamé président de la République par la Cour constitutionnelle, a laissé entendre que « quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes ». Et que « son parti politique, sa ‘base’, sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre ». Tout est ici dit, même les non-dits ont été saisis par les Nigériens à travers ce « désormais ». Des Nigériens avides de justice, de traitement égal devant la loi. Des Nigériens qui ont décrié pendant 10 ans, correspondant aux deux mandats de Mahamadou Issoufou à la tête de l’Etat, la mauvaise gouvernance économique et politique. Une gestion dont, bien entendu, Bazoum Mohamed est comptable, étant une pièce maitresse de la galaxie rose. Une décennie au cours de laquelle les Nigériens ont connu toutes sortes de catégorisations et de vexations, avec en sus un traitement inégal devant la loi. Harcèlement et prisons pour les dénonciateurs et les libres penseurs dont les hommes politiques de l’opposition, les journalistes, les lanceurs d’alerte, les acteurs de la société civile. Impunité totale pour tous ceux qui ont fait allégeance à la renaissance et qui trainent de casseroles bruyantes à leurs pieds et à leurs cous. Aucun n’a été inquiété, comme s’ils étaient munis d’un permis de tout dire, de tout faire, sans avoir à répondre devant la loi. Impliqués dans les plus grands scandales politico financiers, ils ont, au grand dam du peuple nigérien bénéficié de la protection, que dire, de la bénédiction du système. Pourtant, bénéficiant de leurs positions dans l’appareil de l’Etat, ils ont dilapidé les ressources nationales, et mis en péril les intérêts vitaux de la République. Uniquement mus par leur confort personnel, leurs intérêts égoïstes et de clan. Tout en narguant de la manière la plus insolente qui soit les citoyens nigériens qui, pendant ce temps, ont du mal à joindre les multiples bouts du mois. Dans un contexte marqué par d’attaques terroristes presque quotidiennes, chaque jour plus meurtrières, dans les rangs des civils comme des militaires. Ace sujet justement, certains ont poussé l’outrecuidance, l’indécence et un mépris affiché pour le peuple nigérien, jusqu’à détourner les fonds destinés à la défense du territoire national et à la sécurité des citoyens. Voilà les suppôts du terrorisme. Dans presque toutes les régions du Niger, la situation de désolation, de déplacement de populations, de massacres de paisibles citoyens, de rapt du cheptel, d’incendies des greniers, est la même. En particulier à Diffa, Tillabéry, Tahoua et Maradi.
Autant dire que les ressources nationales ont été gérées de manière opaque, comme on dépense son argent de poche, une gestion des plus artisanales. Loin de « la bonne gouvernance » et de « l’efficacité de la dépense publique » tant fredonnées et martelées par le PNDS-Tarayya quand il était à l’opposition.
Les affaires qui ont jalonné la gouvernance de la renaissance sont nombreuses. Certaines ont même défrayé la chronique internationale, faisant les choux gras de journaux à grands tirages, écornant terriblement au passage la crédibilité du pays chèrement acquise sous la Vème République. La vente circulaire de l’Uranium dite Unaniumgate, le prêt frauduleux d’eximbank, le prêt miraculé du Congo, l’achat du vieux coucou pour le camarade président et ses accessoires (hangar et système anti-missile), le don de riz pakistanais, l’affaire africard, les 20 milliards de l’ARTP, l’affaire Mukuri, la gestion du pétrole nigérien, le scandale du ministère de la défense, les containers de la SORAZ... Tous ces dossiers attendent d’être dépoussiérés et tirés au clair devant les juridictions compétentes.
Sans oublier les milliers de fois où, par de grossières violations de la loi, le régime a porté atteinte aux droits humains et emprisonné des opposants et des libres penseurs.
Il est bien de faire des professions de foi, mais le mieux et le plus juste serait de passer aux actes. Le ‘désormais’ ne permet pas de faire table rase de tout ce que les nigériens ont vécu et subi pendant ces dix dernières années, et de continuer en faisant comme si de rien n’était. Le Niger et les Nigériens attendent d’être dans leurs droits, leur dignité.
Dans le même discours d’investiture, Bazoum a proclamé : « Je serai implacable contre les délinquants parce que j’ai conscience du tort que porte la corruption au développement du pays. Elle constitue par ailleurs une grande source de discrédit pour un régime et comme telle, elle est un grand facteur d’insécurité ».
La prise de conscience est louable, mais si elle n’est pas suivie de décision et d’actions concrètes conséquentes, elle ne sert à rien. Bazoum aura besoin pour ce faire de beaucoup de courage et d’abnégation.
« L’agir est la forme pure du vouloir ». Le philosophe comprendra.
A.S