Le lundi 7 juin 2021, à l’invitation de Bazoum Mohamed, les organisations de la société civile nigérienne se sont rendues massivement à la présidence de la République pour y rencontrer le nouveau locataire des lieux. Une nouvelle diversement appréciée au sein de l’opinion publique nationale. Les uns estiment que le débat sur la légitimité de Bazoum Mohamed à la candidature est suranné et que ses premiers pas dans la gestion des affaires de la cité commandent de lui accorder le bénéfice du doute tandis que les autres restent inflexibles. La position, nettement tranchée de ces derniers est…dans ce propos de Kané Kadaouré Habibou, le président du SDR Sabuwa : « En démocratie, la légitimité au pouvoir s’obtient auprès du peuple souverain et encore plus dans les urnes par l’entremise d’élections libres, transparentes et inclusives ; jamais dans les efforts de cooptation au sein des forces vives de la nation ou au moyen d’opérations de séduction ciblées ». Une mise au point qui traduit toute l’apprêté de la tâche de Bazoum Mohamed. Pour autant, les petits pas du nouveau locataire du palais de la présidence ne sont pas négligeables. Pour preuve, nombre d’acteurs qui lui contestaient toute légitimité à se présenter à l’élection présidentielle se sont fait une raison et ont répondu présents à son invitation. Bazoum Mohamed, il faut le dire, s’est fait séduisant. Ayant pris le contre-pied de la politique de son prédécesseur qui a plutôt privilégier une politique antisociale, sur fond de bras de fer permanent avec les leaders de la société civile, Bazoum a certainement marqué un point important en initiant cette rencontre avec les OSC.
Sa rencontre d’avec les organisations de la société civile sonne probablement le glas d’une politique qui a prévalu sous Issoufou et qu’il n’a pas manifestement l’intention de poursuivre.
S’il a promis, plus à Issoufou et ses alliés qu’aux Nigériens, la continuité, il faut toutefois remarquer que Bazoum n’a rien de quelqu’un qui est décidé à assurer la continuité. Jusqu’à preuve du contraire, les actes qu’il pose tendent à donner espoir à ses compatriotes quant à un changement de politique interne. Sa rencontre d’avec les organisations de la société civile sonne probablement le glas d’une politique qui a prévalu sous Issoufou et qu’il n’a pas manifestement l’intention de poursuivre. Face aux OSC, il l’a presque avoué en déclarant en substance : « Nous ne concevrons jamais et nous n’avons jamais conçu la façon pour nous de gouverner comme n’étant pas compatible avec l’existence d’acteurs de la société civile qui ont un rôle très important pour la vitalité de notre démocratie, de par sa fonction qui consiste à alerter les pouvoirs publics et à les dénoncer, aussi, le cas échéant ». C’est clair, Bazoum a sonné la cloche de la rupture. Il compte ouvrir une nouvelle façon de gouverner, loin, très loin, de la vision chaotique de son prédécesseur.
À chaque étape, Issoufou Mahamadou perd davantage de plumes, les actes de bonne volonté de Bazoum lui jetant le discrédit et l’hallali d’après match.
Cette voie que Bazoum est en train de se tracer, pour séduisante et prometteuse qu’elle soit pour une détente du climat social au Niger, risque pourtant d’être ardue. Issoufou Mahamadou, dont le pouvoir est presque resté intact, est le principal perdant dans cette affaire. À chaque étape, il perd davantage de plumes, les actes de bonne volonté de Bazoum lui jetant le discrédit et l’hallali d’après match. Pour une fois, les organisations de la société civile n’ont pas été divisées en organisations démocratiques et putschistes. Toutes, sans exception, ont été considérées sur le même pied d’égalité. Bazoum, de ce point de vue, est bien parti pour gagner son premier combat. Il lui faut, notent les observateurs, travailler à rompre d’abord les amarres avec le système issoufien, puis, progressivement, l’enterrer en tournant le dos à ses pratiques. Une tâche qui n’est pas aisée et qui risque de coûter très cher à Bazoum Mohamed. S’il tergiverse longtemps en cherchant à jouer aux équilibristes dans un contexte où le système issoufou n’a aucune espèce de crédibilité, il risque, à terme, de voir ses hôtes d’hier reprendre à nouveau le sentier de la “guerre”. Une éventualité qui n’est pas si difficile à imaginer, les mauvaises pratiques, notamment en matière de passation de marchés et de gestion des fonds et biens publics, ayant la vie dure sous la 7e République. Si Bazoum donne, dans ses discours, des gages de bonne volonté de faire renouer l’Etat avec les principes de la bonne gouvernance, il a toutefois du mal à convaincre. Récemment, des marchés de plusieurs milliards ont été octroyés à des opérateurs économiques proches du régime par entente directe.
Bazoum Mohamed n’ose pas, selon des personnes avisées, susciter le courroux du parrain en initiant une lutte véritable contre la corruption.
Les discours de Bazoum sont-ils de simples professions de foi ? Il est très tôt pour en juger, même si pour certains, tant qu’il ne fera pas juger les affaires connues, il n’y a aucune raison de lui faire confiance. En attendant, donc, de voir si Bazoum va pouvoir tenir la route en respectant ses engagements, Issoufou Mahamadou et ses ouailles ne seraient pas, dit-on, contents de ces tendances bazoumistes. La rencontre du lundi a particulièrement sonné dans le camp d’Issoufou comme une volonté d’ouvrir les vannes pour le retour des pestiférés du système. Et après les OSC ? La gouvernance nouvelle, telle que Bazoum est en train d’en tracer les voies, ne peut qu’inquiéter Issoufou Mahamadou qui a bien promis de ne pas laisser son successeur faire sans se mêler à la gestion des affaires publiques ; « Son échec, c’est le mien, c’est le nôtre à tous » et « je suis là pour lui donner des conseils, lui dire la vérité ». Jusqu’où alors le mentor peut-il estimer que le poulain a dépassé les bornes ? La lutte contre la corruption pourrait être, note-ton, le sujet de la rupture totale. Bazoum ne peut pas convaincre sans s’attaquer à certains dossiers à scandales financiers. Or, il n’ose pas, selon des personnes avisées, susciter le courroux du parrain en initiant une lutte véritable contre la corruption.
Yaou