Le 10 juillet prochain, Bazoum Mohamed va boucler ses 100 jours à la tête de l’Etat. Un évènement attendu pour faire son premier procès et que l’intéressé travaille à préparer sous les meilleurs auspices. Son souci, c’est de ne pas échouer son premier test. Pour cela, il l’a compris, il n’a pas dix mille solutions : il faut oeuvrer à faire comprendre que Issoufou et sa gouvernance, c’est du passé. Un passé révolu qu’il compte rapidement enterrer sans faire du bruit. Bazoum Mohamed, c’est certain, est en train d’enterrer Issoufou Mahamadou et sans sa gouvernance scabreuse. Sans un mot. Dans le silence bruyant de ses petits pas, le Président Bazoum étale ses desseins pour le Niger et son peuple. « C’est la rectification », dit un grand militant du Pnds qui a requis l’anonymat. Sans dire un mot, et sans affronter frontalement l’oligarchie du parti, Bazoum Mohamed avance ses pions, détruit méthodiquement les fondements d’une gouvernance scabreuse dont les Nigériens ne veulent pas et qu’ils ont subie durant 10 ans. Le retour des populations de l’Anzourou, celui de Baroua, le séjour de trois jours qu’il vient d’effectuer dans la région de Diffa sont autant d’écarts observés d’avec celui qui l’a précédé. Sous Issoufou, les zones et les populations fuyant les attaques terroristes étaient presque laissées à leur sort. Avec Bazoum, elles reprennent confiance, retrouvent leurs terroirs abandonnés et l’activité économique, complètement étouffée sous son prédécesseur, est en voie de relance. Deux tableaux qui ne peut être confondus et sur lesquels les Nigériens ne transigent pas.

Bazoum Mohamed est en train d’inaugurer une gouvernance plus humaine, sociale et sécuritaire véritablement tournée vers les intérêts du Niger. Pas de l’étranger, comme c’était le cas sous Issoufou.

S’il s’agit d’actes de complicité afin de donner à Bazoum Mohamed la légitimité que lui contestent de nombreux Nigériens, les Nigériens sont plutôt gagnants puisque, dans la pratique, le régime s’est vu contraint d’amorcer un changement de paradigme dans la gouvernance. S’il n’a pas encore obtenu gain de cause dans ses revendications pour une justice équitable pour les auteurs de corruption et de détournements des deniers publics, phénomènes récurrents, sous Issoufou, qui ont saigné à blanc les finances publiques, le peuple nigérien est toutefois porté sur l’espoir d’une gouvernance plus humaine, sociale et sécuritaire véritablement tournée vers les intérêts du Niger. Pas de l’étranger, comme c’était le cas sous Issoufou. Selon certains, les actes posés par Bazoum procèdent d’une stratégie visant à s’attribuer une légitimité qu’il n’a pas. Pour eux, il pose des actes calculés, soigneusement encadrés avec et sous la houlette de ceux qui l’ont imposé afin de désamorcer la bombe laissée derrière par Issoufou. Pour preuve, avancent- ils, Bazoum Mohamed n’a pas encore osé s’attaquer aux intérêts du cartel en faisant poursuivre ses membres auteurs de corruption et de détournements massifs des deniers publics.

Des scandales financiers imprescriptibles.

Le Président Bazoum, qui accumule les points de sympathie, n’a toujours pas convaincu les plus sceptiques quant à sa volonté de faire de la lutte contre la corruption et les infractions assimilées son cheval de bataille. Ils sont d’autant plus sceptiques que d’importants dossiers de malversations financières dorment dans les tiroirs de la justice et/ ou de la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia). Or, à moins qu’il veuille passer l’éponge sur les délits et crimes restés impunis, Bazoum ne peut consolider à terme l’espoir et la sympathie qu’il suscite sans s’intéresser à ces dossiers qui sont restés dans la mémoire collective comme étant des scandales financiers imprescriptibles.

C’est indiscutable, la page Issoufou est en train d’être tournée

Les petits pas de Bazoum constituent- ils pour autant la résultante d’une conspiration inspirée de ses mentors pour tromper le peuple nigérien et l’endormir sur les véritables enjeux du moment ? Pour les militants extrémistes du Pnds, ce qui se publie dans certains journaux et qui loue la gouvernance que le président Bazoum inaugure ne peut être inspiré que par une volonté d’opposer le nouveau locataire du palais présidentiel à l’ancien. Et ils réagissent comme ils peuvent afin, comme ils disent, de faire avorter le complot. Des réactions épidermiques qui traduisent à la fois la gêne et l’angoisse qui les tenaillent. Ils auraient sans doute souhaité qu’il n’y ait point d’écart entre Issoufou, perçu comme le plus mauvais chef d’Etat que le Niger ait connu, et Bazoum qui cherche à s’émanciper légitimement de la gouvernance scabreuse de son prédécesseur. Complot ou pas, Bazoum est en train de faire les choses conformément aux attentes de ses compatriotes et cela, de toute évidence, constitue un pied de nez à Issoufou. Il ne parle pas, mais il est en train d’agir différemment et les Nigériens, qui ont très envie d’oublier les 10 années de cauchemars issoufiens ne peuvent que s’en réjouir. C’est indiscutable, la page Issoufou est en train d’être tournée. Malgré les soubresauts de partisans farouches qui se débattent pour un baroud d’honneur sans issue, Bazoum Mohamed est en train de l’»enterrer».

L’ancien président ne peut de toute façon éviter d’être «enterré»

Bazoum le sait, l’oligarchie du Pnds, qu’il connaît mieux que quiconque, l’attend au tournant. Elle ne lui fera pas de cadeau si jamais…Peut-être est-ce parce qu’il est justement conscient de l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête que Bazoum Mohamed n’a pas encore donné âme et vie à son discours sur la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ? Issoufou Mahamadou, que l’on dit malade de la belle publicité qui est faite à son successeur au cours de ses 100 premiers jours à la tête de l’Etat, ne s’inquiète pas toutefois de ce que son protégé pourrait entreprendre dans ce sens. Selon une de nos sources, Bazoum fera tout, sauf s’en prendre aux auteurs de détournements et de corruption. Sur ce sujet, a-t-il souligné, ses propos resteront une simple profession de foi. La déception est au bout pour les Nigériens, mais l’ancien président ne peut de toute façon éviter d’être «enterré ». Les approches de Bazoum Mohamed, ses discours et ses actes sont aux antipodes de ceux d’Issoufou Mahamadou, si méprisant vis-à-vis de ses compatriotes et de leurs aspirations.

Bazoum l’a cimpris : il lui suffit de rectifier quelquesunes des dérives et autres aberrations de son prédécesseur pour se faire applaudir

« Son échec, c’est le mien », a dit Issoufou Mahamadou à propos de Bazoum Mohamed. Les Nigériens, eux, disent pourtant que le succès de Bazoum ne fait pas l’affaire d’Issoufou. La réinstallation des populations locales dans leurs villages, entreprise avec succès, en est un bel exemple. Tandis qu’ils acclament l’actuel chef de l’Etat, les populations vouent l’ancien aux gémonies. Issoufou Mahamadou a si mal gouverné qu’il suffit pour Bazoum de rectifier quelquesunes des dérives et autres aberrations de son prédécesseur pour se faire applaudir. Il l’a fort bien compris et ne s’en prive pas. Un pied de nez continuel qui est certainement de nature à exaspérer Issoufou qui ne tient pas, et il l’a dit, à tomber dans l’oubli. Surtout pas sous Bazoum Mohamed.

Doudou Amadou