S’il est un héritage- dans la gouvernance- dont le président Bazoum se serait passé volontiers, c’est la multitude d’affaires qui a émaillée le règne de son prédécesseur et camarade. L’implication dans ces affaires des camarades, amis et probablement parents de l’actuel président du pays rendra la tâche extrêmement difficile en dépit de la profession de foi, le deux avril dernier lors de la cérémonie de prestation de serment. Cela est d’autant plus compliqué qu’il était, au cours des dix années de la présidence Issoufou, au coeur du système. Même s’il n’est directement ou du tout impliqué dans ces affaires, son refus ou son incapacité de crier gare font de lui comptable de la gestion. On feint d’ignorer que la première affaire qui a franchement secoué le pouvoir du PNDS est l’octroi d’un marché à un député en exercice au mépris de la Constitution et des lois de la République. Les protagonistes de cette affaire sont : Kalla Hankouraou, alors ministre de l’Equipement ; Ouhoumoudou Mahamadou, ministre de des Finances en ces moments. On se rappelle que leur démission a permis d’étouffer l’affaire. Aujourd’hui, Ouhoumoudou et Hankouraou sont respectivement Premier ministre et Premier vice président de l’Assemblée nationale. C’est-à-dire les numéros deux des deux plus importants pouvoirs : l’exécutif et le législatif. Même si un bon musulman doit croire à la repentance, il est légitime de douter de la marge de manoeuvre du président de la République dans la lutte contre la corruption avec le passé de ses proches collaborateurs.
L’impunité est aussi un héritage de la gouvernance Issoufou. Même si le président Bazoum refuse, pour le moment, de fouiller dans les poubelles pour toutes les affaires passées, il sera, disent ses proches, intransigeant au cours de sa gestion. Seulement, dans de telles affaires, il arrive, parfois, que les poubelles viennent à vous. C’est exactement ce qui se passe dans l’affaire du comptable de la présidence. L’affaire Ibou Karadjé. Elle est loin d’avoir livré tous ses secrets. Et un jour ou l’autre, la vérité finira par jaillir. Si, évidemment, tout ce qu’on dit du nouveau locataire du palais est vrai. Cette perspective est l’espoir de tous le Nigériens. La volonté d’assainir doit être accompagnée de vigilance. D’autant que les prédateurs, ceux d’hier, ont plus d’un tour dans leur sac. Si au cours de la gouvernance passée, l’entente directe, nouvelle version du gré à gré, était devenue la règle dans la passation de marchés, aujourd’hui une technique plus affinée est mise en oeuvre par les prédateurs pour exclure nombre de Nigériens. L’urgence. Il est créé exprès un retard considérable dans la mise à disposition des dossiers d’appel d’offres. On attend le dernier moment pour exprimer le besoin. Et on prend le prétexte de l’urgence pour attribuer le marché sans soumission d’autant que le temps presse.
Le marché est attribué aux amis. L’exemple des engrais et les aliments bétail est illustratif. La nécessité de ces deux produits se fait sentir à l’approche de la saison des pluies. Les soumissionnaires n’ont ni le temps de constituer les dossiers, ni de faire les démarches auprès des banques pour l’achat des produits. Les adjudicateurs sont exclusivement les nouveaux bourgeois créés du temps du régime précédent. Certains ont thésaurisé, d’autres ont pris des actions, s’ils ne sont pas propriétaires, dans des sociétés généralement de droit d’un pays voisin ou d’un pays européen. Dans le domaine des infrastructures, par exemple, la quasi totalité des travaux d’une de nos régions ont été exécutés par une société d’un pays voisin au détriment des entreprises nigériennes qui ont pour la plupart déposé le bilan ou mis leurs travailleurs au chômage’ technique. L’essentiel des commandes des engrais est régulièrement revenu à une entreprise de ce pays. Pourtant ces entreprises n’ont pas pignon sur rue dans leur pays d’origine. Là encore le président Bazoum semble avoir les mains liées. D’autant, selon certains milieux, que les relations de l’ancien président avec les dirigeants et entreprises de ce pays voisin sont le fait du président Bazoum. C’est lui aurait ses entrées dans la capitale de ce pays et qui y aurait introduit le président Issoufou. Les dispositions des organisations sous régionales permettent l’installation des entreprises des pays de ces communautés, mais la règle est qu’elles soient performantes et respectent les textes et la législation des pays où elles s’installent. Ce qui n’est apparemment pas le cas. Difficile dans ces conditions de lutter efficacement contre la corruption.
Modibo