Monsieur le Président Yvan Colona, le leader séparatiste corse, vient de mourir, victime d’une agression alors qu’il était en détention. Pourtant, personne ne vous a entendu dire qu’il pourrait avoir été assassiné pour son combat.
En toute honnêteté et sauf votre respect, je ne vous croyais pas capable d’une telle compassion devant la mort et/ou certaines conditions affligeantes pour l’homme. « … », avez-vous twitté, oubliant certainement ce que vous aviez déclaré dans une interview au lendemain de l’assassinat du Président Ibrahim Maïnassara Baré, le 9 avril 1999. « En avril 1999, alors que le Niger entier était encore sous le choc, vous ne vous étiez pas du tout gêné en affirmant que « Je ne crois pas vous révéler un secret en vous disant que la disparition de la quatrième République dont nous avons toujours récusé la légitimité ne nous cause aucun regret ». Et vous aviez ajouté que « Il n’y aurait donc aucun sens que lorsque des militaires viennent rendre possibles toutes les exigences, en vue d’un nouvel ordre démocratique pour notre pays, que nous le combattions ». A l’époque, nombre de Nigériens qui n’étaient pas forcément d’accord avec le général-président, avaient été choqués par la froideur de votre propos. Je ne parlerais pas d’indécence, mais je crois savoir que c’est tout de même trop fort d’avoir une réaction aussi délirante face à la mort. Il n’y a plus de combat après la mort. Tous les morts se valent.
Vous avez également oublié, et mon devoir est de vous le rappeler, les conditions d’injustice dans lesquelles vous avez maintenu des opposants politiques et des acteurs de la société civile en prison, dans certains cas, durant des années. Ne l’oubliez pas, personne ne connaît le terme de sa vie, pas plus, d’ailleurs, que celui des autres. L’honorable Bakary Saïdou, ancien président du groupe parlementaire du Moden Fa Lumana Africa, a été détenu pendant cinq ans sans jugement. Où étiez-vous pendant qu’il croupissait en prison ? Ne saviez-vous pas qu’il aurait pu mourir en prison ? Soumaïla Boubé Maïga dont la mort, dans une clinique de Bamako, vous a choqué, est, lui, accusé d’avoir détourné des milliards destinés à l’armement des Forces armées maliennes. De quoi sont accusés les opposants politiques et acteurs de la société civile que vous gardez à la prison de haute sécurité de Koutoukalé ? Le colonel Soumana Zanguina, un excellent officier des Forces armées nigériennes, n’est-il pas mort alors qu’il était en détention ? Combien de prisonniers d’opinion gardez-vous en prison, actuellement ?
Monsieur le “Président” Je crois que vous en faites, vraiment, trop en ce qui concerne le Mali. De toute l’Afrique, vous êtes les seules autorités à avoir avancé que le défunt Soumaïlou Boubé Maïga a été assassiné. Vos compatriotes, qui savent l’animosité particulière que vous nourrissez vis-à-vis des autorités de la Transition malienne, vous soupçonnent d’être dans une croisade contre elles et que vous agissez ainsi dans le sillage de l’Elysée. Sur quoi vous fondez- vous pour savoir qu’il a été assassiné ?
Vos compatriotes vous soupçonnent, je ne vous le cache pas, d’être instrumentalisés par les autorités françaises qui vous font porter des discours qu’elles seraient davantage à l’aise de défendre et de soutenir pour discréditer les autorités maliennes. Votre position dans cette affaire est si virulente que vous m’enlevez tout moyen de défense. Car, à supposer que vous n’êtes pas d’intelligence avec la France dans le dossier malien, il est si peu probable que vous faites ce que vous faites au nom de la démocratie, de la liberté et des droits humains. En tout cas, à l’extérieur, vous êtes mal vu et votre action vis-à-vis du Mali paraît une action par procuration de Paris. Vous devez vous amender. Savez-vous ce qu’une certaine Nathalie Yamb a écrit sur vous à la suite de vos propos sur la mort de Soumaïlou Boubé Maïga ? Ah, cette dame, j’ai bien envie de lui régler son compte pour vous avoir traité de serf au service de la France. Si elle était de nationalité nigérienne, je vous conseillerais vivement de la faire rapatrier, menottes aux poignets, pour la faire goûter aux affres de la prison de haute sécurité de Koutoukalé. L’Occident, à qui vous avez tout donné au Niger, ne vous refuserait pas une telle faveur.
Monsieur le “Président”
À peine vous avez tenu ces propos désobligeants vis-à-vis des autorités de la Transition malienne, Yvan Colona, le leader séparatiste corse, vient de mourir, victime d’une agression alors qu’il était en détention. Pourtant, personne ne vous a entendu dire qu’il pourrait avoir été assassiné pour son combat. Ce ne sont pas les raisons qui manquent et les autorités françaises pourraient bien l’avoir fait assassiner pour émousser le mouvement corse. Ce ne serait pas la première fois. En Nouvelle Calédonie, Jean- Marie Tjibaou, le leader indépendantiste kanak, a été sauvagement assassiné par la France le 4 mai 1989. Un autre cas, votre vieil ami burkinabè, feu Salif Diallo, a été retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel parisien. Personne, malgré vos solides relations, ne vous a entendu soupçonner un assassinat, tant à l’encore des autorités de la France, pays dans lequel il a été retrouvé mort alors qu’il s’apprêtait à vous rejoindre à Niamey, que vis-à-vis des dirigeants de son pays, le Burkina Faso où il était soupçonné de vouloir organiser une révolution de palais pour prendre le pouvoir.
Monsieur le “Président”
Vous souvenez-vous que le colonel Soumana Zanguina a tiré sa révérence au Centre hospitalier de Lamordé, alors qu’il était en détention ? Avait-il été assassiné ? Les raisons de sa détention pourraient le laisser penser. Pourtant, personne ne vous a accusés de l’avoir assassiné. Le Niger, je me fais l’obligation de vous le rappeler, encore une fois, n’a pas les mêmes intérêts que la France. Vous devez, particulièrement sur les affaires africaines, faire preuve de retenue et de réalisme. Vous avez tant de chose à vous reprocher que vous feriez mieux de faire votre propre introspection. Je sais que vous êtes pleinement conscient de tout ce que vous commettez comme impairs mais que cela ne vous fait ni chaud ni froid. Je n’oublie pas, en tout état de cause, que vous avez déclaré que « plus comploteur que vous, on meurt » et que, de ce point de vue, il n’y a pas à croire que vous agissez dans l’ignorance. Vous savez ce que vous faites, ai-je dit à quelqu’un qui m’a interpellé à ce propos. Vous avez fait un choix de gouvernance, advienne que pourra. Demain, certainement, l’Histoire retiendra ce que vous avez été pour ce pays. Ce jour-là, le Niger et le Mali se retrouveront, peut-être avec la facilitation de cette même France pour qui vous êtes prêts à tout sacrifier. Souvenez-vous des mots du Général De Gaule : « La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts à défendre ». Et demandez autour de vous ceux qui connaissent quelque chose aux tactiques de jeu en football. Un joueur peut-être déterminant aujourd’hui dans le système de jeu adopté par l’entraineur et complètement inutile, demain, parce que le système dans lequel il a une place n’est plus de rigueur.
Mallami Boucar