Selon des informations que j’ai pu glaner ici et là, vous êtes toujours quelque part, dans le monde, en dehors du Niger depuis votre départ de Niamey pour l’Assemblée générale des Nations-Unies à laquelle, j’en ai des échos, vous avez effectivement pris part. Votre agenda, je l’ai également relevé, n’a pas été de tout repos. Vous avez notamment eu une séance de travail avec le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et vous avez pris part à la cérémonie d’ouverture du sommet de haut niveau sur la transformation de l’éducation. Je n’ai pas connaissance de votre retour au pays, mais j’imagine que vous ne ferez pas comme l’autre qui se baladait, sans souci, même lorsque le Niger était endeuillé par des attaques terroristes particulièrement meurtrières. Vous êtes si loin de Niamey, mais j’imagine que, où que vous soyez et quoi que vous fassiez, vous avez écho de ce qui se passe au pays. De toute façon, vous n’êtes pas le seul absent du territoire national et pratiquement pour les mêmes motifs. L’autre, aussi, je veux dire votre prédécesseur, était également à New York dans la même période, pour prendre part, avons-nous appris, à la deuxième réunion de la commission mondiale sur la réduction des risques climatiques liés au dépassement. Comme toujours, il se retrouve, comme par hasard, là où vous allez, donnant vaguement l’impression que vous vous êtes réparti les tâches et les responsabilités au sommet de l’État.
Les propos, fort évocateurs, de l’ancien gouverneur de Maradi, Zakari Oumarou, à Tahoua lors des vacances annuelles ou rentrée politique de votre prédécesseur, sont de nature à susciter des réflexions quant à la nature du pouvoir d’État que vous exercez. Il est indiscutable que c’est vous qui avez prêté serment, la main droite sur le Saint Coran. Cependant, des amis prétendent que lorsqu’ils ont entendu Zakari Oumarou menacer de la pire malédiction quiconque oserait trahir Dan Illéla, ils ont frissonné. S’agirait-il, se sontils interrogés, d’un autre deal dont les Nigériens n’ont pas encore connaissance ? Pour moi, et certainement pour de très nombreux compatriotes, c’est à vous que ce message énigmatique est destiné, pas à quelqu’un d’autre. J’ai bien envie de vous demander de quoi parle Zakari Oumarou, mais je sais que vous resterez muet comme une carpe. Autant, vous ne décoderez jamais ce message, autant ceux qui vous l’ont transmis ne le feraient pas. C’est une chance pour vous, une immense chance. Car, c’est un atout dont l’autre ne pourrait pas user, autant dire une force morte dont il ne tirera que remord, chagrin et affliction qui le rendraient malade.
Monsieur le “Président”
Si ce deal que de brillants esprits ont cru avoir décelé dans les propos de Zakari Oumarou existent, faites comme s’il n’existe pas. Il n’engagerait que celui qui a cru pouvoir vous prendre en otage avec ça afin de continuer à faire du Niger ce qu’il veut. Quoi qu’il en soit, soyez sûr d’une chose, les Nigériens vous préfèrent dix fois à l’autre, car entrevoyant avec vous la “lumière”. Ce n’est pas de la naïveté que d’y croire, c’est du réalisme, au regard des faits et des évènements. Le problème est que les 10 années de votre prédécesseur ont si traumatisé vos compatriotes qu’ils sont pressés – c’est justifié, de voir des changements majeurs intervenir dans la gouvernance du pays. Vous le savez, car ayant été au coeur de la machine infernale qui a broyé, détruit et ruiné le Niger sur tous les plans. Votre mérite, et c’en est un grand, c’est de reconnaître que la corruption a ruiné ce pays. Vous avez pris l’engagement de lutter contre le fléau, mais vous n’avez encore rien fait, impuissant que vous êtes face aux ténors du réseau. Je ne vous épargne de rien, je ne dédouane pas parce que vous avez tenu un discours. Un discours, lorsqu’il n’est pas suivi d’actes qui corroborent son contenu, n’a aucune espèce d’importance. En un mot, je ne vous acquitte pas, n’étant pas juge. Toutefois, je suis un citoyen et en tant que tel, mes connaissances, quoique limitées, me permettent de savoir que, généralement et partout ailleurs, les hommes qui font amende honorable, demandent rémission de leurs “péchés” de gouvernants et qui composent pour mettre un terme à un fléau comme la corruption et les délits assimilés, sont accueillis en héros.
Votre arme fatale, c’est justement la lutte contre la corruption. Elle est à la fois légitime et légale et les résultats qu’elle génère sont de nature à vous conférer l’image et la juste perception qui transparaissent dans votre discours d’investiture. Je veux dire que je prends le risque, face à l’Histoire, de croire que ce que vous avez déclaré dans votre discours d’investiture est ce que vous voulez réellement faire. Donnez-vous les moyens de le faire et vous serez, non seulement quitte avec votre conscience, mais vous serez aussi le président que vous entendez être.
Monsieur le “Président”
Vous savez, ils sont nombreux dans l’Histoire, les chefs d’État, rois ou empereurs dans le monde, à avoir été contestés, soit pour une question de légitimité, soit pour la légalité du mode par lequel ils ont accédé au pouvoir, mais qui ont fini par gagner la sympathie et le soutien de leurs concitoyens. Soyez des rangs de ces admirables personnages à qui leurs concitoyens reconnaissent, pour l’éternité, d’avoir travaillé pour l’intérêt général, pour leurs peuples. Je préfère, moi, continuer à espérer de vous voir prendre résolument la voie que souhaite le peuple nigérien que d’être un spectateur engagé face à ce que l’autre se pérapre. Desmond Tutu, une personnalité- clé de la lutte contre l’apartheid, en Afrique du Sud, a tranché le débat : « Si tu es neutre en situation d’oppression, alors tu as choisi d’être du côté de l’oppresseur ». J’ai choisi de parier gros, mais de façon tout à fait lucide et réaliste. Pour tout dire, je préfère rêver de liberté, de justice et de gouvernance politique apaisée que d’imaginer, un seul instant, ce que l’ancien gouverneur de Maradi, Zakari Oumarou, a laissé profiler à l’horizon. Pour moi comme pour des millions de compatriotes, l’autre, c’est un cauchemar à oublier, pas à ressusciter. La relance du Conseil national de dialogue politique (Cndp), la tenue, pour la première fois, d’une manifestation publique au Niger depuis si longtemps, la création, quoi qu’informelle, du mouvement Mousac-Hamzari, sont autant d’actes encourageants qui me font croire que mon pari, je vais le gagner. Le Niger est un trésor pour nous tous et nous devons le préserver pour toujours. Permettezmoi de vous dire, quelles que soient par ailleurs les raisons et les motivations de cette détente politico-sociale, que vous tenez désormais le bon bout. Le Niger, j’en suis convaincu, sortira gagnant de des épreuves présentes.
Monsieur le “Président”
Je vais vous quitter sur ces lignes, non sans vous dire que le mouvement Mousac-Hamzari fait beaucoup jaser. C’est LE sujet de causerie, un peut partout. À votre retour, au pays, je ne sais pas quand, vous allez trouver un peuple qui a commencé sa catharsis avec la marche, suivie de meeting du dimanche 18 septembre 2022. La liberté est fondamentale pour un peuple. En laissant vos compatriotes jouir des libertés publiques consacrées par la Constitution, vous faites d’une pierre, deux coups. Outre que vous creusez davantage l’écart avec l’autre, vous dégoupillez en même temps la bombe qu’il ne faut pas laisser exploser. Bref, vous êtes, sûrement mais lentement, en train d’”enterrer” l’autre et je vous y encourage en prenant des mesures hardies, comme cela s’est fait en Mauritanie et je ne sais où, encore. Bon séjour, monsieur le “Président”.
Mallami Boucar