La rançon de la servitude ? La gifle de l’ingratitude ou encore le compliment attendu du «roi» à ceux qui l’ont fait «roi» ? On ne sait trop ce qui colle au sort actuel de Cissé Ibrahima Ousmane, écroué depuis le vendredi 10 avril 2022 pour atteinte à la sûreté de l’État. Selon l’information qui a fuité, l’intéressé aurait une main dans la prétendue tentative de coup d’État du 31 mars 2021. Pendant ce temps, Loulou, comme l’appellent affectueusement ses proches, était à Ndjamena en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de son pays. Un coup dur pour l’ancien directeur général de la police nationale et surtout ministre de l’Intérieur au cours de la Transition militaire du Csrd. Une Transition sur laquelle il y a beaucoup à dire. Pour ceux qui ont un tant soit peu connaissance de son rôle-clé dans l’avènement au pouvoir de ceux qui l’ont, aujourd’hui, jeté en prison, l’arrestation de Loulou est surprenante, voire invraisemblable. Ministre de l’Intérieur, Loulou a fait le sale boulot de détecter, peut-être d’inventer afin d’éliminer, tous ceux qui sont pressentis comme étant des adversaires et/ou des obstacles à la réalisation des desseins du moment. Il fallait à tout prix qu’Issoufou Mahamadou et le Pnds Tarayya arrivent au pouvoir. La première bataille a été rapidement gagnée en embarquant Djibo Salou, le président du Csrd, dans cette logique qui va vite devenir le sacerdoce de la Transition militaire de 2010. Le gouvernement va être formé avec exclusivement des militants du Pnds Tarayya, pas trop connus de l’opinion nationale mais entièrement dévoués.

Une clientèle composée aussi bien de personnels politiques que d’officiers supérieurs soigneusement sélectionnés.

Dans cette architecture rose de la Transition militaire de Djibo Salou, un homme va jouer un rôle majeur, c’est Cissé Ibrahima Ousmane. Policier de formation et de carrière, Loulou est dit fin limier. À la tête du ministère de l’Intérieur, Loulou va s’atteler, avec abnégation, à surveiller, à collecter des informations et à dresser des rapports circonstanciés sur une certaine clientèle. Une clientèle composée aussi bien de personnels politiques que d’officiers supérieurs soigneusement sélectionnés. Durant la Transition de 2010, les notes ont ainsi plu comme il pleuvrait en zone équatoriale. On ignore la qualité des faits rapportés. Sont-ils fondés ou inventés en vue de nuire ? Le haut commandant de la Garde nationale de l’époque, Abdou Sidikou, le Secrétaire permanent du Csrd, le colonel Badié Abdoulaye, le général Maï Manga Oumara, le colonel Diallo Amadou, le colonel Abdoulkarim Goukoye, le colonel Djibrilla Hima Hamidou, le général Moumouni Boureima, le colonel Maman Souley, le colonel Madougou Wankoye, ont tous fait l’objet de notes de police. Le chef de l’Etat, Djibo Salou, son Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, sont systématiquement mis en copie. Parmi les civils ciblés, il y avait, entre autres, feu Yayé Mahamane, un proche de Hama Amadou, Habsatou Ali, conseillère en genre de feu Tanja Mamadou, Ali Sabo.

Selon les notes de police dont Cissé était le patron, c’est ce dernier qui constituait un obstacle aux officiers désignés déjà dans les notes sous le vocable de « conjurés ».

L’objet de ces notes multiples était d’informer sur des conspirations visant l’élimination du chef de l’État, Djibo Salou. Une d’entre elles épinglait nommément le général Moumouni Boureima, le colonel Badié Abdoulaye, le colonel Sanda, le colonel Adamou Garba, le colonel Abdou Sidikou ainsi que le colonel Mahamadou Mounkaïla dit Limbo. La note, qui les présentait déjà comme des conjurés —c’est le terme utilisé — indiquait ni plus ni moins « qu’ils ont déjà tenté d’attenter à la vie du chef de l’Etat à son retour des États Unis, avec la complicité de certains éléments de l’armée et l’opération n’aurait échoué que grâce à l’intervention du ministre de l’Intérieur qui aurait changé à la dernière minute le dispositif initial prévu sur le tarmac de l’aéroport ». Suivant cette note dont le Courrier a reçu copie, c’est donc à Cissé que la Transition de Djibo Salou, pour ne pas dire d’Issoufou Mahamadou, doit sa survie. Mieux, la note de police précisait que « les conjurés tiennent le ministre de l’Intérieur comme l’unique obstacle pour arriver à leurs fins, ce qui fait qu’actuellement, ils ont monté une campagne visant à le discréditer tant du côté militaire que civil et ils étudieraient la possibilité de fomenter une grosse mutinerie au sein de l’armée qui fragiliserait le chef de l’État et conduirait à sa chute ».

L’arrestation du colonel Abdou Sidikou avait l’air d’un règlement de comptes orchestré par Cissé Ibrahima Ousmane et pour son compte personnel.

C’est suite à ces notes que le colonel Badié Abdoulaye, le colonel Amadou Diallo et le haut commandant de la Garde nationale de l’époque, Abdou Sidikou, ont été mis aux arrêts, en octobre 2010. Le colonel Badié a été arrêté le 13 octobre, dans l’après-midi, à son domicile. Signe de ce qui se profilait à l’horizon, le 10 octobre, soit trois jours auparavant, le poste de numéro 2 qu’il occupait au sein du Csrd, a été supprimé. Cible privilégiée de ce qui ressemblait à une cabale, le colonel Badié s’est vu lourdement chargé. Il chercherait, selon les notes de police, « à tout prix un mécanisme lui permettant de mettre en danger le président du Csrd, Djibo Salou ». Selon, toujours une des notes, « l’intéressé serait toujours aux aguets et attendrait qu’une situation de trouble se crée afin de remplacer Salou Djibo ».

Quid du colonel Abdou Sidikou ? Son arrestation, dans la même affaire, a l’air d’un règlement de comptes en bonne et due forme. Une des notes indique ainsi que « des informations recueillies dans différents milieux (principalement militaire, il ressort que le Haut commandant de la Garde nationale se plaint beaucoup du ministre de l’Intérieur auquel il reproche de l’humilier en permanence ». Et la note de conclure que l’intéressé « est dans un tel état d’esprit que d’aucuns craignent qu’il ne tente, si ce n’est déjà fait, de dresser certains cadres de l’armée contre le ministre ». Sur la base du contenu de cette note, il est fort à craindre que Loulou, tout puissant à l’époque, n’ait décidé de régler son compte au colonel Sidikou en l’incriminant à travers des notes de police dont il était le chef.
À suivre.

Laboukoye