Depuis toujours, l’on connaissait Bazoum Mohamed peu fin en communication car à chaque fois qu’il ose une parole publique, il ne finit jamais sa prestation sans une gaffe. Et cela, avant même qu’il ne soit président, si bien que certains craignaient pour lui d’autres bourdes dans cet autre rôle qui pourrait lui nuire, ne pouvant s’empêcher d’autres bavures verbales qui ne peuvent s’accommoder de son nouveau statut de père de la nation, appelé à rassembler, en tout cas à être ce président de toutes les Nigériennes et de tous les Nigériens auquel, finalement, à défaut de la volonté des Nigériens, un destin, Dieu et Issoufou l’auraient destiné. Avant d’arriver au pouvoir pour assumer la responsabilité suprême, il avait, surtout vis-à-vis de ses adversaires et de la société civile, un discours belliciste, vexatoire qui ne pouvait l’aider à se rapprocher d’une catégorie de Nigériens qu’il savait marginaliser au point de faire croire que la responsabilité de Chef d’Etat, a priori, ne lui sied pas. Mais, il finit avec un certain style par surprendre car depuis qu’il est gère la cité en tant que président, le climat politique s’est quelque peu apaisé, agressant moins des adversaires pour lesquels il ne pouvait plus avoir ces discours provocateurs d’une époque pour mettre un peu de l’élégance dans sa conduite politique au point de faire taire une opposition désormais incapable d’harmoniser ses positions, perdue dans ses divergences et ses contradictions.

Cependant, sur un plan, et notamment de la parole publique, l’homme semble rester le même qu’on a connu jusqu’ici, presque incapable de raffiner sa parole, de lui donner toujours la noblesse que lui confèrent ses nouvelles responsabilités d’homme d’Etat. Comme président de la République, Bazoum Mohamed ne put jamais changer dans ses discours. C’est à croire que ceux qui en ont le contrôle ne peuvent pas l’aider à mieux réussir cet autre aspect important de présiderà la destinée des humains.

Il y a déjà quelques semaines, l’on se rappelle de cette bourde où, parlant des terroristes, il dit avoir pris langue avec certains qu’il reçoit au palais et même à consentir à libérer certains pour espérer régler le problème sécuritaire par une telle gentillesse refusée à des adversaires politiques qui se battent non plus avec des armes comme ses interlocuteurs préférés mais avec les moyens constitutionnels que la démocratie leur offre tant sur l’espace civique que politique. L’annonce fracassante avait alors profondément choqué l’opinion. A l’époque, après la gaffe, quelques hommes étaient sortis pour venir faire une « lecture expliquée » de son texte pour lui donner un sens moins polémique, hélas, sans convaincre de la réorientation sémantique qu’on tentait de donner à une parole pourtant trop claire. Après cette communication ratée on avait cru que la leçon a été bien tirée pour éviter de tomber dans les mêmes erreurs qui, souvent en politique, ne pardonnent pas.

L’adversaire de Bazoum, est souvent, hélas, la parole de Bazoum lui-même. Le 13 mai dernier, journée nationale de la femme nigérienne, au Centre de Conférence Mahamat Gandhi, profitant de la commémoration de la journée, Bazoum Mohamed s’offre l’occasion d’aller palabrer devant les femmes en fête, un exercice qu’il semble affectionner, philosophie oblige. Le tribun, l’ancien syndicaliste et enseignant pouvait alors faire recours à ses talents d’harangueur des foules pour exposer sa connaissance qui déborde du domaine de la philosophie pour aller défier d’autres dans leur domaine de compétence que personne ne pourrait leur dénier et faire croire qu’il a une meilleure maitrise de leur science, notamment pour mieux savoir expliquer plus qu’eux le Coran. Il n’avait pas fini déjà que les réseaux sociaux se sont emparés de sa parole prétentieuse pour la disséquer, et dans bien de cas, la délégitimer, la contester, par la seule rigueur religieuse, non par un regard philosophique tronqué que l’on peut, par des fantaisies, déformer, détourner à des fins politiques inavouées.

Tout le monde pouvait d’ailleurs avoir compris que le but visé par cette communication est le contrôle des naissances pour lequel, un certain discours qu’on peut entendre sur les médias internationaux, prétend que le Niger, du moins la femme nigérienne, commettrait le crime de faire trop d’enfants plus que toute autre femme au monde. Pourtant, plutôt qu’une Nigérienne, c’est une Malienne qui accouche de nonuplés ! Qui pouvait être plus fertile ? On ne sait d’ailleurs pas pourquoi ce débat revient quand, vers la fin du règne d’Issoufou Mahamadou, on entendait un discours de satisfécit, comme pour montrer les prouesses du régime d’Issoufou Mahamadou, à rabaisser la fécondité coupable de la femme nigérienne, pour faire croire que les femmes nigériennes, depuis quelques temps, feraient moins d’enfants au grand plaisir d’Emmanuel Macron qui s’en préoccupe tant. Tout le monde pouvait avoir compris qu’il s’agit, comme c’est le cas pour l’école, de produire, sinon de fabriquer, des statistiques pour faire plaisir à des partenaires qui pouvaient ainsi croire, naïvement, que les politiques qu’ils téléguident chez nous, porteraient des fruits et qu’il y a à faire des efforts à soutenir des gouvernants bons élèves.
La communication, cette autre fois, a encore échoué avec la polémique qu’elle a suscitée et qui continue de s’enflammer. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour s’en rendre compte d’ailleurs, car le lendemain, d’autres étaient invités sur les médias d’Etat à venir recadrer le message présidentiel, arguant encore que les Nigériens n’auraient pas bien compris ce que voulait dire le président pourtant enseignant et philosophe. Mais dans les efforts de clarification, l’on n’a entendu rien de ce qui rassure sur le message et même lorsque ce sont des marabouts qui devraient être chargés de l’exercice. On a compris qu’ils ne voulaient pas gêner le président et il leur manquait les arguments pertinents pour sauver le soldat du naufrage communicationnel. Ceux-là peuvent d’ailleurs réaliser que leur rôle de sapeurs-pompiers ne leur réussit car, malgré leurs efforts d’explication, les Nigériens sont restés sceptiques, continuant à polémiquer sur le sujet. Cette nième bourde, vient informer sur un certain nombre de choses : Un président ne devrait pas dire ça !
L’expression nous vient de l’échiquier politique français avec François Hollande qui peut, dans un livre-entretien fleuve, dire toute sa pensée sur les "sans dents", l’immigration, les footballeurs, Notre Dame des Landes, non sans aller au-delà de ce que son rôle pouvait lui permettre d’aborder dans une parole publique. Il y livre donc des réflexions très personnelles, exactement comme Bazoum Mohamed, sur des sujets qui concernent son mandat. Les journalistes Gérard Davet et Fabrice L’homme, par un questionnement rigoureux, révèlent une partie presque inconnue du personnage dans ce livre choc au titre évocateur : Un président ne devrait pas dire ça. Chez nous au Niger, l’on est aussi tenté de tenir le même propos vis-à-vis du président qui se hasarde sur des sujets qui ne sont pas du tout de ses compétences. Et il faut croire qu’il gagnerait mieux à aller dans les sujets qui sont les siens qu’à prétendre être cet érudit capable de tout embrasser. Nous sommes dans une république où chacun doit jouer son rôle, et où on doit laisser à chacun le droit et le devoir de jouer dans l’espace de ses compétences. Le président doit faire ce qu’il doit faire et les autres, ce qui est de leurs de leurs rôles. Dans une société hiérarchisée personne ne doit aller dans le champ de l’autre. C’est une question de division et de responsabilité.

Un président ne doit pas trop parler.

Aussi faut-il d’abord souligner que la parole présidentielle doit se faire rare pour être un événement, car lorsqu’un président parle beaucoup, sa parole devient trop ordinaire pour amener les peuples à s’en lasser, souvent même à s’en dégoûter. Lorsqu’un président décide de parler, c’est qu’un événement le commande, il parle opportunément lorsque des sujets graves ou importants l’en dissuadent, ou à l’occasion d’événements commémoratifs qui requirent, par les traditions républicaines, qu’il parle à ses concitoyens.

De même, avant de s’inviter sur un sujet qui n’est pas de l’ordre de ses compétences, un président ne saurait prendre le risque d’improviser et pourrait alors requérir l’expertise de ses conseillers du domaine pour éviter des désagréments de l’ordre de ce qu’il provoque à chaque fois qu’il envisage une sortie médiatique au point de pousser d’autres à venir recadrer à chaque fois ses messages. C’est dire que la communication présidentielle a intérêt à mieux être gérée pour éviter de grignoter une image déjà peu lice dans l’opinion. Autant il doit s’efforcer d’être moins bavard, autant il doit comprendre que le régime semi-présidentiel met à sa disposition un collaborateur-fusible – le premier ministre – pour jouer sur des terrains glissants qui peuvent, lorsqu’il doit s’en charger lui-même, lui porter préjudice. Le risque, à la longue, est de conforter une certaine image de lui chez les Nigériens qui peuvent alors croire qu’il ne pourra jamais changer pour améliorer sa communication, tout philosophe qu’il est.
On aime le chef poète, pas le bavard. ISAK