Monsieur le Président, Si vous avez pensé qu’il faut autant de moyens militaires pour vous prémunir contre un attentat ou une attaque terroriste, vous devez être assez magnanime pour mettre vos compatriotes dans les mêmes conditions de sécurité. 

Le vendredi 3 juin 2022, votre déplacement à Makalondi, dans le département de Torodi durement frappé par le terrorisme, sous haute protection sécuritaire, n’a pas eu, je puis vous assurer, l’effet escompté. Vous étiez parti pour rassurer les populations et certains de vos partisans ont même parlé d’appel de Makalondi en faisant allusion à ce discours moralisateur que vous ressassez à l’endroit de criminels sans foi ni loi qui massacrent les Nigériens et qui brûlent le Niger ; un discours que je considère personnellement comme inapproprié, voire suranné — certains disent qu’il est insensé — et dont vous continuez à user alors que les terroristes, eux, tuent et sèment la désolation. Bien sûr qu’ils n’entendent pas vos appels et que vous devez sans doute le savoir. Autant gratter la guitare pour un âne, comme on dit, chez nous.

Un terroriste, c’est uniquement la voix des armes qu’il entend et comprend, pas un prêche. Si vous l’ignoriez, vous avez eu, au moins, le temps, depuis la libération des chefs terroristes que vous avez décidée, que votre devoir est de protéger le Niger et les Nigériens, pas de gratter la guitare à des ânes. Votre déplacement à Makalondi, je vous le soulignais tantôt, n’a pas eu les effets escomptés. Pour cause, vous avez donné aux populations hôtes et à tout le Niger que lorsqu’il s’agit de vous, vous prenez, sans tergiverser, les mesures de sécurité adéquates. C’est le message que votre acte a laissé derrière vous. Combien d’éléments de défense et de sécurité ont été déployés dans la zone ? Certains parlent de 500. Combien d’engins blindés, de véhicules montés de pièces d’artillerie ont mis à contribution ? Pour votre déplacement, il y avait même des hélicoptères dans les airs, durant des heures interminables, prêts à brûler toute menace terrestre. Pour vous-même, vous n’avez, donc, pas lésiné sur les moyens en vous rendant dans cette zone dangereuse. C’est dire que vous avez pleinement conscience des dangers quotidiens auxquels sont confrontés les populations locales qui ne plus se rendre dans leurs villages avec l’assurance d’y arriver en vie ; qui ne peuvent plus travailler leurs champs, c’est-à-dire les bêcher, les sarcler, les semer et les labourer. Qu’est-ce qui leur reste ? Rien du tout et vous portez sur vos épaules, une grande partie de la responsabilité, sinon l’intégralité.

Monsieur le “Président”,

Votre séjour à Makalondi est assez riche d’enseignements. Pour vous protéger, vos services ont déployé des moyens colossaux et on n’a pas connaissance de la moindre menace pendant que vous y étiez. Puis, vous êtes reparti à Niamey, dans votre forteresse, laissant derrière ce foyer de drames quotidiens où des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont dû quitter leurs villages sous la menace terroriste. En tant que président de la République, chef suprême des armées, vous avez manqué à votre devoir de les mettre à l’abri du danger terroriste. Pire, vous n’avez pas pu préserver ces villages, vidés finalement de leurs populations. Je voudrais bien vous demander comment vous appellerez un tel manquement, je veux dire un chef de l’Etat qui n’arrive pas à assurer la sécurité de ses compatriotes.

Monsieur le “Président”,

Il faut vouloir pour l’autre ce que vous voulez pour vous-même. D’abord parce que toutes les vies se valent. Ensuite parce que, rappelez-vous, « nous ne sommes que de misérables petites moisissures de la terre ». Le pouvoir corrompt, certes, au point que certains perdent la tête et oublient qu’ils n’ont qu’une vie. Si vous avez pensé qu’il faut autant de moyens militaires pour vous prémunir contre un attentat ou une attaque terroriste, vous devez être assez magnanime pour mettre vos compatriotes dans les mêmes conditions de sécurité.

Je vous en conjure, quel que soit par ailleurs celui qui a inspiré cette décision sordide de livrer davantage les populations à la vindicte des terroristes, agissez pour restaurer ces postes de police supprimés et donnez des instructions pour qu’il en soit créés d’autres, dans les zones les plus affectées. Ne vous en tenez pas à ça, faites également en sorte que ces postes de contrôle soient créés en fonction des axes de convergence vers les villages ; qu’ils soient équipés d’armements appropriés et dotés de personnels militaires suffisants. Que Dieu, dans sa miséricorde infinie, vous inspire dans cette voie !

Monsieur le “Président”,

Si j’insiste sur cette requête, c’est parce que j’ai appris que la mesure n’était pas inspirée de vous et cela vous a énormément gêné. Vous êtes le chef de l’Etat, vous devez corrigez cette mesure qui, je le répète, ne peut que faire l’affaire des terroristes et de leurs réseaux d’approvisionnements. Agissez de façon prompte, vous éviterez de laisser jeter les populations nigériennes en pâture aux terroristes. Je parle, certes, sans mandat, mais a-t-on vraiment besoin de mandat pour chercher le bien pour les autres ? Si, du point de vue politique, on peut vous jeter la pierre, personne, en revanche, ne peut contester votre humanisme. Au nom de cette valeur que nous partageons, je vous prie de multiplier les check-points dans la région de Tillabéry, particulièrement dans le département de Torodi, devenu la zone la plus exposée au terrorisme. N’échouez pas sur tous les plans, c’est ce que l’autre cherche. La sécurité, en particulier, est devenue la première préoccupation de nos compatriotes. Si vous n’êtes pas en mesure de leur rendre justice en menant la lutte promise contre le terrorisme, mettez-les en sécurité et vous aurez tout gagné.

Mallami Boucar