Mercredi 3 août 1960 - Mercredi 3 août 2022. Après soixante-deux (62) ans, l’indépendance revient au même point, au même moment, le même jour.
Ils veulent l’indépendance. Qu’ils la prennent.

C’est en ces termes que le général de s’adressa aux porteurs de pancartes revendiquant l’indépendance qui l’interrompirent au moment où, à Dakar, sur la place Protêt, il tenait un discours pré référendaire devant une foule venue l’écouter, en 1958.

L’indépendance nous ne la prîmes pas, comme d’autres, les armes à la main, nous la négociâmes dans le cadre du Conseil de l’Entente, une organisation mise en place en 1959 à l’initiative de Félix Houphouet Boigny, regroupant la Côte d’Ivoire, le Niger, la Haute Volta et le Dahomey.

En vérité, ce n’est pas l’indépendance qui fut négociée en 1960, mais une dépendance adoucie.

Dans les années 40 déjà, le général de Gaule avait pris des positions et des dispositions visant à rendre l’indépendance quasi inaccessible. Ainsi en ouvrant la Conférence africaine de Brazzaville en 1944, le général établissait l’existence d’un "lien définitif entre la Métropole et l’Empire", et la Déclaration finale de ladite conférence énonçait que: «Les fins de l’œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire ; la constitution éventuelle, même lointaine, de self-government dans les colonies est à écarter »
Cette volonté opiniâtre de garder les anciennes colonies sous le contrôle de la France, cette volonté de posséder qui ne meurt pas, je la nomme: l’Esprit de Brazzaville.

C’est cet Esprit qui créa en 1945 le CFA, le franc des Colonies Françaises d’Afrique qui lié encore nos pays à l’ancienne métropole, c’est lui qui présida à la mise en place du nébuleux système françafricain à l’Elysée en 1960, c’est le même Esprit qui, entre 1959 et 1961, conclut les accords dits secrets en onze (11) points entre les États africains dits indépendants et la France.

Nous pays membres du Conseil de l’Entente sortîmes des négociations sur l’indépendance munis de ce que la France voulut nous accorder, nous y laissâmes ce que nous avons concédé. Après le Dahomey (1er août), avant la Haute-Volta (5 août), et la Côte d’Ivoire (7 août), le Niger eut sa part d’indépendance.
Au moment où le président Diori Hamani proclamait l’indépendance, la base militaire Leclerc, la présence des multinationales : CFAO (Compagnie française de l’Afrique occidentale), de la SCOA (Société commerciale de l’Ouest africain), l’omniprésence des conseillers techniques dans l’administration, dans les ministères régaliens et à la Présidence de la République, l’aide budgétaire, rappelaient que l’indépendance acquise était contrôlée.

Malgré tout, au milieu de l’indépendance contrôlée, avançant dans la dépendance adoucie, le régime Diori s’employa à donner au pays le visage d’un État respectable doté d’une politique extérieure rayonnante, d’une école qui forma dans tous les domaines des femmes et des hommes compétents, d’une économie honnête et d’une industrie modeste ( huilerie d’arachide, égrenage de coton, minoterie, cimenterie, fabrique de briques et de carreaux, tannerie, production de pâtes alimentaires, fabrique d’objets plastique chaussures et divers ustensiles, fabrique d’objets métalliques - matériels agricoles notamment - savonnerie, produis chimiques et pharmaceutiques, fabrique d’allumettes et de cigarettes, etc. Ce Niger révolu fabriquait même, pour le délice de ses enfants des biscuits et des bonbons.

Plus que Diori Hamani et son équipe, ses successeurs et leurs collaborateurs ont eu des moyens et des ressources pour améliorer les conditions d’existence dans la post colonie du Niger. Ils l en ont usé avec des fortunes diverses. Il n’en demeure pas moins que plus d’un demi-siècle après l’indépendance les Nigériens attendent encore le bien-être qu’une exploitation judicieuse de leurs richesses et une conduite vertueuse de leurs affaires doivent leur procurer.

En ce jour de commémoration, après avoir sacrifié à la symbolique festive, nous devons nous consacrer avec la gravité requise, à l’interrogatoire de notre chemin de dépendance. Où en sommes-nous depuis 62 ans ? À quel degré de dépendance sommes-nous situés ? Que faut-il faire pour sinon s’y soustraire immédiatement, au moins œuvrer pour s’en émanciper progressivement ?

Par Farmo M.