Toh ! Le Président Bazoum qui a promis de sévir sans faiblesse contre la corruption, ne va tout de même pas prétendre qu’il n’a pas eu connaissance de cas de corruption et de malversations financières pour agir comme il l’a promis. La Cour des comptes, ce qu’il y a de plus officiel, lui en mis plein les yeux, plein les oreilles et plein les mains. Il n’avait dès lors qu’à sévir comme il l’avait promis. Or, il vient de recomposer son gouvernement avec des gens épinglés dans le rapport de la Cour des comptes. Les mis en cause, il les côtoie tous les jours, ou du moins chaque semaine, lors des conseils des ministres au cours desquels il partage la même table, il échange et parfois rigole en se donnant l’impression d’être en train de travailler pour le peuple nigérien. Peuton travailler pour son pays et son peuple en cautionnant la corruption et en partageant la même que des corrompus ? Bazoum Mohamed n’a aucune excuse. Car, malgré la publication du rapport de la Cour des comptes, il continue à cohabiter avec des gens qui ont des comptes à rendre avec la justice. Il a demandé, notamment aux organisations de la société civile, de l’aider dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, il est royalement servi, mais manifestement sans aucun moyen de coercition.

Tout, absolument tout chez le Président Bazoum, semble se résumer à des mots. Il parle et lorsqu’il parle d’un sujet, d’une préoccupation de ses compatriotes, on lui donnerait le bon dieu sans confession. Face à la corruption, qui semble s’amplifier depuis sa promesse du 2 avril 2021, il n’a rien pu faire et il ne pourra vraisemblablement faire quelque chose de probant, tant on lui a donné l’occasion de faire, d’agir, pas de parler.

Le rapport général de la Cour des comptes est une mine inépuisable de dossiers pour un homme qui veut lutter contre la corruption. Des bols à café achetés à 10 084 FCFA, des matelas à 416 400 FCFA, l’unité ou encore une latrine à 40 millions de francs CFA, des doublons dans les paiements, etc., le Président Bazoum en a plus qu’il ne faut pour briller de mille feux. Mais, la vérité est qu’il ne peut pas mener la guerre contre la corruption. N’est-ce pas pourtant le levier essentiel de la mission qu’il a promis de conduire durant son mandat ? Pour lui, mais aussi pour ceux qui sont amnésiques, voici ce que le tout nouveau président a déclaré, le 2 avril 2021 : « Je serai implacable contre les délinquants parce que j’ai conscience du tort que porte la corruption au développement du pays ». Cette déclaration, le Président Bazoum l’a peut-être oubliée. Mais il est bon de la lui rappeler. Mieux, il a ajouté : « …je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa «base», sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre ». N’est-ce pas accablant pour le Président Bazoum ? Tenir de tels propos et se retrouver coincé, sans autre alternative que de subir la volonté des pilleurs.

Apparemment, le parti politique, la «base», en particulier, servent bien de bouclier à ceux qui détournent et il faut le constater, c’est bien au Président Bazoum que les pouvoirs constitutionnels ne semblent servir à grand-chose. Pourtant, en plus de ses pouvoirs constitutionnels, il a obtenu le soutien, ferme, des Nigériens. Par deux fois, lors de Rencontres avec les organisations de la société civile, tenues à son initiative, le Président Bazoum Mohamed a demandé à ses interlocuteurs de l’aider à remplir sa mission, particulièrement sur le volet de la lutte sans merci qu’il a promis de mener contre la corruption. Malgré les conditions objectives qui militent en faveur d’une prudence excessive face à l’annonce du président, ses invités, notamment lors de la première rencontre, se sont laissés séduits. Puis, les affaires vont rapidement se gâcher pour le Président Bazoum. Comme si, quelque part, on a décidé de le servir à satiété afin de le confronter à plus fort que lui, le président va subir d’abord des refus et des oppositions catégoriques et fermes de laisser faire certains audits. Des inspecteurs d’Etat vont être rabroués et renvoyés d’où ils viennent. Et après le soufflet enregistré dans l’affaire communément appelée Ibou Karadjé, plus personne ne croit au combat du Président Bazoum. Il est, certes, défait mais Bazoum Mohamed a probablement mal digéré cette façon de lui faire mordre la poussière. A-t-il seulement le choix ? Soit, il s’incline, soit c’est le clash. Les affaires d’argent détourné, elles, vont être révélées, avec une régularité qui frise le défi ouvert et permanent.

Le Président Bazoum a-t-il déjà échoué ? C’est certain. Il ne faut nourrir de l’espoir là où tous les feux sont au rouge et que celui qui a promis de les tourner au vert, semble penser qu’il lui suffit de parler pour avancer. Investi à la tête de l’Etat il y a un an et un mois, Bazoum Mohamed a bercé les Nigériens d’espoir avant d’être rapidement rattrapé par les évènements. Sur tous les plans, le Niger est en train de connaître un net recul, allant de mal en pis. Et Bazoum Mohamed qui continue de faire dans les discours, oubliant qu’il sera jugé plutôt sur les actes. La sécurité, la corruption, le déni de la loi, le laisser-aller, les détournements, l’impunité, tous les maux semblent connaître une certaine amplification. Et les Nigériens qui attendent que le soleil se lève à l’ouest pour se coucher à l’est.

BONKANO.