S’il ne peut le confesser, Bazoum Mohamed a toutefois laissé paraître tout le mal qu’il a eu pour déterminer le contenu de ce message à la nation de ce 2 août 2022. Un message qui fera date pour son caractère insolite, pour ne pas dire insultant vis-à-vis d’un peuple qui trime, qui souffre, qui pleure au quotidien ses morts mais qui entend ses dirigeants claironner que « tout va pour le mieux dans le meilleur des Niger possibles. Comment éviter de dire les choses telles qu’elles sont, telles que le peuple le sait, le vit et le subit tout en voulant convaincre qu’on est là pour travailler au mieux-être de ses compatriotes ?

Dans ce message à la nation de ce 2 août 2022, celui qui préside aux destinées du Niger depuis plus d’un an a fait ses confessions au grand jour. Des confessions sur ses limites objectives et son impuissance face à apporter les solutions attendues des Nigériens.

Le 2 avril 2021, en prenant à témoin le peuple nigérien et le monde entier, le tout nouveau président déclarait ceci : «…je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa «base», sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre ». Il va plus loin, indiquant que « Le deuxième grand problème de notre gouvernance réside dans la prévalence de pratiques de concussion et de corruption au sein de l’administration ». Un aveu de reconnaissance qui a fait croire aux Nigériens que Bazoum Mohamed fera mentir les pronostics. C’était d’autant plus tentant qu’il a tenu à décliner ce qu’il fera précisément à ce sujet. « Mon credo sera de miser principalement sur la pédagogie de l’exemple en ne tolérant d’aucune façon le principe de l’impunité. Ainsi, Je serai implacable contre les délinquants parce que j’ai conscience du tort que porte la corruption au développement du pays ».

Cet engagement, Bazoum Mohamed semble l’avoir rangé dans ses tiroirs, donnant ainsi suite à ceux qui ont pillé le Niger. Même le discours a changé. « Parce que notre véritable Indépendance, en tant que Nation, est tributaire de notre effort dans le développement de notre pays, nous devons profondément corriger notre manière de gérer la chose publique pour que nos politiques publiques soient vertueuses et garantes des effets positifs de long terme ». Il ne s’agit plus de sévir, mais d’appeler à la conscience des pilleurs afin qu’ils changent leurs rapports avec les deniers publics. Le Président Bazoum s’emmêle d’ailleurs les pinceaux en soulignant, bien mollement, ce propos qui a certainement fait rigoler ici à et là. « Conformément à mon discours d’investiture, je reste très ferme dans le combat pour le respect des biens publics ». Le Niger est mal barré.

Le chef de l’État parle de fermeté, sans même se rendre compte qu’il se livre aux moqueries et aux railleries de ses compatriotes qui constatent qu’il aurait dû se taire sur ce sujet, comme il l’a fait d’ailleurs à propos de l’augmentation du prix du gasoil à la pompe qui a connu, le lundi précédent, une hausse de 130 FCFA. Un silence qui corrobore par ailleurs sa conclusion sur le sujet. « Aussi, ai-je demandé au gouvernement, dit-il, de prendre les mesures idoines pour satisfaire aux recommandations formulées par la Cour des Comptes, en vue de l’amélioration nécessaire de la gestion financière de l’État et de ses démembrements dans le strict respect des règles en la matière ». C’est le chef de l’État, qui a juré de respecter et de faire respecter la Constitution, qui parle ainsi. En un mot, c’est comme le gendarme qui demande poliment au voleur de revoir ses pratiques afin que la victime ne coule pas. Du jamais vu. Et comme il s’agit de rassurer au maximum ceux qui nagent dans les deniers publics, celui qui dit être toujours ferme dans le combat pour le respect des biens publics dit ceci : « Les dossiers qui appellent davantage d’éclaircissements seront traités à travers les canaux appropriés afin que toutes les conséquences en soient tirées ». Bazoum Mohamed fait exprès de rester aussi vague que possible. Il parle d’éclaircissements et de canaux appropriés, laissant ainsi à chacun le soin de faire son interprétation. Le Président Bazoum ne veut ni frustrer ceux qui croient en ses intentions, ni susciter la colère de ceux qu’il redoute. D’où cette confusion délibérément entretenue dans ce message à la nation.

En soulignant que les cas de corruption et de détournements de deniers publics sont des pratiques préjudiciables à la crédibilité de l’État, qu’elles mettent à rude épreuve la construction de l’État de droit, avec le risque d’ébranler dangereusement les fondements de notre démocratie basée notamment sur les socles de justice sociale, de la solidarité nationale et de l’attachement au caractère sacré des biens publics », Bazoum Mohamed ne le croit sans doute pas. Car, il sait mieux que quiconque, que depuis 11 ans, la démocratie nigérienne est très éloignée de ces valeurs qu’il cite.

À propos du terrorisme, il y a visiblement un fossé entre le chef de l’État et le peuple nigérien. Bazoum Mohamed rend hommage à la présence militaire française au Niger alors que les Nigériens ne veulent pas de cette présence qu’ils trouvent envahissante et contraire aux intérêts de leur pays. Le Président Bazoum trouve même que l’assentiment donné par l’Assemblée nationale est un acte patriotique et que les Forces de Défense et de Sécurité nigériennes ont démontré à la Nation leur capacité à contenir les actions terroristes sur notre territoire avec professionnalisme et dignité. Aucune mention de ces morts qu’on compte pratiquement au quotidien et de l’incapacité de l’État à garantir la sécurité de milliers de personnes qui ont dû abandonner leurs villages et leurs champs. Aucune mention, non plus, de ces armements autour desquels il a fait grand bruit et dont on ne voit aucune trace, des mois après sa virée en Turquie. « L’État, dit-il, pourtant, ne tergiversera point quant aux moyens multiformes à mettre à leur disposition ». En attendant, les terroristes font la loi et imposent leur diktat sur des pans entiers du territoire national.

Laboukoye