Bazoum Mohamed est ce candidat qu’Issoufou Mahamadou, pour des raisons qui lui sont personnelles, avait imposé au PNDS et qu’il tente depuis des jours, d’imposer aux Nigériens comme président de la République alors même que les Nigériens, depuis des semaines, contestaient la régularité de sa candidature, non conforme aux dispositions de l’article 47 de la Constitution du pays.

En effet, accablé de ne pas être un Nigérien d’origine, l’homme ne put jamais apporter les preuves irréfutables du contraire. Depuis quelques jours, sa victoire avait été annoncée dans des conditions troubles, troublantes et rocambolesques par la CENI qui avait, dans une rapidité surprenante, proclamé les résultats du second tour alors même que l’Opposition dénonçait certains chiffres annoncés qui ne peuvent être vrais dans le contexte autant que pour le bon sens et surtout lorsque ses délégués, ne peuvent pas les signer parce que justement, truffés d’incohérences et de falsifications.

La situation que les Nigériens redoutaient arrivait, avec depuis des jours, une vive tension qui s’est emparée du pays et des manifestations spontanées pour réagir contre les résultats annoncés que le candidat de l’Opposition, lui-même, dit ne jamais accepter, demandant jusqu’à un recomptage des voix. L’aventure présidentielle de Bazoum Mohamed était depuis ce moment mal partie et ce, depuis que le parti – le PNDS – dont il porte les couleurs, ne peut se fédérer autour de lui car sa désignation par son mentor – Issoufou Mahamadou – se faisait dans la déchirure, dans un copinage qui a outré un pan important du parti. Pire, depuis l’annonce de la CENI, sa victoire a été contestée et l’Opposition très déterminée sur le sujet, dit ne jamais accepter le hold-up électoral.

Drôlerie…

Au-delà de certains chiffres annoncés qui ont tiqué tant par leur incohérence que par leur caractère surréaliste qui en font dans certaines régions, des espaces entièrement roses, toute chose impossible dans un pays dont la sociologie démographique et politique reste dans le mixage et dans la diversité qui ne sauraient entrevoir dans nul espace un unanimisme politique, l’on ne peut qu’être étonné de voir certains comportements assez étranges. Tous les observateurs de la scène politique nigérienne comprenaient alors la dimension ubuesque et contestable des chiffres annoncés. Alors que dans les démocraties normales c’est le candidat malheureux, comme on dit, qui félicite le vainqueur, au Niger, les choses sont à l’envers non sans étonner. Pendant que Mahamane Ousmane et toute l’Opposition se dressent contre la « victoire dictatoriale », on peut voir le candidat déclaré victorieux « féliciter » son challenger c’est-à-dire le candidat supposé vaincu qu’il peut en plus, par une démarche puérile, amadouer en le caressant dans le sens des poils, le couvrant de superlatifs flatteurs pour toucher son égo. C’est à croire que Bazoum, en faisant ses éloges à son adversaire qu’il tente d’isoler de ses alliés politiques, négocie sa victoire avec Ousmane à qui, maladroitement, il miroite une gestion collégiale pour construire le pays, oubliant qu’un tel commerce ne l’a jamais intéressé sinon il n’allait jamais se séparer de Tandja et de son Tazartché qu’il avait combattu avec les forces vives du pays sans faiblesse, par conviction et par principe.

Cette situation dénote de la gravité de la situation qui n’échappe pas aux supposés vainqueurs qui peuvent enfin comprendre qu’il ne suffit pas de déclarer une victoire pour vivre les joies d’un triomphe, d’un sacre qu’on aura forcé. Face aux événements qui ont agité le pays ces derniers jours, il va sans dire que le candidat « vainqueur » et tous ceux qui le soutiennent, ne dormaient pas car ils pouvaient comprendre enfin que c’est maintenant que tout devient sérieux. Même s’il faut dans le cas, malgré les contestations, investir le candidat imposé, il faut croire que pour celui dont il est question pour gouverner le Niger, la tâche, forcément, sera éminemment difficile. Ces derniers jours, il doit d’ailleurs l’avoir pressenti. Gouverner un peuple qui refuse n’est que délicat surtout quand Mahamane Ousmane, solidaire avec ses amis politiques, dans sa dernière déclaration dit, « nous sommes disposés à ne pas nous laisser faire » et surtout lorsqu’il peut relever, pour s’en offusquer ensuite « une volonté d’imposer au Niger un président que les Nigériens n’ont pas élu ».

Avec cette victoire contestée, les prochains jours devront être difficiles pour le Niger et son président commandé. Dans le climat précaire actuel d’une ville qui vit sa gueule de bois, les tensions restent vives et profondes. Et on se demande : Peut-on, pendant cinq ans, se servant de répressions, d’abus et de viols des libertés, maintenir et préserver un pouvoir mal acquis ? C’est sans doute, le challenge de Bazoum Mohamed qu’un lobby est décidé à imposer au Niger. Il y a pourtant à faire très attention. Le PNDS ne peut pas tout décider, tout seul, tout le temps, pour tout le Niger. Mais l’autre plaie tout aussi incurable de la “présidentialité” de Bazoum Mohamed est cette affaire de nationalité d’origine qui le poursuivra tout une vie tant que l’intéressé lui-même ne le règle pas. Cette situation a le désavantage de créer un grand fossé entre le président qui vient dans les “pipelines” du système et les Nigériens pour qui, celui qui pourrait être son prochain président, ne serait pas un Nigérien d’origine, et donc fondé par la loi fondamentale à diriger le pays. Dans le malaise que cette situation peut créer, la fracture ne peut que davantage se créer et la crise, forcément, ne peut que se renforcer. Dans un tel climat, les choses s’annoncent très difficiles pour le patron du PNDS qui comprend dans quel jeu dangereux le pousse son mentor. Désormais, pour gouverner, Bazoum Mohamed pourra avoir compris qu’il n’a qu’un seul moyen pour gouverner : la répression. Il l’a du reste fait savoir pendant la campagne et après la proclamation des résultats lorsqu’il peut, après l’annonce de sa victoire, écrire : « Je l’ai déjà annoncé lors de la campagne, que toute contestation sera réprimée (…) car notre pays ne peut pas se permettre de tels agissements antidémocratiques », peut-on lui rétorquer, s’accommoder d’élections bancales, d’une confiscation des libertés, d’une suspension de la couverture Internet. On est dans quel pays, comme dirait le président Ousmane !

L’autre plaie béante, pour ne nous en limiter qu’à ces exemples, est la parole politique, publique de l’homme Bazoum. Lorsque le moment viendra pour lui de diriger selon la volonté de son bienfaiteur, l’on pourrait s’attendre à toutes les démesures. Or, une parole mal pensée, dans un contexte de crise et de malaise, peut être plus dangereuse que des canons. Les mots détruisent autant que les armes et l’on sait que la parole de Bazoum, en tout cas celle qu’il a eue jusqu’ici, n’a jamais été bien soignée, n’a jamais apaisé. Sa parole a toujours frustré, elle a toujours heurté, blessé.

Et il y a de quoi craindre pour le Niger d’avril prochain. La communauté internationale, dans ses silences complices feigne ne rien voir, regardant le pays sombrer, et le régime tourner à la dérive. Dans la gouvernance de la vengeance que l’homme qui traîne déjà beaucoup de handicaps quant à sa légitimation, l’on ne peut rien voir de bon dans ce qui s’annonce pour le pays. Depuis des jours, ils sont nombreux, dans le pays et ailleurs, à avoir peur pour le pays.

Ces derniers jours, après ce que fut la vague anti-Charlie, les Nigériens ont montré, comme tout autre peuple, qu’ils sont capables de violence. C’est un signe, un mauvais signe pour le pays. Les forces de l’ordre, peuvent-elles pendant longtemps résister à cette force qui vient du peuple et pour laquelle, Mahamane Ousmane, rappelait si opportunément « à ceux qui semblent l’avoir oublié » que « nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal ». Appelé à rentrer en fonction dans un tel contexte pour un homme qui, même philosophe, n’a que très peu fait preuve de sagesse dans son rôle public, l’on ne peut que s’inquiéter pour le pays et craindre des turbulences qui viendraient à le déstabiliser. La situation est explosive, aujourd’hui suspendue à la validation prochaine de résultats minutieusement scrutés par une Cour Constitutionnelle sur laquelle, tous les yeux sont rivés pour attendre d’elle qu’elle dise le droit, rien que le droit sur des cas flagrants de fraude et de tricheries sur lesquels on l’attend des pieds fermes. Le message courageux du Médiateur national qui semble avoir pris la mesure de la situation, est assez révélateur de l’état d’esprit dans lequel, ce moment est attendu. Les arrestations à une échelle ahurissante d’acteurs politiques et de manifestants, n’arrange rien à la situation qui ne peut que davantage se dégrader. Les haines et les rancoeurs sont tenaces. Le front, à tout moment, tant qu’il n’y aura pas un geste d’apaisement, ne peut que s’enflammer. L’Opposition, fait-elle savoir, ne baissera pas les bras et elle sait qu’elle a un peuple avec elle/ Au même moment Bazoum et son parrain restent aussi dans les mêmes intransigeances. Tous les observateurs ont compris que ces événements, servaient de moyens pour le régime de légitimer des arrestations et des condamnations car comme en 2016, le PNDS pourrait encore se dire qu’il ne pourra pas gouverner tant que Hama Amadou serait libre de ses mouvements et au lieux d’attendre qu’ils aillent en exil, il fallait trouver le moyen de le coffrer, de l’isoler, de le mettre hors d’état de nuire, ainsi qu’une militante du PNDS le conseillait, il y a quelques mois à « son président ». Ne jouons pas trop avec le feu. Le Niger reste le Niger et 2016 est bien différent de 2021. Ce qui était possible en 2016, peut ne pas l’être aujourd’hui, dans un contexte tout à fait différent.

Le pays est malade. Et cette question, comme un leitmotiv revient : où va ce Niger qui devient le jardin hérité des socialistes ?

Au Niger, l’heure est grave. Très grave.

Gobandy